En effet, depuis cette
date, chaque semaine apporte son lot de scandales, de comportements hors la
loi, souvent d’ailleurs impunis, de dérives sécuritaires graves, de décisions
de justice ubuesques, sans oublier, bien entendu, l’installation d’un émirat
salafiste quelque part sur le territoire national, véritable Etat dans l’Etat!
Je ne vais pas pouvoir
énumérer tous les actes de transgression de la loi qui ont été commis au cours
des derniers mois car il me faudrait écrire un livre entier, aussi vais-je me
contenter de passer en revue les 10 situations qui me paraissent les plus
graves.
1- L’occupation de la faculté des lettres de la Manouba par des salafistes
C’est une affaire
honteuse qui a pourri la vie, des mois durant, à des milliers d’étudiants et
d’enseignants universitaires et dans laquelle se mêlent l’incompétence et la
mauvaise foi du gouvernement.
Un certain 28 novembre
2011, deux étudiantes en niqab sont, en toute logique, empêchées de passer des
examens. Elles font alors appel à un groupe de salafistes, en majorité
étrangers à la faculté, qui occupent l’administration, empêchent le déroulement
normal des cours, agressent étudiants, enseignants et même le doyen de la
faculté en toute impunité.
Cette affaire, largement
relayée par les médias, nationaux et internationaux, a gravement terni
l’image de la Tunisie à travers le monde, au vu et au su du ministre de
l’Enseignement supérieur, connu pour son idéologie religieuse fondamentaliste
proche de l’extrême droite, qui n’a pas trouvé mieux que d’en imputer la
responsabilité au doyen de la faculté !
2- La profanation du drapeau national en toute impunité
Conséquence du pourrissement
de l’affaire de la faculté des lettres de la Manouba et de l’étrange passivité
du gouvernement face aux agissements des salafistes, l’un des activistes
religieux s’est permis d’arracher le drapeau tunisien et de le remplacer par la
bannière noire de son groupe fondamentaliste, au grand dam de millions de
Tunisiens qui se sont sentis blessés et meurtris dans leur âme par ce geste
insensé. Heureusement qu’à cet instant, une jeune fille armée de son courage a
su tenir tête à l’énergumène et remettre en place notre drapeau, symbole du
sacrifice des martyrs qui ont donné leur vie pour que la Tunisie soit un pays
souverain et indépendant.
Le pire dans cette
affaire est que le profanateur, quoique identifié, n’a pas été inquiété
outre mesure par les autorités. Il a pu ainsi se pavaner à sa guise pendant des
semaines avant de se rendre de son plein gré à la police. Traduit en justice,
il n’a écopé que d’une peine de prison de 6 mois avec sursis, qui en dit long
sur l’indépendance de la justice.
(Pour information, si la
loi avait été correctement appliquée, le profanateur aurait dû être condamné
une peine de 1 an de prison ferme).
3- La parade des prédicateurs ignobles
Durant les mois écoulés,
notre pays a vu défiler de nombreux apprentis-prédicateurs d’opérette, le plus
célèbre d’entre eux étant le dénommé Wajdi Ghanim, qui s’est rendu tristement
célèbre en faisant l’apologie de l’excision des fillettes, coutume barbare
datant de la Jahiliya (la période antéislamique). Cet odieux personnage,
condamné dans son propre pays, n’a pas trouvé mieux que de profiter de
l’hospitalité des Tunisiens pour venir les insulter, et ce avec la bénédiction
de certains hauts cadres du parti Ennahdha, de membres de l’Assemblée nationale
constituante et même de membres du gouvernement, qui lui ont déroulé le tapis
rouge.
Comment un Etat de droit
pourrait-il se permettre d’autoriser une personne étrangère à venir lancer sur
son sol des appels à la haine et à la discorde?
4- Les milices au service du parti-Etat
Par une sorte de
syndrome de Stockholm, Ennahdha semble suivre le chemin de l’ancien parti au
pouvoir, le Rcd, dans bien des domaines, notamment celui des milices, chargées
de faire le sale boulot!
Lors de la marche du 9
avril, destinée à commémorer le sacrifice des martyrs, l’auteur ces lignes
était aux premières loges pour voir ces milices barbues à l’œuvre, en train de
tabasser de simples citoyens venus fêter pacifiquement un évènement cher à
leurs yeux.
Comme si le fait de
lancer des gaz lacrymogènes était insuffisant, le ministre de l’Intérieur,
cherchant visiblement à montrer un semblant d’autorité, a permis à ces milices
d’agir en toute impunité et au mépris des lois élémentaires du respect des
droits de l’homme ...
5 - La tentative de mainmise sur la télévision nationale
Continuant sur leur
lancée et cherchant à «aider» le parti au pouvoir à asseoir sa domination sur
les médias et notamment la Télévision nationale et ses deux chaînes Watanya1 et
Watanya 2, ces milices ont organisé un sit-in juste en face du siège de l’établissement,
offrant, deux mois durant, un spectacle désolant de voyous lançant à travers
des mégaphones des slogans orduriers, appris par cœur, et des grossièretés à
l’adresse des speakerines et présentatrices du télé-journal. Trois d’entre
elles, n’en pouvant plus de voir leur honneur atteint par ces énergumènes, ont
préféré démissionner.
Pour pouvoir camper de
la sorte deux mois durant, il est clair que ces individus n’ont pas d’autre
boulot, ce qui pourrait laisser penser qu’ils sont payés pour le faire, d’autant
que certains témoins affirment avoir vu des voitures venir régulièrement
apporter de la nourriture (et pourquoi pas autre chose) à ces sit-inneurs
décidément très professionnels.
6 - Des Salafistes au dessus des lois :
Il semble que, sous le
«règne» d’Ennahdha, les salafistes bénéficient d’une impunité totale et qu’ils
peuvent mener des actions violentes sans courir le moindre risque pénal. Il
suffit de rappeler les agressions contre des journalistes (notamment des
journalistes Zied Krichène et Sofiène Ben Hamida), de l’universitaire et
écrivain (Hamadi Redissi), des artistes, des innombrables citoyens (et,
surtout, citoyennes) ordinaires, et ce en toute impunité.
Il y a lieu de noter que
même les agents de police peuvent être victimes d’agressions de la part de ces
salafistes, que le chef d’Ennahdha décrit comme ses «propres fils», qui lui
rappellent sa «prime jeunesse»!
Si les forces de police
ne sont même pas capables de se protéger elle-mêmes contre ces individus
violents, alors comment pourraient-elles protéger les citoyens?
7 - Les appels au meurtre impuni
De nombreux Tunisiens
sont scandalisés par cette douloureuse affaire d’appel au meurtre à l’encontre
des juifs lancé par des extrémistes lors de l’arrivée de l’ex-Premier ministre
palestinien Ismail Haniye. Non seulement cet appel au meurtre est resté impuni
mais il s’est répété à plusieurs reprises. Le cas le plus édifiant est celui de
l’appel au meurtre lancé publiquement contre l’ancien Premier ministre par un
fonctionnaire de l’Etat, un haut cadre du ministère des Affaires religieuses de
surcroît, dont le salaire est payé par le contribuable tunisien !
8 - L’affaire Nessma TV
C’est une affaire pour
le moins abracadabrante dans laquelle les agresseurs sont innocentés alors que
la victime est condamnée!
Quelques semaines avant
les élections du 23 octobre 2011, la chaîne privée Nessma TV a eu la
malencontreuse idée de diffuser le film ‘‘Persépolis’’. Ce film qui avait été
auparavant projeté dans diverses salles de cinéma a été jugé blasphématoire par
certaines personnes qui ont réussi à faire une manipulation politique, de sorte
que des hordes d’énergumènes excités et endoctrinés se sont attaqués à la
personne du directeur de la chaîne ainsi qu’a des membres de sa famille.
La justice a quasiment
blanchi les agresseurs. Elle a, en revanche, condamné le directeur de la chaîne
à payer une lourde amende.
Il y a lieu de noter que
le verdict a été prononcé le jour même de la célébration de la liberté
d’expression, ce qui a suscité une vive réaction d’indignation de la part de
l’ambassadeur des Etats Unis d’Amérique. Et d’organisations internationales de
défense des libertés.
9 - Dédommagement des islamistes ou le hold-up du siècle
Au moment où la
situation économique du pays s’aggrave très sensiblement, où le chômage
s’amplifie, où l’inflation galopante rogne le pouvoir d’achat du citoyen
tunisien, qui trouve toutes les peines du monde à joindre les deux bouts, et où
les blessés de la révolution sont livrés à eux-mêmes et traités de façon
indigne, les membres du gouvernement islamiste ne trouvent pas mieux que de sortir
cette histoire d’indemnisation des victimes de la répression de Ben Ali.
Certaines rumeurs font
état d’un montant astronomique (non confirmé) d’une cagnotte de 750 millions de
dinars qui serait répartie entre les anciens prisonniers politiques. Ce qui
constituerait un véritable hold-up sur les caisses de l’Etat, déjà à moitié
vides!
Heureusement que dans
notre pays, il reste des hommes et des femmes dignes qui refusent de manger de
ce pain, notamment ces militants de gauche qui ont annoncé qu’ils refuserait de
percevoir ces indemnités et qu’ils ont milité pour la libération et
l’émancipation de leur peuple, et non pour être… rémunérés pour leur combat!
10- L’émirat salafiste du Sejnanistan
C’est sans doute
l’affaire la plus grave, qui semble relever du surréalisme !
Divers médias tunisiens et étrangers ont révélé cette histoire gravissime de l’établissement d’un émirat salafiste dans le paisible village de Sejnane (nord-ouest), dont les habitants se trouvent à la merci d’un groupe de fondamentalistes religieux qui fait régner la terreur, à travers des actes de torture sur de paisibles citoyens. Un Etat dans l’Etat!
Divers médias tunisiens et étrangers ont révélé cette histoire gravissime de l’établissement d’un émirat salafiste dans le paisible village de Sejnane (nord-ouest), dont les habitants se trouvent à la merci d’un groupe de fondamentalistes religieux qui fait régner la terreur, à travers des actes de torture sur de paisibles citoyens. Un Etat dans l’Etat!
Le pire est que cette
affaire dure depuis des mois sans que le gouvernement provisoire ne lève le
petit doigt pour y remédier, se dérobant derrière des dénégations qui ne
convainquent personne.
Tout récemment, un
groupe d’une centaine d’étudiants, transitant par ce village, se sont fait
menacer, insulter et même violenter par des extrémistes salafistes, sans que la
police ne daigne intervenir.
Tout ce que notre
gouvernement a trouvé comme commentaire, c’est de dire qu’il ne s’agit pas de
touristes étrangers, mais d’étudiants tunisiens!
Ceux qui croient encore
que la révolution tunisienne est celle de la dignité doivent déchanter!
En définitive, même si
nous nous réjouissons du départ du tyran Ben Ali, nous devons nous résoudre à
accepter le fait que le chemin vers l’établissement d’un véritable état
de droit en Tunisie est encore long et semé d’embuches !
Moez Ben Salem,
Kapitalis, le 17 mai 2012
Nota de Jean Corcos :
Il m'a paru intéressant de publier, avec quelques mois de retard, cet article de la presse tunisienne qui déjà tirait la sonnette d'alarme ... c'était avant bien d'autres graves dérives où l'islamisation rampante du pouvoir précédait ou accompagnait les violences des extrémistes salafistes ; et bien sûr, avant l'attaque en bandes rangées de l'Ambassade des USA à Tunis, le vendredi 14 septembre !
Nota de Jean Corcos :
Il m'a paru intéressant de publier, avec quelques mois de retard, cet article de la presse tunisienne qui déjà tirait la sonnette d'alarme ... c'était avant bien d'autres graves dérives où l'islamisation rampante du pouvoir précédait ou accompagnait les violences des extrémistes salafistes ; et bien sûr, avant l'attaque en bandes rangées de l'Ambassade des USA à Tunis, le vendredi 14 septembre !