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10 octobre 2012

"Islamisme et antisémitisme en France" : un éditorial impeccable du journal "Le Monde"



Introduction :

Le propre d'un intellectuel de bonne foi étant de saluer des paroles dans lesquelles on se reconnait même si on n'a pas de sympathie pour ses auteurs - et c'est mon cas vis à vis de ce journal - je tenais à reprendre ici cet éditorial publié sur leur site le 8 octobre. Deux remarques en complément de cette introduction :
- le choix des mots est encore plus brutal que celui retenu par le CRIF (et dans lequel je me reconnais), car le terme "islamisme" (qui englobe toutes les mouvances de "l'islam politique") a été choisi plutôt que celui "d'islam radical" ;
- suite à cet article sur le site du journal - comme sur d'autres sites, reprenant en particulier les propos du Président du CRIF Richard Prasquier - s'étale une haine antisémite sans complexes, et exprimée par des lecteurs visiblement d'origines diverses.
J.C

Le week-end a confirmé une sinistre réalité : il existe en France des groupes déterminés à la violence contre les juifs. Il faut lire les évènements de Strasbourg à l'aune de cette simple et cruelle évidence factuelle.

Elle relève d'une actualité récurrente où la police enregistre çà et là une myriade d'agressions de rue : tirs sur la synagogue d'Argenteuil, gamins qui se font arracher leur kippa ou tabasser parce qu'ils en portent une.
Cette évidence cruelle surgit à la "une" de l'actualité dans des circonstances plus dramatiques. Quand, pour la première fois depuis la fin de la guerre, des enfants sont tués en France parce qu'ils sont juifs, avec les crimes perpétrés à Toulouse par Mohamed Merah il y a plus de six mois.
Quand une grenade est lancée en pleine journée dans une supérette casher de Sarcelles, dans la région parisienne, comme il y a deux semaines. Quand la police démantèle un réseau islamiste et le trouve en possession d'une liste de projets d'attaques contre des associations juives de France, comme ce samedi 6 octobre.

Cette violence n'est pas indiscriminée ; elle est bel et bien ciblée. Elle est commise au nom de l'islam, censé inspirer un combat islamiste, djihadiste, al-qaïdiste. Même si ses auteurs, en général convertis de fraîche date et baignant dans le banditisme, ignorent tout de l'islam.
Elle est souvent accompagnée d'un invraisemblable salmigondis idéologique où se mêlent des causes qui ne peuvent, à juste titre, laisser les musulmans de France insensibles : cela va du Proche-Orient à l'Afghanistan.

Mais, élément nouveau et terrifiant, cette violence emprunte aussi, sinon surtout, au vieil anti-sémitisme européen, celui qui avait cours en France à la fin du XIXe siècle. Elle véhicule sur les juifs tous les préjugés racistes de l'époque ; elle réhabilite théories du complot et archétypes les plus ignobles. C'est au nom de cet antisémitisme qu'Ilan Halimi a été enlevé puis torturé à mort par le "gang des barbares" en 2006.
Internet véhicule à plaisir ce renouveau antisémite sur une floppée de site islamistes où la haine des juifs est au cœur d'un discours antioccidental.
Avant et plus encore après le drame de Toulouse, les responsables de la communauté juive avaient tiré la signal d'alarme. Sans être assez entendus, ils mettaient en garde contre la renaissance d'un antisémitisme virulent dans certains quartiers des villes françaises. La mort de Merah a été suivie d'une vague d'agressions contre les juifs.

Telle est la réalité, simple, crue – irréductible à telle ou telle explication gépolitique. C'est une réalité franco-française. Elle ne "résume" pas nos banlieues, mais elle est là. Elle occulte des initiatives admirables où juifs et musulmans luttent ensemble contre les dérives radicales.

L'islam de France ne manque pas de grandes voix pour combattre le racisme antijuif. Elles le font régulièrement, presque rituellement. Mais la prise de conscience doit être nationale : cette affaire-là nous concerne tous.

Editorial du journal "Le Monde",
8 octobre 2012