Samedi dernier, à
Villeurbanne, trois jeunes juifs, reconnaissables en tant que tels à la kippa
qui leur couvrait la tête, ont été insultés puis frappés à coup de marteau et
de barres de fer. Les agresseurs, des
jeunes, très probablement d’origine maghrébine, se sont enfuis, après avoir blessé leurs victimes. Cette agression antisémite
s’ajoute à de nombreuses autres qui se sont produites ces dernières semaines, sans toujours être
aussi graves, bien heureusement. On aurait pu croire que les actes monstrueux
commis par Mohamed Merah à Toulouse et Montauban, avaient provoqué un choc
salutaire, un sentiment de honte, le désir de se distinguer d’un tueur
d’enfants chez des jeunes sans repères. C’est le contraire qui s’est produit, il est
devenu pour certains un héros, comme en témoignent des inscriptions ou des
insultes antisémites. Selon le SPCJ, le service de protection de
la communauté juive, 148 actes antisémites, dont 43 violents se sont produits
entre le 19 mars (jour de la tuerie dans l’école juive et le 30 avril 2012). Le
ministère de l’intérieur en avait recensé 389 pour toute l’année 2011. Une
escalade de la violence que confirme le BNVCA, le bureau national de vigilance
contre l’antisémitisme.
L’agression de Villeurbanne a été condamnée par
l’ensemble des responsables politiques, le premier ministre, Jean Marc Ayrault,
le ministre de l’intérieur Manuel Valls,
contrairement à ce qui s’était passé entre 2000 et 2002 avec Jospin et
Vaillant, ont immédiatement réagi et condamné. Manuel Valls a rencontré les
responsables de la communauté pour étudier avec eux la sécurisation des
bâtiments sensibles et en particulier la
protection des élèves à l’entrée et à la sortie des écoles. Il n’est donc « pas question de minimiser les actes antisémites » qui sont, a
déclaré le ministre « une insulte
pour la France et la République » Il n’y aura pas de changement, avec
François Hollande et la nouvelle équipe gouvernementale, dans la lutte contre
l’antisémitisme, il y a continuité. Manuel Valls réactive la circulaire Guéant
du 23 avril ainsi que la plate forme « Pharos »
du ministère de l’intérieur. Les agresseurs seront arrêtés et
condamnés, cela ne fait pas de doute mais je pense qu’il faut donner de
la publicité à ces arrestations, à ces condamnations, pour qu’elles aient
valeurs d’exemple, pour que certains agresseurs qui sont encore des gamins, se
rendent compte qu’insulter, attaquer un juif est un délit. Répression, prévention,
éducation doivent aller de pair.
Les responsables
religieux ont aussi réagi : la Conférence des évêques de France a estimé « rien ne peut conduire à poser
ou à justifier des actes violents antisémites », le Conseil français du
culte musulman en France a fait part « de son soutien et de sa solidarité fraternels face à ces actes
odieux » : c’est bien mais de la part des responsables musulmans, ce
n’est pas suffisant. Actuellement, l’antisémitisme en France est surtout un
antijudaïsme, dont les islamistes se font les propagandistes ; il cause un
tort intolérable aux juifs mais il dessert aussi la communauté musulmane dans
son ensemble. La tuerie de Toulouse, les assassinats de Montauban, les
agressions de Villeurbanne, de Marseille n’améliorent pas l’image qu’offre
d’elle-même, la minorité musulmane en France. Ils ne rendent pas plus facile
son intégration dans la société française, ils confortent l’extrême droite, ils renforcent la xénophobie, les
phénomènes de rejet, alors que de nombreux français issus de l’immigration
commencent à avoir de très belles réussites professionnelles, de belles
promotions dans l’administration, dans la société civile. Malheureusement, ce
ne sont pas ceux là qui sont les héros, les exemples à suivre pour la jeunesse
en cause dans les actes délictueux. Ses héros, elle les recherche, au mieux,
parmi les petits caïds de banlieue, au pire, elle encense un Mohamed Merah. Une
élite émerge de cette communauté, elle partage les valeurs qui sont communes à
la société française, elle s’intègre sans renier ses racines, elle est laïque
ou pratiquante, mais elle n’ose pas exprimer publiquement son refus de
l’islamisme radical. Elle ne s’implique pas, elle ne s’engage pas. Une
manifestation organisée le 28 avril à Paris, par des musulmans, quelques jours après
la tuerie antijuive de Toulouse, pour défendre les valeurs de tolérance, n’a
réuni que deux cents personnes. En désertant le débat au sein de l’immigration
dont elle est issue, cette élite laisse
le champ libre aux plus extrémistes,
alors que les musulmans de France gagneraient beaucoup à condamner ces derniers
d’une voix forte et claire.
Gérard Akoun
Judaïques FM, le 7
juin 2012