Une fois de plus, le 18 juin à Moscou, le mois dernier à
Bagdad, les négociations entre les
« 5 + 1 » (Etats Unis, France, Royaume Uni, Chine, Russie,
Allemagne) et l’Iran à propos de son programme nucléaire n’ont pas abouti. Les négociateurs se
sont séparés sur un constat d’échec. L’Iran sait, que parmi ces grandes
puissances mandatées par l’ONU, elle bénéficie du soutien jusqu’à présent indéfectible de la
Russie et de celui de la Chine. Les Iraniens considèrent qu’ils sont en
position de force pour rejeter les exigences occidentales, ou du moins faire
trainer les négociations, tout en continuant à développer leur programme
nucléaire. Ils posent en préalable à toute négociation que soit reconnu leur
droit inaliénable à enrichir l’uranium, y compris au taux de 20% qui les
mettrait à même de fabriquer une bombe, et que soient allégées ou même annulées, des sanctions internationales dont certaines
seront applicables par les Occidentaux dès la fin du mois.
Les Russes soutiennent le développement du nucléaire
iranien, jusqu’à un certain niveau, mais ils ne semblent pas souhaiter avoir à
leur frontière un nouvel état qui disposerait de l’arme nucléaire. Ils ont donc
intérêt à ce que soit trouvé un compromis acceptable pour toutes les parties. Ils
pouvaient croire, jusqu'à l’échec des pourparlers, à Moscou, qu’ils prenaient
la main sur les Américains, qu’ils maitrisaient la conduite des négociations,
qu’ils pouvaient les faire progresser pas à pas, pour désamorcer les risques
d’emballement, en particulier celui d’une intervention israélienne contre les
sites nucléaires iraniens. Comme, du côté américain, il n’est pas question de
se lancer dans une quelconque aventure avant les élections de novembre, un
geste d’ouverture des Iraniens, compensé
par un affaiblissement des sanctions,
aurait constitué un succès diplomatique pour les Russes. Ils auraient pu s’en prévaloir pour proposer une
sortie de la crise syrienne, qui ménagerait les
avantages dont ils disposent dans ce pays. Mais la transition à la
yéménite, souhaitée par la Russie, qui
consiste à écarter Bachar El Assad sans modifier la structure du pouvoir, n’a pas l’heur de plaire aux Iraniens.
Ils n’ont donc pas joué le jeu ; ce camouflet pour les Russes, administré sur leur propre
territoire, est directement lié à l’évolution de la situation en Syrie. La
rébellion, pacifique à ses débuts, se transforme en guerre civile et pire encore en guerre de religion entre les chiites - les alaouites
sont une branche du chiisme -, et les sunnites qui sont majoritaires en Syrie. La chute de Bachar El Assad, obtenue
plus ou moins pacifiquement, ou à l’issue d’une guerre civile gagnée avec le
soutien de l’Arabie Saoudite, sonnerait le glas de l’influence iranienne dans
la région. L’Iran n’hésitera pas, pour
soutenir cette pièce maitresse de son
dispositif politico militaire, à
provoquer des attentats en Israël, par Hamas ou Djihad islamique
interposé, à mettre à feu et à sang le Liban, en y relançant la guerre civile
et en poussant le Hezbollah à attaquer Israël.
La répression en Syrie a déjà fait plus de treize mille
morts, des dizaines de milliers de blessés et de disparus, mais l’incendie risque de s’étendre et d’embraser toute la
région si les Russes n’obtiennent pas des Américains la garantie, autant que cela
se peut, de la pérennité de leurs intérêts en Syrie et dans la région.
Gérard Akoun
Judaïques FM le 21 juin 2012