Roger Garaudy
La mort à un âge très avancé - presque 100 ans ! - de Roger
Garaudy a suscité nombre de réactions sur mon propre réseau FaceBook, beaucoup
s'en réjouissant ... Je ne les rejoindrai pas, non pas bien sûr que je
regrette ce sinistre personnage, mais parce que je pense que la vie est souvent
bien injuste, en faisant partir prématurément des "justes" et en
laissant vivre si longuement des "méchants": je ne suis donc pas heureux qu'il ait pu en profiter si longtemps.
Un repère, pour illustrer mon propos : Roger Garaudy est né
en 1913, soit la même année qu'Albert Camus. Le second s'est tué dans un
accident de voiture en janvier 1960, âgé d'à peine 46 ans, et il aurait pu nous
laisser tant d'autres chefs d'œuvre si la vie lui avait accordé quelques
décennies de plus. Le premier aura vécu si longtemps pour se renier plusieurs
fois, abandonnant sa religion protestante de naissance pour le catholicisme,
puis pour l'islam, et passant du communisme aux eaux troubles de la mouvance
"rouge-brune", dont l'antisionisme et l'antisémitisme sont la marque
de fabrique. Surtout, il était déjà un vieillard (en 1995), lorsqu'il publia
son fameux ouvrage "Les mythes fondateurs de la politique
israélienne", devenu un classique du négationnisme.
Pour qui voudrait aller un peu plus loin que les annonces,
finalement assez brèves, publiées dans la presse, ce bon article publié par
Wikipedia, dont je publie l'extrait relatif à sa condamnation par les tribunaux
:
"Roger Garaudy a été condamné, le 27 février 1998 pour
contestation de crimes contre l’humanité, diffamation raciale. Dans ses
attendus, le tribunal souligne que « loin de se
borner à une critique du sionisme […] Roger Garaudy s’est livré à une
contestation virulente et systématique des crimes contre l’humanité commis
contre la communauté juive ». Rejetant l’argument selon lequel son
livre serait « antisioniste » et non « antisémite », les
magistrats expliquent que l'auteur, « bien qu’il s’en
défende, présente sous forme d’une critique politique […] d’Israël ce qui n’est
qu’une mise en cause de l’ensemble des Juifs ». Ce jugement a été
confirmé en appel le 16 décembre 1998, Garaudy étant en outre condamné pour
provocation à la haine raciale. Ses pourvois en cassation ont été rejetés par
la chambre criminelle le 12 septembre 2000. Son recours devant la Cour
européenne des droits de l'homme, fondé sur la violation de l'article 10
(liberté d'expression) de la Convention européenne des droits de l'homme, de
l'article 6 (droit à un procès équitable) de la Convention, de l'article 4 du
Protocole no 7 (droit
de ne pas être jugé ou puni deux fois) et des articles 9 (liberté de pensée, de
conscience et de religion) et 14 (interdiction de la discrimination) de la
Convention, a été déclaré irrecevable par la Cour".
Félicitons-nous, au moins, que la marque infâme du
négationnisme ait été la dominante dans les articles de la presse consacrés à
cette disparition, à l'image par exemple de
ce qu'on a pu lire dans "Libération" : cela fait du bien, en
cette période où, hélas, l'antisémitisme redevient presque partout à la mode !
J'ai particulièrement apprécié, par exemple, la manière de tourner en dérision
le négationnisme dans
ce dessin de presse. Ou, encore mieux, dans ce pastiche des écrits de
Robert Faurisson, sinistre compagnon de la dérive intellectuelle de Roger
Garaudy : on lira "Non,
Roger Garaudy n'est pas mort", qui est un véritable régal en la
matière !
Je ne peux terminer cet article, publié sur un blog consacré au monde musulman, par une autocensure : hélas, hélas, dans un monde arabe si viscéralement opposé à l'existence d'Israël, on n'a voulu retenir que le soutien d'un "illustre intellectuel français" ... Converti à l'islam, antisioniste militant, cela a justifié par exemple le grotesque "Prix Kadhafi des droits de l'homme" : quel bonheur de penser que Garaudy aura vécu assez vieux pour voir, au moins, la fin lamentable de ce dictateur ami ! Mais sa réception triomphale au Caire, où il rencontra même le Prix Nobel Naguib Mahfouz, laisse un goût bien amer - pour rappel, c'était avant la seconde Intifada, et dans un pays qui avait tout de même le premier signé le premier la Paix avec Israël. Amertume, aussi, en pensant au soutien qu'il reçut à l'époque de l'Abbé Pierre, personnalité immensément populaire chez les Français. C'est le site musulman si fréquenté "Oumma.com" qui reflète le mieux la gêne éprouvée par certains face à une telle nouvelle : comme on le lira ici, il est bien fait mention de la condamnation pour négationnisme de Roger Garaudy : mais tout à fait à la fin, et surtout pas en titre !
Hélas, cette gêne, d'autres dans le monde arabe ne
l'éprouvent même pas ... ainsi, le parti islamiste Ennahda, au pouvoir en
Tunisie, a
tenu à saluer la mémoire du célèbre négationniste. Une souillure de plus,
pour mon pauvre pays natal qui n'en avait vraiment pas besoin !
Jean Corcos