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10 septembre 2012

Robert Faurisson, "historien" officiel de l'Iran ?

Robert Faurisson face à la télévision iranienne,
photo tirée du site négationniste "radioislam.net"

 
Le 2 février 2012, Mahmoud Ahmadinejad ouvre le trentième festival international du film de Téhéran. En marge de celui-ci se déroule la seconde conférence internationale sur "l'hollywoodisme et le cinéma". Comme l'explique une des participantes, un des objectifs de cette manifestation est de réunir des « gens soucieux de combattre le sionisme qui empoisonne le milieu cinématographique et qui, par là même, répand sa propagande mensongère et totalement dénuée d'humanité (1)". Une délégation française est là. Elle vient présenter ses productions cinématographiques et/ou s'exprimer sur un des thèmes proposés. 

La présence du négationniste français Robert Faurisson s'explique par la projection prévue d'un film dont il est le personnage principal. Il doit aussi parler en public sur ce sujet : "Contre l'hollywoodisme, le révisionnisme". Ce jour, Robert Faurisson est reçu en audience privée par le président iranien. Peu après, ce dernier lui remet un premier prix "honorant le courage, la résistance et la combativité". Âgé tout juste de 83 ans, le négationniste est accueilli en Iran comme un hôte de marque.

Cette sorte de consécration s'explique essentiellement par deux points. Le premier concerne l'Iran, son président et son rapport à l'histoire du génocide des Juifs et à celle de la création d'Israël en 1948. Pour Mahmoud Ahmadinejad, la shoah est un prétexte à l'existence d'Israël. Le président iranien a donc fait du négationnisme un axe stratégique, un instrument de propagande politique. En décembre 2006, l'organisation d'une « conférence internationale sur l'holocauste » réunissant une soixantaine de négationnistes, à Téhéran, montre officiellement l'émergence d'un négationnisme d'État. Robert Faurisson est un des acteurs de cette nouvelle donne. Il trouve dans ce pays un relais pour exprimer ses propos condamnables en France par la loi Gayssot ; une nouvelle terre d'accueil pour cet homme en manque de notoriété, en France, dès la fin des années quatre-vingt.

Depuis le début du XXIème siècle, Robert Faurisson est en train d'acquérir le statut d'historien officiel en Iran. On le retrouve "consultant" épisodique sur une chaîne de télévision iranienne ou présenté, dans un quotidien iranien, comme le "principal chercheur européen en matière de révision de l'Holocauste". Il peut également faire figure d'interlocuteur avec le président iranien. Par l'intermédiaire de Jawad Sharbaf, directeur général de l'Institut Neda des sciences politiques, Mahmoud Ahmadinejad demande à Robert Faurisson son aide pour l'organisation de la "conférence sur l'holocauste" à venir. En décembre 2005, Robert Faurisson reçoit cette lettre en provenance d'Iran :
"Monsieur le professeur, ( ...) Les récentes remarques du Président Mahmoud Ahmadinejad mettant en doute l' ''Holocauste'' ont créé une situation favorable au révisionnisme. À l'heure présente nous pensons qu'indubitablement le Président fera tout ce qui est en son pouvoir si vous prenez contact avec lui et lui demandez son assistance pour l'organisation d'une Conférence internationale sur le révisionnisme. Au cas où, à cet égard, vous auriez besoin de notre aide, n'hésitez pas à vous mettre en rapport avec nous. Nos meilleurs vœux vous accompagnent".
Cette histoire entre l'Iran et la France a commencé en 1987, au moment de la condamnation de Klaus Barbie à la réclusion criminelle à perpétuité. Le journaliste Edwy Plenel révèle dans Le Monde des liens entre Wahid Gordji (de l'ambassade d'Iran) et une librairie néonazie à Paris Ogmios. Il met au jour des convergences qui existent entre la révolution islamiste et l'extrême droite. L'attitude actuelle de l'Iran se situe dans la continuité. Elle expose des alliances, notamment entre les islamistes radicaux et certains qui se revendiquent « antisionistes ». Parmi eux figure Dieudonné M'bala M'bala. C'est le second point sur lequel il est nécessaire d'insister.

Car Robert Faurisson n'est pas venu seul à ce festival. Il est accompagné de quelques personnes dont l'ancien humoriste français. Celui-ci vient pour son film « L'Antisémite », présenté comme la "première comédie sur l'holocauste". Un producteur iranien en assure le financement. Cela fait un bon moment que Dieudonné M'bala M'bala dérive vers le négationnisme. Il suffit de se remémorer son spectacle de décembre 2008, au Zénith de Paris, lorsqu'il fait monter sur scène Robert Faurisson ou, encore, d'évoquer un de ses derniers spectacles, intitulé "Mahmoud", dans lequel il rend hommage au président iranien et fait état de quelques discussions avec son "copain Robert". Aujourd'hui, Dieudonné M'bala M'bala fait partie de l'entourage proche de Robert Faurisson. Leur rencontre a eut lieu par l'intermédiaire d'un troisième homme : Paul-Éric Blanrue. Ce dernier est central dans l'itinéraire de Robert Faurisson. Il est, en quelque sorte, à l'origine du retour de Robert Faurisson sur le devant de la scène de l'histoire du négationnisme. C'est par lui que se sont rencontrés Dieudonné M'bala M'bala et Robert Faurisson. Paul-Éric Blanrue s'impose également comme l'héritier idéologique du négationniste et vient de réaliser ce film à sa gloire, « Un Homme », mis en ligne fin septembre 2011 et traduit rapidement dans plusieurs langues. Cette sorte de documentaire hagiographique d'une heure et demi - qui devait être projeté à Téhéran - occulte bien des informations pouvant nuire à l'image imposée de Robert Faurisson dans ce film, celle d'"un homme à la fois simple et héroïque, qui parle de ses découvertes sans haine ni violence, avec sérénité et humour, en n'insultant personne (2)". Aujourd'hui, Dieudonné M'bala M'bala et Paul-Éric Blanrue sont indissociables de l'itinéraire du négationniste. Ils se chargent, à leur manière, de répandre sa propagande.

Robert Faurisson se retrouve au centre de cette nouvelle nébuleuse. Sa réputation a suffit pour l'y introduire. Il est devenu le "martyr" de la cause négationniste. Il est d'ailleurs conscient d'être instrumentalisé par ces hommes. Le point de ralliement de ces hommes est un « antisionisme » radical, paravent d'un antisémitisme déguisé, qui trouve aujourd'hui son aboutissement discursif dans le négationnisme. La dénonciation du "complot américano-sioniste", l'axe du mal, figure au centre de cette rhétorique.

(1) "Deuxième Conférence Internationale sur l'Hollywoodisme et le Cinéma Mondial à Téhéran : compte rendu de Marie Bruchet", Le Clan des Vénitiens.
(2) Propos de Paul-Éric Blanrue recueillis Par Rachid Guedjal pour Algerienetwork, Le Clan des Vénitiens.

Valérie Igounet,
Huffington Post, le 29 février 2012