Pendant la visite au M.A.H.J, mardi 22 mai 2012
(photo Erez Lichtfeld)
Je vous avais parlé, au début de
l'année, de la première
rencontre officielle entre le CRIF et la Grande Mosquée de Paris, c'était
le 17 janvier. Il avait alors été convenu que notre institution et la G.M.P
développeraient des activités communes, destinées naturellement à rapprocher
nos deux communautés.
La semaine dernière a eu lieu la
première de ces manifestations, avec une visite judéo-musulmane au Musée
d'Art et d'Histoire du Judaïsme (M.A.H.J). En effet, des membres de la
Commission pour les Relations avec les Musulmans du CRIF, que j'ai l'honneur de
présider, recevaient au Musée 16 étudiants imams et aumôniers/aumônières de
l'Institut de théologie Al-Ghazali de la Grande Mosquée de Paris. Spectacle
donc étonnant et réconfortant, que de voir dans ce haut lieu de la culture et
de la mémoire juive, des jeunes musulmans, et en particulier les étudiantes,
portant toutes les hijab ! Nous attendait une conférencière, qui nous a
accompagné dans une passionnante visite guidée de l'exposition "Les
Juifs dans l'Orientalisme". Mon amie Eve Gani rend compte de cette
visite sur
le site du CRIF. Juste quelques mots, en complément, pour vous faire part
d'impressions fortes ...
D'abord, et c'était le premier
but de cette visite commune : rappeler à des jeunes originaires d'Afrique du
Nord, qu'il y a eu aussi, pendant deux millénaires, des Juifs qui ont vécu dans
leurs pays, et qu'ils y avaient un mode de vie très proche de celui des
Musulmans ; cela, les tenues vestimentaires, les toiles colorées évoquant des
mariées au Maroc ou des mendiants dans les ruelles des Mellahs, l'évoquaient
amplement !
Mais la visite de l'exposition a
eu des moments très forts aussi, parce que le vécu commun des Juifs et des
Musulmans a connu, aussi, des moments tragiques : sans que cela soit une cause
de dispute, la conférencière a aussi commenté un tableau de Dehodencq,
"L'exécution de la juive", retraçant la décapitation, à Fez au 19ème
siècle, de la jeune Sol Hatchuel pour "apostasie" - ayant prononcé la
"Chahada" pour devenir musulmane, elle voulut redevenir juive.
Autre moment émouvant, une toile
d'Horace Vernet, cette fois sur un thème biblique et rassemblant Abraham,
l'ancêtre mythique commun des Juifs et des Arabes, Agar, la servante
égyptienne, et Ismaël ... ces deux étant chassés, dans un épisode célèbre mais
"traumatique" pour les deux mémoires : la
tradition musulmane faisant d'Ismaël le "vrai descendant", les Juifs
se réclamant bien entendu d'Isaac, etc. Et bien ce tableau fut commenté, là
encore avec tact et alors qu'il était si lourd de sens !
Alors, cet exposition
orientaliste comprend aussi des toiles fabuleuses sur la Terre Sainte, et
qu'ont pu voir nos invités musulmans : sur Jérusalem, par exemple, dont
l'importance pour la mémoire chrétienne est évident - tous les artistes de
l'expo l'étaient, quasiment - mais dont la centralité juive a été soulignée.
Une toile sublime de Roberts montrait le Mont du Temple, au 19ème siècle, dans
son environnement de l'époque, désertique, sans constructions sur les collines
alentour ...
Je ne sais pas où iront prêcher
ces futures imams, dans quels hôpitaux ou prisons iront ces aumônières voilées.
Mais je suis heureux que l'on ait pu partager ce moment d'émotion artistique
avec elles et eux. Et j'espère d'autres partages à l'avenir !
J.C