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09 novembre 2012

Barack Obama, acte II

Caricature anti-Obama, dans une manifestation à Téhéran, 2 novembre 2012

Il y a des actualités qui surprennent, et forcent les commentateurs soit à avouer qu'ils ont été pris de court (ce qu'ils font rarement, la modestie n'étant pas une vertu communément partagée), soit à élaborer un éditorial sur "les signes qui auraient pu le laisser prévoir, etc".
Rien de tel pour la réélection de Barack Obama : on prévoyait que le scrutin serait serré, et il le fut car moins de deux millions de voix (soit environ un 1 % seulement du corps électoral) ont séparé les deux candidats ; on pronostiquait qu'il gagnerait parce qu'il avait le plus de chance de l'emporter dans les "swing states" et ce fut le cas, car il les a presque tous conquis - Mitt Romney ne parvenant à reconquérir pour les Républicains que des États qui leur étaient plutôt favorables, et furent perdus quatre plus tôt à l'occasion du "raz de marée" démocrate ; raz de marée qui, cette fois-ci ne s'est pas reproduit, les efforts gigantesques de mobilisation en faveur du candidat sortant ayant permis d'éviter un échec "sur le fil", mais pas d'obtenir la même participation massive qu'en 2008. Corollaire de cette victoire en demi-teinte, le retour d'une Chambre des Représentants majoritairement républicaine, et qui risque de faire de l'obstruction.

Les commentateurs nous disaient aussi que les États-Unis étaient profondément divisés, et l'analyse des votes confirment une "cassure" gauche/droite absolument évidente, si on fait une corrélation simple avec ce que donnent les élections de ce côté-ci de l'Atlantique : les femmes (cette tendance s'est d'ailleurs inversée en quelques décennies), les jeunes, les minorités ethniques votent plutôt pour la Gauche, rejoignant ainsi en Europe comme en Amérique, les couches les moins favorisées. Une politique considérée comme plus progressiste - et on ne peut nier que ce fut le cas, du sauvetage de l'industrie automobile aux assurances maladies pour tous -, associée au fait que l'on risquait de réélire (ou de voir battu) le premier Président "coloré" de l'Histoire des USA, tout cela a joué, certainement ... On trouvera sur ce lien des statistiques très parlantes, publiées par "Le Figaro". La polarisation droite-gauche a ainsi joué à plein, confortée par la "dérive" du parti républicain, dérive peut-être plus médiatique (avec l'aile ultra-libérale des "Tea Party") que réelle (Mitt Romney ayant bien "recentré" sa campagne), mais qui a fait perdre quelques sièges de Sénateurs à l'opposition (ceux qui s'étaient illustrés par des propos provocateurs sur l'avortement) : clairement, ce n'est pas sur cette ligne-là que le "parti de l'éléphant" reviendra au pouvoir.

Ce long préambule surprendra, sans doutes, sur ce blog consacré au monde musulman et donc prioritairement à la politique étrangère, mais il était indispensable pour remettre les pendules à l'heure tant on a trop tendance à oublier pourquoi les électeurs votent, là-bas comme ici : or voici que j'ai découvert - à nouveau sans surprise - un concert de lamentations sur les blogs juifs et dans les publications de la plupart de mes amis sur FaceBook ...

Passons - même si c'est insupportable - sur les inévitables variations sur "Barack Hussein Obama", le "muzz" (diminutif péjoratif de musulman), qui ne rêverait que de détruire la puissance de son pays, d'offrir le monde arabe aux islamistes, et d'imposer à Israël à la fois un retrait sans garanties sur les frontières de 1967 et un Iran nucléaire. Mais autant on peut comprendre le refus de voter pour lui pour son bilan en politique intérieure - et le fait d'avoir échoué à relancer l'économie tout en creusant de manière abyssale les déficits ne plaide pas en sa faveur  - autant ce genre de procès d'intention mérite un minimum de réponses :
- oui, les relations d'Obama et de Netanyahou ne sont pas cordiales, mais c'est le droit d'un dirigeant américain de critiquer la politique d'un allié, comme cela s'est vu dans le passé ;
- non, l'Amérique n'a pas abandonné Israël, les responsables politiques de ce pays reconnaissant que jamais les liens militaires n'auront été si étroits ;
- oui, on peut être déçu pour l'Iran, de ces années perdues avec la main tendue naïvement en 2009 à un régime infect , et du temps mis à mettre en route de véritables sanctions : mais celles-là sont réelles, appliquées conjointement avec tous les alliés occidentaux et elles font sentir leur effet ;
- non, certes Obama a refusé de définir une "ligne rouge" à la République Islamique comme lui enjoignait le Premier Ministre israélien, mais son challenger républicain s'était bien gardé d'en faire la promesse de son côté ;
- oui, il y a eu au début une crise à propos de la construction dans les implantations, mais aujourd'hui les deux pays sont au diapason pour la question palestinienne, la reprise de négociations sans conditions étant leur discours commun ;
- non, Obama ne pouvait rien faire pour éviter la chute des dictatures alliées des États-Unis dans le monde arabe, et imagine-t-on sérieusement qu'un Président républicain allait envoyer des centaines de milliers de soldats au Caire, à Tunis ou ailleurs ?

Alors ? Pour parler tout à fait sincèrement, je crains qu'un pacifisme plus idéologique que réfléchi n'empêche le candidat réélu d'affronter sans faiblesse l'Iran. Je crains, surtout, que l'état des finances américaines et la profonde division du pays, n'interdissent à la première puissance du monde de prendre ses responsabilités si ses alliés se trouvaient dans une situation critique ... cela, on l'a connu au cours des années 70 et on a vu ce que cela a donné ; on l'a connu, aussi, au tournant des années 40 après la grande dépression, et on sait comment cela a failli se terminer ; et ce souvenir - vu d'Israël et du peuple juif - laisse augurer des années bien peu réjouissantes, quand bien même il serait trop facile de diaboliser Barack Obama !

Jean Corcos