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29 novembre 2012

A.B Yehoshua : "Le temps est venu d'admettre que Gaza est un ennemi"

L'écrivain israélien Abraham. B. Yehoshua


"Le temps est venu pour Israël d’admettre que Gaza est un ennemi. Et d’agir en conséquence : cesser de fournir de l’électricité et de faire passer de la nourriture. Déclarer officiellement que nous sommes en état de guerre et agir en conséquence". De telles paroles ne manquent pas de surprendre de la part d’A.B. Yehoshua. Cet écrivain israélien parmi les plus célèbres de sa génération, longtemps considéré comme une icône du pacifisme, est aujourd’hui un partisan résolu d’une intervention armée contre Gaza.

- Monsieur Yehoshua, les assassinats ciblés reprennent. Quelle est votre réaction ?

- Je suis par principe opposé aux assassinats ciblés. Ils ne règleront pas le problème. Cette opération survient après des jours et des jours de tirs de roquettes sur nos villes : je ne crois pas que ça changera quoi que ce soit de ce point de vue. Le déluge continuera et cette action se révélera vite inutile. C’est cette réflexion qui m’amène à dire qu’on ne peut pas négocier avec Gaza comme s’il s’agissait d’un territoire occupé [ Pour l'ONU, Gaza est toujours un territoire occupé] ou d’un groupe de terroristes : Gaza est un ennemi et doit être traité comme tel.

- Que voulez-vous dire ?


- Israël approvisionne Gaza en électricité, fait passer depuis son territoire de la nourriture destinée à Gaza et ils nous tirent dessus. Si la Syrie nous tirait dessus, nous envisagerions une riposte militaire, pas des assassinats ciblés.

- C’est une déclaration de guerre ?

- Nous parlons d’un État, qui possède sa propre armée et l’utilise contre nous. À quoi ça rime dans cette situation de sélectionner les méchants à éliminer ? Ça ne marche pas, nous l’avons déjà vu. Il faut clarifier la situation une bonne fois pour toutes.

- C’est à dire ?

- Je ne suis pas militaire, mon rôle n’est pas d’élaborer une stratégie : je peux seulement dire que nous nous trouvons déjà en état de guerre, les tirs de roquettes contre Israël continuent chaque jour. Nous devons déclarer officiellement la guerre et agir en conséquence. On ne peut pas traiter le Hamas comme un groupe terroriste : il s’agit d’un gouvernement qui doit être considéré responsable de ses actions.

- Et les habitants ? Et les civils ?

Vous n’êtes pas sans savoir que les civils sont toujours les premières victimes d’une guerre. Je vous retourne la question : les habitants de Gaza se préoccupent-ils des habitants de Sderot [ ville israélienne aux frontières de Gaza], qui vivent dans le cauchemar des roquettes tirées depuis Gaza ? Les habitants de Gaza participent à la guerre contre Israël : nous avons retirés les colons, nous sommes partis [en 2005, Israël a effectué un retrait unilatéral de la bande de Gaza], pourquoi continuent-ils à nous tirer dessus ? Ce sont les habitants de Gaza qui ont élu le gouvernement du Hamas, qui – je le répète – est un gouvernement responsable de ses actions. En Israël, cette situation a miné à sa base toute confiance en une possibilité de paix avec les Palestiniens : les Israéliens pensent aujourd’hui qu’un retrait complet de Cisjordanie aurait les mêmes conséquences qu’à Gaza. Et laisserait Jérusalem et Tel Aviv à la merci des roquettes. Le comportement du Hamas est un des obstacles majeurs à la paix entre les Palestiniens et les Israéliens.

- Monsieur Yehoshua, vous avez défendu pendant des années la possibilité d’une paix juste entre Israéliens et Palestiniens. Vous y croyez encore ?


- Je pense que la paix ne peut pas se faire avec Gaza. Avec le gouvernement de l’Autorité palestinienne, il y a moyen de discuter : nous pouvons négocier le gel des implantations et le retour aux frontières de 1967. Mais Gaza ne relève pas de l’autorité du gouvernement palestinien, Gaza c’est une autre histoire.

Entretien avec Francesca Caferri, pour "La Repubblica", le 22 novembre 2012
Repris dans "Courrier International"