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05 janvier 2020

L’opposition syrienne célèbre la liquidation du général Soleimani


 « Bonne année 2020 ». Les Syriens de l’opposition se sont réveillés hier matin en apprenant l’élimination de l’un de leurs pires bourreaux, saluant une nouvelle fois le geste « d’Abou Ivanka el-Ameriki ». Qassem Soleimani, le commandant en chef des forces iraniennes al-Qods, a été abattu par les États-Unis lors d’un raid chirurgical, dans la nuit de jeudi à vendredi, à l’aéroport de Bagdad. Avec des combattants déployés en Syrie, l’unité de ce général iranien a joué un rôle incontournable pour soutenir et consolider le pouvoir de Bachar el-Assad, un temps affaibli sur le champ de bataille face aux rebelles et aux jihadistes. Fort de ce soutien iranien, et de l’appui de la Russie et du Hezbollah, Damas a multiplié les victoires jusqu’à reconquérir plus des deux tiers du pays.


Dans l’esprit de la rébellion syrienne, l’homme est ainsi perçu comme une figure « terroriste » et présenté comme « le Joker meurtrier » de la région. « Le meurtre de Qassem Soleimani, patron numéro un des crimes des gardiens de la révolution contre les peuples syrien et irakien et les peuples de la région, est une frappe douloureuse qui confirme que le monde est capable de stopper l’Iran et de protéger les civils syriens s’il le veut », a estimé sur Twitter Nasr Hariri, le chef de l’opposition syrienne en exil.


« Honnêtement, j’ai été heureux d’apprendre qu’il a été tué. Il n’y a pas que les Syriens qui le sont, le Moyen-Orient tout entier devrait se réjouir de la mort de l’homme qui a alimenté pendant des années la haine entre les différentes sectes religieuses », confie Ziad*, un activiste basé à Gaziantep. « Soleimani était un tueur impitoyable. Il est rare que, dans une bataille d’ego, justice soit ainsi rendue par ricochet », écrit un opposant syrien sur un groupe WhatsApp réunissant des activistes et des journalistes du monde entier. « Soleimani a encouragé Assad à céder Palmyre à l’État islamique et à concentrer ses forces sur Alep, un endroit qui, selon lui, était d’une plus grande importance stratégique. Comme l’État islamique a détruit Palmyre, Soleimani a détruit Alep », poursuit-il. Lors de la chute d’Alep en décembre 2016, le puissant commandant iranien avait été pris en photo marchant aux côtés des forces gouvernementales dans un décor de désolation.


Dans la province d’Idleb, le dernier bastion antirégime en proie à des bombardements intenses de Damas et de Moscou, des habitants ont célébré la nouvelle en offrant des pâtisseries. En avril 2017, l’opposition syrienne avait déjà laissé éclater sa joie lors des frappes américaines en représailles aux attaques chimiques du régime contre Khan Cheikhoun. À Ariha hier, des milliers de personnes sont descendues dans la rue, lors de la manifestation hebdomadaire contre le régime et ses alliés, pour saluer le raid américain contre « le criminel Soleimani». « Il a disparu Soleimani, aaqbal al-thani (vivement le deuxième) », chantaient des habitants de Binnich, dans la province d’Idleb. Comme à chaque événement marquant dans la guerre syrienne, l’artiste-peintre Aziz el-Asmar a peint sur un mur de la ville Kassem Soleimani jeté dans « les poubelles de l’histoire ». « Pour les habitants de Hama, de Homs, du Qalamoun, d’Alep, de la Ghouta, et d’ailleurs, nous célébrons aujourd’hui. Un peu de bonheur et d’espoir est désormais entré dans la vie des Syriens », commente dans une vidéo un réfugié en Turquie, en mangeant des maamouls.Nombreux sont ceux qui exultaient hier, s’en donnant à cœur joie sur les réseaux sociaux. Sur Twitter et sur Facebook, des photomontages moquant Soleimani ou Bachar, et d’autres présentant (le président américain Donald) Trump comme un héros, ont rapidement circulé. Le chef de l’État syrien, Bachar el-Assad, épaulé militairement par Téhéran, a assuré hier que le soutien du général iranien à l’armée syrienne «ne sera pas oublié ». « Bachar doit être bien content que les États-Unis l’aient liquidé. Il ne devait pas apprécier le fait de se faire mener par la baguette par l’Iranien », ironise Raed, un journaliste de l’opposition, de la province d’Alep.

Caroline HAYEK
 
L’Orient - Le Jour, 4 janvier 2020