Karim Ifrak
Notre sujet de dimanche
prochain sera d'une actualité brûlante, après la vague d'attentats que nous
avons connus en France depuis deux ans - et dans le monde entier, depuis le 11
septembre et même un peu avant : j'ai en effet intitulé cette émission
"Comment lutter contre la radicalisation ?". Et ce sera un plaisir pour moi que d'accueillir un invité
parfaitement qualifié pour en parler, Karim Ifrak. Karim Ifrak a un profil très
riche, puisqu'il est à la fois un chercheur et un homme d'action. Né au Maroc,
il a fait ses études supérieures en France, à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes,
dans deux domaines complémentaires et où on manque de référents, l'Islamologie
et l'Histoire de la pensée. Il est de culture musulmane, mais pas un acteur du religieux.
Chercheur au CNRS, islamologue, sa lecture du Coran est celle d'un expert, d'un
technicien en quelque sorte, capable d'apporter une lecture scientifique et non
mystique des textes. Il est donc parfaitement au courant des lectures et
manipulations faites par les courants dits de l'islam radical. Mais il est
aussi un homme d'action, courageux et avec un agenda très clair : il participe,
en France et ailleurs à des colloques, des réunions d'experts, des rencontres
interreligieuses où de plus en plus d'intellectuels explorent toutes les pistes
possibles pour lutter contre la radicalisation, cette radicalisation porteuse de
haine et qui, trop souvent, précède les meurtres terroristes.
Parmi les questions que je
poserai à Karim Ifrak :
-
Il y a quelques décennies, quand on parlait
du terrorisme on pensait à l'extrême gauche, à Action Directe, aux Brigades
Rouges en Italie : pensez-vous que la radicalisation des jeunes ayant conduit à
des attentats au nom de l'Etat Islamique est analogue à celle du passé ? Est-ce
qu'on ne peut pas parler, aussi, d'un processus de radicalisation avancé, bien
au delà de la minorité musulmane, vu la violence qui s'exprime dans des
manifestations ou sur les réseaux sociaux ?
-
Vous connaissez l'opposition entre les
théories d'Olivier Roy et de Gilles Kepel à propos du processus de
radicalisation menant au terrorisme islamiste ; le premier dit que le phénomène
dhihadiste n'est pas la conséquence d'une « radicalisation
de l’islam », mais d'une « islamisation
de la radicalité »; le second pense au
contraire qu'il faut voir en face une idéologie salafiste, qui a sa dynamique
propre et qui n'est pas née dans nos pays : qu'en pensez-vous ?
-
On lit dans la presse, à propos de la
radicalisation islamiste, des références fréquentes à des mouvances ou des
tendances plus ou moins structurées et qui ne sont pas identiques : les
salafistes ; le intégristes ou wahabbistes ; et les Frères Musulmans. On montre
maintenant du doigt deux pays, l'Arabie Saoudite et le Qatar. Ont-ils le même
agenda ? Et qui sont potentiellement les pires ?
-
Il est courant de lire ceci à propos des
discours de l'islamisme radical : certes ils s'appuient sur une lecture
littéraliste de certains versets du Coran, comme le font les Salafistes ; mais
il serait possible de la contrer par une démarche pédagogique ; il y a eu aussi
un prêche contre la violence lu dans toutes les Mosquées de France après les
attentats de novembre 2015 : tout ceci est-il suffisant ?
-
Le psychanalyste Fethi Benslama pense qu'assimiler la radicalisation
à un phénomène sectaire est beaucoup trop réducteur : pour lui, il y a toute
une dimension psychologique dont il propose plusieurs clés : les failles identitaires
; un idéal blessé ; l'angoisse de vivre dans un monde sécularisé. Comment faire
pour combattre ces traumatismes qui relèvent de l'aliénation mentale ?
C'est bien sûr un sujet qui mérite plus que mes 24
minutes d'émission, et nous ne pourrons en faire qu'une introduction : mais cet
invité est passionnant, et j'espère que vous serez très nombreux à nous suivre
!
J.C