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02 février 2017

L'ex-président Rafsandjani est mort



L'un des hommes clés de la République islamique, président de 1989 à 1997, a succombé dimanche à l'âge de 82 ans à Téhéran à un malaise cardiaque.
Il était l'un des piliers de la République islamique. Ce dimanche soir, l'ancien président iranien Akbar Hachémi Rafsandjani est décédé à l'âge de 82 ans à la suite d'un malaise cardiaque. A l'annonce de sa mort, qui a pris de court les Iraniens, la télévision a aussitôt interrompu ses programmes. Dans la foulée, des centaines de personnes se sont rassemblées devant l'hôpital où il s'est éteint, au Nord de Téhéran. Véritable animal politique et habile calculateur, ce religieux enturbanné, proche collaborateur de l'imam Khomeini, fondateur de la République islamique en 1979, incarnait mieux que quiconque l'évolution de la classe politique religieuse iranienne: conservateur à ses premières heures, il avait fini par s'imposer comme l'une des figures influentes des modérés et réformistes. «C'est une perte particulièrement symbolique pour le camp pragmatique», observe Karim Sadjadpour, spécialiste de l'Iran à la Fondation Carnegie pour la paix internationale.

Emprisonné sous le régime du Chah

Né en 1934 dans une famille agricole prospère de la région du Rafsjandjan, d'où il tient son patronyme, Akar Rafsandjani quitte le foyer familial dès l'âge de 14 ans pour mettre le cap sur Qom. La ville sainte est au chiisme ce que le Vatican est au christianisme. Le jeune homme y suit des études coraniques sous la houlette de l'ayatollah Rouhollah Khomeini. Son militantisme anti-Chah et son anti-impérialisme prononcé lui vaudront la prison en 1975 pour liens supposés avec l'extrême gauche. En 1979, il joue un rôle clef aux côtés de Khomeini dans le soulèvement qui terrasse la dynastie Pahlavi. Estampillé «conservateur pragmatique», il devient président du pays de 1989 à 1997.
De lui, les Iraniens retiennent la relance économique du pays au sortir de la guerre Iran-Irak (1980-1988) et le rapprochement avec l'Occident. Mais ses détracteurs n'ont pas oublié, non plus, ses pratiques douteuses, notamment en matière de corruption et de violation des droits de l'homme. Un journaliste, Akbar Ganji, s'est retrouvé embastillé au début des années 2000 pour l'avoir, entre autre, décrit comme «l'éminence grise» d'une série d'assassinat d'intellectuels et opposants. A l'époque, les écrits du reporter ont également mis en lumière l'enrichissement de la famille du «parrain» (un des nombreux surnoms de Rafsandjani) pendant ses différents mandats, mais aussi ses responsabilités dans la poursuite du conflit contre l'Irak après la victoire iranienne de Khoramchahr, au prix de centaines de milliers de morts.

Un retour avorté en 2005

Bien qu'impopulaire auprès des jeunes, avides de changement, l'ayatollah Rafsandjani (le plus haut titre religieux, qu'il se serait auto-octroyé disent les mauvaises langues) n'a jamais cessé de rester influent au sein des institutions de l'Etat. Depuis la fin de son deuxième mandat, en 1997, il occupait le poste de président du Conseil de discernement du régime, chargé de conseiller le guide suprême, l'ayatollah Khamenei (successeur de Khomeini, depuis sa mort en 1989) et de trancher les différends entre le parlement et le conseil des gardiens de la constitution. Après des déboires aux élections parlementaires, le «requin» (encore un surnom) tente un retour remarqué lors du scrutin présidentiel de 2005: une campagne à l'américaine, à renfort de posters et de promesses d'ouverture.
Fin manœuvrier, il va jusqu'à mobiliser une équipe de filles et garçons chargés de distribuer tracts et roses rouges en patins à roulettes sur une grande artère du Nord de Téhéran. En vain. Au deuxième tour de l'élection, son rival ultra conservateur, Mahmoud Ahmadinejad l'emporte à la surprise générale. Quatre plus tard, la réélection contestée de ce dernier pousse Rafjsandjani à soutenir la «vague verte» (le fameux mouvement de contestation contre le résultat du scrutin), même s'il affiche, fidèle à ses habituels calculs politiques, une certaine prudence dans ses critiques.

En 2013, l'élection d'un modéré, Hassan Rohani, et l'obtention d'un accord sur le nucléaire iranien, lui permet, enfin, de faire un discret retour sur la scène politique. Et surtout, de militer, dans les coulisses du pouvoir, pour une réforme du système en suggérant de mettre sur pied un conseil de leadership. Autrement dit, de faire disparaître la fonction de Guide suprême, élu à vie par un collège de Religieux, l'Assemblée des Experts (dont il a perdu la présidence en 2011). Des idées qui font grimacer l'ayatollah Ali Khamenei, son véritable rival. Dans un message de condoléances publié à la mort de Rafsandjani par les médias iraniens, ce dernier a rendu hommage à «un compagnon de lutte». Mais il n'a pas manqué, non plus de souligner leurs «différences».

Delphine Minoui

Le Figaro, 9 janvier 2017