Missile de croisière Soumar
L’Iran a testé avec succès un
missile de croisière de moyenne portée Soumar, de fabrication iranienne,
capable de porter une charge nucléaire. Le test effectué n’a pas manqué de
faire réagir Donald Trump qui a adressé une virulente mise en garde à Téhéran,
via Twitter. Le projectile a couvert une distance de 600 kilomètres alors que
sa portée est évaluée entre 2.000 et 3.000 kilomètres. Par ailleurs, s’étendant
sur une surface de 35.000 km2, des exercices sont intervenus au lendemain de
nouvelles sanctions américaines imposées contre l’Iran. Les Iraniens
considèrent qu’il s’agit d’une étape pour le renforcement de sa puissance
défensive et de la dissuasion du pays.
Mais quand Téhéran montre les
muscles, Washington hausse le ton. Le président des États-Unis a affirmé qu'il
n'écartait aucune option face à l'Iran à la suite de ce tir de missile de la
République islamique : « Rien n'est exclu », a simplement répondu,
sans autres précisions, le président américain à un journaliste qui lui
demandait si une action militaire avait été exclue. Ce regain de tension avec
l’Iran s’explique par la grande publicité faite par la division aérospatiale du
Corps des Gardiens de la révolution (CGR) au sujet d’exercices majeurs lancés
dans la province de Semnān, pour «mettre en valeur la puissance de la
révolution de l'Iran et pour rejeter les sanctions».
Le CGR dispose d'un arsenal
sophistiqué de missiles, dont la portée atteint Israël et les bases militaires
américaines au Moyen-Orient. Le chef iranien de l'armée de l'air a aussi
annoncé que Téhéran entend augmenter le rythme et le volume de production de
ses drones. Les tests de nouveaux systèmes de missiles et de radars est
véritablement une menace : «Si l'ennemi commet l’erreur de nous attaquer
alors nos missiles rugissants vont pleuvoir sur eux» a prévenu le
commandant de la force aérienne CGR, le général Amir Ali Hajizadeh.
Les exercices iraniens ont pour but
de tester différents types de systèmes de missiles et de radars, conçus et
fabriqués localement. D’abord le Khordad-III qui a une portée de 75 kms
à une altitude de 30 kms. Ce système de missiles est capable d'engager
simultanément plusieurs cibles avec une technologie de pointe. Il s’ajoute au Tabas,
d’une portée de 60 kilomètres, qui peut détecter toutes sortes de cibles
hostiles.
Du côté des radars, le système Qadir
de longue portée est en trois dimensions et peut détecter et suivre les menaces
aériennes jusqu'à 1.100 kilomètres. Il s’agit d’un radar transhorizon,
tridimensionnel à balayage électronique. Il peut repérer les avions et les
missiles se trouvant respectivement à 600 km et à 1.100 km de distance. Le
commandant du CGR a annoncé par ailleurs la mise en état opérationnel du radar Sepehr
conçu pour détecter des déplacements de troupes ennemies à une distance de 3.000
kms.
Un autre système de radar, Matla-ul-Fajr,
peut suivre les menaces aériennes avec une portée de 500 kms. Ses
spécifications lui permettent de détecter différents types d'avions et de drones.
Pour la première fois, il est parvenu à traquer des missiles tirés depuis des
appareils russes Sukhoï ainsi que des missiles sol-sol. La gamme de
Matla-ul-Fajr a une portée de 300 km avec une altitude maximum de 20.000 m. Une
fois entièrement mis en place, la hauteur du système atteint huit mètres et il
utilise 12 antennes «Yagi» installées en deux rangées.
Ces tests en grandeur nature
prouvent que l'Iran a réalisé des progrès importants dans la conception de
matériel militaire de haute technologie et des missiles. Mais ils ont
aggravé les tensions entre Téhéran et Washington qui se sont brutalement
accentuées après l’investiture, le 20 janvier, de Donald Trump. Le ministère
iranien des Affaires étrangères veut, en fait, contrer les décisions de
l'administration Trump qui a imposé de nouvelles sanctions sur les personnes travaillant
sur des programmes de missiles balistiques de l'Iran, ainsi que sur ceux qui
soutiennent les groupes terroristes à savoir l’IRGC, Corps des Gardes
révolutionnaires islamiques.
Les tests de missiles balistiques de
moyenne portée sont considérés comme une violation de l'accord nucléaire de
2015 visant à freiner le développement des armes nucléaires de l'Iran. Le
président Trump estime que l'Iran «joue avec le feu» tandis que le
Secrétaire à la Défense James Mattis a traité l'Iran de «plus grand parrain
du terrorisme d'État».
Le vice-président Mike Pence a de
son côté conseillé aux Iraniens de ne pas tester la patience de la nouvelle administration
Trump ni de provoquer les États-Unis. En réponse, le gouvernement islamiste
estime qu'il est contraint de mettre un terme aux «actions hostiles et
belliqueuses» de la part de l’Amérique et de ses alliés. Mike Pence a
précisé que les options militaires restaient sur la table si l’Iran continuait
à violer de manière flagrante les restrictions sur les essais de missiles
balistiques : «L'Iran ferait bien de ne pas tester la détermination de
ce nouveau président et de réfléchir à deux fois sur son hostilité continue et
sur les actions belligérantes. L'Iran doit être debout et travailler
essentiellement avec la communauté mondiale. Or au contraire, ce que nous
voyons est un comportement provocateur contre la communauté mondiale».
L'administration de Trump envisagerait d’autres mesures encore plus sévères, y
compris des actions militaires contre l'Iran.
C’est dans ce contexte que le chef
du Mossad Yossi Cohen et le conseiller à la sécurité nationale d’Israël, Yaakov
Nagel, accompagnés de l’ambassadeur israélien Ron Dermer, viennent d’effectuer
une visite secrète à Washington pour rencontrer les hauts-conseillers du
président américain afin de préparer la coordination des politiques entre les
deux pays. C’est la deuxième fois que Cohen et
Nagel rencontrent les conseillers de Trump depuis sa victoire aux élections
présidentielles. Ils se sont aussi entretenus avec le nouveau conseiller
à la sécurité nationale des États-Unis, Michael Flynn et d’autres
responsables de l’équipe du président. L’ordre du jour portait sur la question
iranienne et son pendant, la situation en Syrie. Il est certain que ces deux
envoyés israéliens préparent la visite en février de Benjamin Netanyahou à
Washington. Selon le porte-parole de la Maison-Blanche, les deux dirigeants «sont
tombés d'accord pour continuer à échanger leurs points de vue sur une série de
questions régionales, notamment les menaces que constitue l’Iran». Tant
qu’il ne s’agisse pas de constructions dans les implantations, le courant passe
entre Trump et Netanyahou. Le premier ministre souhaiterait aussi
constituer un front anti-Iran avec la Grande-Bretagne.
Jacques Benillouche
Temps et Contretemps, 6
février 2017