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13 février 2017

L'Iran à l'ordre du jour israélo-américain

Missile de croisière Soumar

L’Iran a testé avec succès un missile de croisière de moyenne portée Soumar, de fabrication iranienne, capable de porter une charge nucléaire. Le test effectué n’a pas manqué de faire réagir Donald Trump qui a adressé une virulente mise en garde à Téhéran, via Twitter. Le projectile a couvert une distance de 600 kilomètres alors que sa portée est évaluée entre 2.000 et 3.000 kilomètres. Par ailleurs, s’étendant sur une surface de 35.000 km2, des exercices sont intervenus au lendemain de nouvelles sanctions américaines imposées contre l’Iran. Les Iraniens considèrent qu’il s’agit d’une étape pour le renforcement de sa puissance défensive et de la dissuasion du pays.

Mais quand Téhéran montre les muscles, Washington hausse le ton. Le président des États-Unis a affirmé qu'il n'écartait aucune option face à l'Iran à la suite de ce tir de missile de la République islamique : « Rien n'est exclu », a simplement répondu, sans autres précisions, le président américain à un journaliste qui lui demandait si une action militaire avait été exclue. Ce regain de tension avec l’Iran s’explique par la grande publicité faite par la division aérospatiale du Corps des Gardiens de la révolution (CGR) au sujet d’exercices majeurs lancés dans la province de Semnān, pour «mettre en valeur la puissance de la révolution de l'Iran et pour rejeter les sanctions».
Le CGR dispose d'un arsenal sophistiqué de missiles, dont la portée atteint Israël et les bases militaires américaines au Moyen-Orient. Le chef iranien de l'armée de l'air a aussi annoncé que Téhéran entend augmenter le rythme et le volume de production de ses drones. Les tests de nouveaux systèmes de missiles et de radars est véritablement une menace : «Si l'ennemi commet l’erreur de nous attaquer alors nos missiles rugissants vont pleuvoir sur eux» a prévenu le commandant de la force aérienne CGR, le général Amir Ali Hajizadeh.
















Les exercices iraniens ont pour but de tester différents types de systèmes de missiles et de radars, conçus et fabriqués localement. D’abord le Khordad-III qui a une portée de 75 kms à une altitude de 30 kms. Ce système de missiles est capable d'engager simultanément plusieurs cibles avec une technologie de pointe. Il s’ajoute au Tabas, d’une portée de 60 kilomètres, qui peut détecter toutes sortes de cibles hostiles. 

Du côté des radars, le système Qadir de longue portée est en trois dimensions et peut détecter et suivre les menaces aériennes jusqu'à 1.100 kilomètres. Il s’agit d’un radar transhorizon, tridimensionnel à balayage électronique. Il peut repérer les avions et les missiles se trouvant respectivement à 600 km et à 1.100 km de distance. Le commandant du CGR a annoncé par ailleurs la mise en état opérationnel du radar Sepehr conçu pour détecter des déplacements de troupes ennemies à une distance de 3.000 kms.


Un autre système de radar, Matla-ul-Fajr, peut suivre les menaces aériennes avec une portée de 500 kms. Ses spécifications lui permettent de détecter différents types d'avions et de drones. Pour la première fois, il est parvenu à traquer des missiles tirés depuis des appareils russes Sukhoï ainsi que des missiles sol-sol. La gamme de Matla-ul-Fajr a une portée de 300 km avec une altitude maximum de 20.000 m. Une fois entièrement mis en place, la hauteur du système atteint huit mètres et il utilise 12 antennes «Yagi» installées en deux rangées. 


Le système entier, contenant les antennes, les instruments d'installation, le traitement, le contrôle et l'affichage des unités, des dispositifs de communication et générateur de puissance sont tous installés sur une remorque pour obtenir une très bonne mobilité donc une bonne protection. L’utilisation de 100 fréquences différentes dans la bande VHF assure un fonctionnement dans des environnements bloqués. La détection de cibles comme les avions furtifs et les missiles de croisière est une de ses spécialités, cependant avec une faible précision à des distances courtes. La portée du radar est de 480 kilomètres et il utilise deux canaux séparés pour la détection


Ces tests en grandeur nature prouvent que l'Iran a réalisé des progrès importants dans la conception de matériel militaire de haute technologie et des missiles.  Mais ils ont aggravé les tensions entre Téhéran et Washington qui se sont brutalement accentuées après l’investiture, le 20 janvier, de Donald Trump. Le ministère iranien des Affaires étrangères veut, en fait, contrer les décisions de l'administration Trump qui a imposé de nouvelles sanctions sur les personnes travaillant sur des programmes de missiles balistiques de l'Iran, ainsi que sur ceux qui soutiennent les groupes terroristes à savoir l’IRGC, Corps des Gardes révolutionnaires islamiques. 
       
Les tests de missiles balistiques de moyenne portée sont considérés comme une violation de l'accord nucléaire de 2015 visant à freiner le développement des armes nucléaires de l'Iran. Le président Trump estime que l'Iran «joue avec le feu» tandis que le Secrétaire à la Défense James Mattis a traité l'Iran de «plus grand parrain du terrorisme d'État».

Le vice-président Mike Pence a de son côté conseillé aux Iraniens de ne pas tester la patience de la nouvelle administration Trump ni de provoquer les États-Unis. En réponse, le gouvernement islamiste estime qu'il est contraint de mettre un terme aux «actions hostiles et belliqueuses» de la part de l’Amérique et de ses alliés. Mike Pence a précisé que les options militaires restaient sur la table si l’Iran continuait à violer de manière flagrante les restrictions sur les essais de missiles balistiques : «L'Iran ferait bien de ne pas tester la détermination de ce nouveau président et de réfléchir à deux fois sur son hostilité continue et sur les actions belligérantes. L'Iran doit être debout et travailler essentiellement avec la communauté mondiale. Or au contraire, ce que nous voyons est un comportement provocateur contre la communauté mondiale». L'administration de Trump envisagerait d’autres mesures encore plus sévères, y compris des actions militaires contre l'Iran.

C’est dans ce contexte que le chef du Mossad Yossi Cohen et le conseiller à la sécurité nationale d’Israël, Yaakov Nagel, accompagnés de l’ambassadeur israélien Ron Dermer, viennent d’effectuer une visite secrète à Washington pour rencontrer les hauts-conseillers du président américain afin de préparer la coordination des politiques entre les deux pays. C’est la deuxième fois que Cohen et Nagel rencontrent les conseillers de Trump depuis sa victoire aux élections présidentielles.  Ils se sont aussi entretenus avec le nouveau conseiller à la sécurité nationale des États-Unis, Michael Flynn et d’autres responsables de l’équipe du président. L’ordre du jour portait sur la question iranienne et son pendant, la situation en Syrie. Il est certain que ces deux envoyés israéliens préparent la visite en février de Benjamin Netanyahou à Washington. Selon le porte-parole de la Maison-Blanche, les deux dirigeants «sont tombés d'accord pour continuer à échanger leurs points de vue sur une série de questions régionales, notamment les menaces que constitue l’Iran». Tant qu’il ne s’agisse pas de constructions dans les implantations, le courant passe entre Trump et Netanyahou. Le premier ministre souhaiterait aussi constituer un front anti-Iran avec la Grande-Bretagne. 

Jacques Benillouche
Temps et Contretemps, 6 février 2017