Chérif Amir
Suite dimanche prochain de
mon émission précédente, où nous avions parlé d'un livre très riche et que l'on
ne pouvait, réellement, traiter en une seule fois. Cet ouvrage s'intitule
"Histoire secrète des Frères Musulmans", il est publié aux éditions
Ellipses, et préfacé par Alain Chouet ancien directeur
de la sécurité de la DGSE et Eric Denécé directeur du centre français pour le
renseignement. Nous poursuivrons donc notre entretien avec son auteur, Chérif
Amir. Chérif Amir, pour rappel, est égyptien ; c'est un jeune docteur en géopolitique
de l'Université Paris VIII, passionné par les religions et leur impact sur les
conflits du Moyen-Orient. Surtout c'est vraiment un plaisir particulier de recevoir
pour parler d'un pays des invités qui en sont originaires, ou qui y vivent et qui
donc sont directement concernés. Bien entendu, il parle l'arabe, ce qu'il a
écrit résulte de la compilation approfondie de publications originales des
Frères Musulmans, et de ses propres enquêtes de chercheur universitaire, des
données qui sont pour beaucoup inédites en France. Lors de la dernière
émission, nous avons retracé ensemble l'histoire des Frères Musulmans des
origines à l'assassinat d'Anouar El-Sadate, et nous allons voir le 14 juin ce
qui s'est passé depuis Moubarak jusqu'à l’Égypte d'aujourd'hui, qui s'est
débarrassée de l'emprise des Frères Musulmans.
Parmi les questions que je
poserai à Chérif Amir :
-
L'attitude de Hosni Moubarak envers les
islamistes militants a été ambiguë : d'un côté, il a mis fin au laxisme de
Sadate en faisant briser par sa police les groupes armés, d'un autre côté, vous
racontez comment il a fait libérer des responsables de l'assassinat de son
prédécesseur, comme le Docteur Ayman el Zawahiri qui devait succéder à Ben
Laden ; il a favorisé le départ en Afghanistan de nombreux djihadistes
égyptiens. Là dessus, l'URSS perd cette guerre, puis se désintègre ; les
Djihadistes reviennent en Égypte au début des années 90 : que s'est-il alors passé ?
-
Arrive la révolution qui a renversé Hosni
Moubarak en février 2011. Dans votre récit, on a l'impression que tout le monde
a été surpris par ce qui arrivé, à partir du moment où la foule occupe la place
Tahrir le 25 janvier. Comment les Frères Musulmans, qui n'étaient pas à l'origine
de la révolution, ont-ils pris le train en marche ?
-
Dans votre chapitre VIII, vous évoquez, très
rapidement, une autre force islamiste qui est alors apparue dans le paysage,
celle des Salafistes. Ils sont le deuxième parti au Parlement lors des
premières élections libres. Ils semblent alliés des Frères Musulmans, mais au
moment de la deuxième révolution de l'été 2013, ils vont les laisser tomber.
Vous ne dites rien sur leur statut dans l’Égypte d'aujourd'hui. D'un côté, ils
sont soutenus par l'Arabie Saoudite, qui financièrement a puissamment aidé l’Égypte après le renversement des Frères Musulmans ; mais d'un autre côté, les
Salafisme est considéré par les services de police occidentaux comme menant plus rapidement au Djihad que
l'appartenance aux Frères Musulmans : qu'en pensez-vous ?
- Votre chapitre IX raconte comment, après à
peine un an de pouvoir les Frères Musulmans vont tout perdre, puisqu'il y aura
une seconde révolution avec le mouvement "Tamarod", la pétition
signée par des dizaines de millions de citoyens et, au final, après une
attitude prudente de l'armée, la décision du Maréchal El Sissi de réunir des
personnalités de la société civile pour déposer le gouvernement et le président
islamiste. Comment expliquer ce retournement de l'opinion ? En Europe, l'avis
est qu'il s'est agi en fait d'un retour aux affaires de l'armée suite à un coup d’État.
-
Votre livre a été achevé en juillet 2014, et
depuis, il s'est passé beaucoup d'évènements importants concernant l’Égypte. On
a l'impression que le nouveau président a encouragé de nouvelles alliances, il
y a eu la vente d'avions Rafale par la France, il y a eu la visite triomphale
de Vladimir Poutine. Mais il y a eu aussi l'avancée inquiétante du Daesh en
Syrie et en Irak, et à la frontière occidentale, dans un Libye qui
est en pleine décomposition : à votre avis, comment le Président El-Sissi
va-t-il gérer cela, est-ce qu'il va faire redonner à son pays un rôle régional,
ou au contraire favoriser un repli nationaliste du pays ?
L'histoire proche et l'avenir immédiat d'un pays clé du
Moyen-Orient, l’Égypte ... des sujets passionnants, et j'espère que vous serez
à nouveau nombreux à nous suivre !
J.C