Introduction :
Anouar Kbibech, Président du Rassemblement des
Musulmans de France qui devait succéder à la fin de ce mois-ci à Dalil Boubakeur comme Président
du CFCM, a été mon invité il y a quelques mois (cliquer sur son nom en libellé
pour retrouver l'émission). Cette personnalité de l'Islam de France participe à
plusieurs débats de société qui dépassent les préoccupations purement
cultuelles, et ainsi il a présenter une communication lors d'un colloque sur
l'environnement : il m'a signalé cette interview, que je reprends ici bien
volontiers.
J.C
La Conférence des Responsables de Culte en France
(CRCF), organisait à Paris le 21 mai un colloque sur le climat et les
religions. À cette occasion, Anouar Kbibech, président du Rassemblement des
musulmans de France (RMF) et vice-président du Conseil Français du Culte
Musulman (CFCM), a invité la communauté musulmane française à se mobiliser pour
la préservation de l'environnement.
Comment expliquez-vous cette attention tardive à
l'écologie dans le monde musulman ?
Je pense que les pays musulmans dans leur ensemble
sont peut être confrontés à d'autres priorités, telles que le développement
économique. Les problèmes qui se posent aux pays industrialisés ne sont pas
encore les leurs, ce qui explique ce retard d'engagement sur cette question. Mais
aujourd'hui, les pays musulmans prennent conscience de la nécessité de
préserver leurs ressources et des mouvements politiques avec une dimension
écologique commencent à émerger. Au Maroc, deux partis politiques et une ONG de
la société civile ont été créés, dédiés à la question de l'environnement. Dans
d'autres pays du Moyen-Orient, cela se met en place aussi.
Comment sensibiliser les musulmans de France à cette
question ?
Dans la religion musulmane, l'homme et la nature sont
des créations de Dieu. Je pense que la sauvegarde de la nature doit devenir un
acte d'adoration au même titre que la prière, que le jeûne, que le pèlerinage.
Donner cette dimension d'adoration, la faire entrer dans les prescriptions
religieuses, permettra aux musulmans de France de se mobiliser. Ils sont
d'ailleurs déjà réceptifs à ce sujet.
Quel rôle les imams peuvent-ils jouer?
Je pense qu'il y a un vrai travail à faire auprès de
la communauté, pour qu'elle prenne conscience de l'importance de l'écologie. Et
cela peut passer par les prêches du vendredi. Je souhaite faire un appel, pour
qu'à la veille du 1er juillet – date à laquelle le CRCF rencontrera François
Hollande pour la remise d'un texte interreligieux sur la question climatique –,
l'ensemble des imams des mosquées de France traitent de ce sujet lors du
prêche. Des colloques ou des conférences pourront également être organisés au
sein de la communauté sur cette thématique. Le Rassemblement des musulmans de
France (RMF), que je préside, va en tout cas accompagner ce mouvement et le
pousser.
Quelles sont vos propositions concernant la
préservation de l'environnement ?
Je souhaiterais lancer des campagnes d'affichage à ce
propos dans les boucheries, restaurants et épiceries halal qui sont très
fréquentés, pour que cela ait un impact fort. Nous pensons également publier un
petit dépliant récapitulant tous les versets coraniques ou des hadiths (paroles
du Prophète) qui traitent de la question, pour l'ensemble de la communauté
musulmane de France. La création d'un clip vidéo interreligieux à ce sujet
contribuerait aussi à la sensibilisation des jeunes. Mais, déjà, dans les
salles d'ablution de certaines mosquées, on commence à voir des affiches contre
le gaspillage de l'eau. L'éclairage avec des lampes LED à basse consommation
est aussi une pratique qui se généralise dans les mosquées.
Existe-t-il des livres qui traitent de la nature dans
l’islam ou des associations musulmanes écologistes ?
La production de livres sur cette question est faible.
Les conférences sur l'islam en France foisonnent, mais elles traitent peu des
questions environnementales. Aujourd'hui, quelques théologiens commencent à
s'intéresser à ce sujet. En France, à ma connaissance, il n'y a pas
d'associations musulmanes écologistes. Mais une dynamique se lance, notamment
depuis deux ans avec la notion de mosquée verte.
Y aura-t-il des Assises musulmanes de
l'écologie ?
Quelques projets émergent, mais le CFCM devra se
saisir de cette question. Déjà, dans la convention citoyenne des musulmans de
France, publiée en juin 2014, un passage traite de la relation à
l'environnement, à la bioéthique. Il y aura d'autres rendez-vous d'ici COP21 –
la 21e Conférence des parties contre le réchauffement climatique, à Paris du 30
novembre au 11 décembre 2015 –, mais au sein-même de la CRCF, pour que les
musulmans coordonnent leurs actions avec les autres religions. Cela aura plus
d'impact auprès des pouvoirs politiques.
Élise Saint-Jullian
Le Monde des Religions, le
01/06/2015