Introduction :
Cet article daté de vendredi est déjà dépassé, car Dalil Boubakeur a finalement été élu Président du CFCM ce dimanche 23 juin, les grandes associations musulmanes étant arrivées à un compromis. Mais plusieurs éléments de ce "diagnostic", bien sévère, restent fondées, en particulier le boycott de l'UOIF qu'il faudra gérer à l'avenir.
J.C
La difficulté d'élire un nouveau président du Conseil français du culte musulman révèle la profondeur des divisions qui déchirent la religion.
Cet article daté de vendredi est déjà dépassé, car Dalil Boubakeur a finalement été élu Président du CFCM ce dimanche 23 juin, les grandes associations musulmanes étant arrivées à un compromis. Mais plusieurs éléments de ce "diagnostic", bien sévère, restent fondées, en particulier le boycott de l'UOIF qu'il faudra gérer à l'avenir.
J.C
La difficulté d'élire un nouveau président du Conseil français du culte musulman révèle la profondeur des divisions qui déchirent la religion.
Ingouvernable.
L'islam de France ne parvient pas à désigner le nouveau président du Conseil
français du culte musulman (CFCM1).
L'élection, prévue ce dimanche, devait couronner, presque jour pour jour, le
10e anniversaire de cette institution. Mais les querelles internes sapent une
nouvelle fois ce jeune édifice voulu par Nicolas Sarkozy, alors ministre de
l'Intérieur. Il visait à donner à la seconde religion de France une
représentativité éloignée des extrêmes et des influences étrangères.
Les
membres du conseil d'administration qui doivent se réunir dimanche sont issus
d'un premier tour d'élections régionales qui s'est déroulé le 8 juin
dernier. Ils vont très probablement voter un… report de l'élection du nouveau
président en remplacement de Mohammed Moussaoui2,
non rééligible. Ce modéré, d'origine marocaine, pourrait même rester
provisoirement à la tête de l'instance jusqu'à la rentrée dans l'attente d'un
climat plus serein.
Sauf
coup de théâtre, les délégués de l'islam de France, réunis à Paris pour le
sommet le plus important de cette instance, ne seront donc pas en mesure de
choisir un homme et une équipe parce qu'ils sont bloqués par des considérations
d'origines nationales. En clair, la perpétuelle querelle entre Algériens et
Marocains…
Même
si l'affaire était prévisible -depuis la naissance du concept du CFCM, avec
Jean-Pierre Chevènement en 1999, l'origine nationale des musulmans vivants en
France n'a cessé d'empoisonner leurs relations-, c'est un échec cuisant car
c'est justement pour exorciser ce démon de la division que la récente réforme
du CFCM avait été pensée.
Parfaite
sur le papier et votée à une grande majorité par toutes les fédérations en
février, cette réforme qui comportait aussi des modifications du mode de
scrutin pour tenter de corriger les effets pervers d'un système de sièges fondé
sur les surfaces métriques des mosquées (ce qui avantage les mosquées
«marocaines», construites plus récemment, au détriment des mosquées
«algériennes», plus anciennes) s'est brutalement grippée.
La
première panne est venue de l'UOIF. Cette puissante fédération, qui avait déjà
boycotté les élections de 2011 mais était revenue dans le processus de réforme
cette année, a subitement décidé, l'avant-veille des élections régionales, le
8 juin, de
ne pas participer aux élections4. Deux motifs ont été invoqués.
Le premier, officiel, et assez technique, touche la composition des listes
régionales. L'UOIF voulait voir des listes «uniques» avec des représentants de
toutes les fédérations. Le second, officieux, est «l'humiliation» ressentie par
cette fédération qui normalement aurait pu prétendre prendre la première
présidence du CFCM dimanche pour 18 mois, selon les règles de la tournante.
Mais cela lui a été refusé par le RMF et la Grande Mosquée de Paris.
La
seconde panne est venue de ces deux dernières fédérations. Dalil Boubakeur5,
le célèbre recteur de la Mosquée de Paris, était pressenti pour revenir à la
présidence du CFCM. Mais il a finalement refusé, proposant Me Chems-eddine
Hafiz. Problème, toutefois: ce dernier, avocat, vient de défendre le Polisario
dans un procès à Bruxelles. Ce qui indispose de façon rédhibitoire les
Marocains en raison de la question du Sahara, pomme de discorde entre l'Algérie
et le Maroc…
Troisième
panne, l'annonce cette semaine par les recteurs des mosquées de Lyon et de
Saint-Étienne de la création d'une sorte de CFCM parallèle. Ils estiment que la
réforme du CFCM a oublié les mosquées indépendantes au profit des grandes
fédérations!
Quatrième
panne, et pas la moindre, les fédérations musulmanes constatent la
«non-implication» du ministère de l'Intérieur dans les difficultés du CFCM. Un
expert commente: «Manuel Valls ne s'intéresse pas au CFCM, il ne perçoit
l'islam que sous l'angle sécuritaire.»
Jean-Marie Guénois,
Le Figaro, 21 juin 2013