Le conseil consultatif des Frères Musulmans devant leur nouveau siège,
Le Caire, 2011
Nous
nous retrouverons dimanche prochain pour la dernière émission de la saison,
avec un sujet, hélas, bien préoccupant. Nous allons en effet parler des Frères
Musulmans, de leur historique, de leur idéologie mais surtout de leur conquête
du pouvoir qui a commencé de l'autre côté de la Méditerranée à la faveur du
fameux "Printemps arabe". Pour en parler, j'aurai le plaisir de
recevoir un journaliste qui a produit un documentaire remarquable sur le sujet,
Michaël Prazan. Il est né en 1970 à Paris, il a fait des études de lettres
modernes et il a enseigné la littérature au début de sa carrière. Et puis, il a
commencé à réaliser des films documentaires, et c'est une passion qui allait de
pair avec son intérêt, constant, pour les mouvements radicaux, d'extrême droite
ou d'extrême gauche ; il a ainsi écrit sur "l'armée rouge japonaise"
des années 70, et il a fait un documentaire sur les "Einsatzgruppen",
ces commandos de la mort qui ont massacré un million de Juifs pendant la Shoah.
Alors il était tout à fait logique qu'il s'intéresse aussi à l'islamisme
radical et aux Frères Musulmans, et il a réalisé un film, "La
Confrérie" qui est passé sur France 3 à la fin du mois de mai : il a
d'ailleurs été enregistré sur Youtube, et on peut le visionner sur ce blog,
dans un article en date du 3 juin. Alors j'avais vu avant le DVD et cela a été
un véritable choc pour moi. Ce sont des sujets dans lesquels je baigne, bien
sûr, depuis des années, beaucoup de choses m'étaient déjà connues ; mais ce qui
est remarquable dans son film, c'est qu'il ne s'est pas contenté de coller des
commentaires en "off" à des images d'archives ; il a en effet pu
interviewer des responsables des "Frères", les "Ikhwan", en
Egypte, en Tunisie, et même à Gaza. Il a eu le témoignage d'anciens militants
islamistes ou d'experts, arabes ou iraniens en exil ; bref, "La
Confrérie" n'est pas une construction intellectuelle théorique mais
vraiment une enquête sur le terrain. Et je dois avouer avoir été ébranlé en
voyant et en entendant parler en arabe, tous ces dirigeants profondément
antisémites dire, face à la caméra, leur certitude de conquérir le monde.
Parmi les questions que je poserai à Michaël Prazan :
-
La stratégie de conquête du pouvoir est bien
posée par l'islamologue Tewfik Aklimendos : à partir du diagnostic que la
société de l'époque n'était pas parfaitement musulmane, il faut d'abord
réformer l'individu, puis la famille, puis la société, puis l'état, et puis à
la fin, l'ensemble de la Planète. En somme un projet totalitaire, avec le
slogan "Islam kam hag haya" : "l'islam concerne tous les aspects
de la vie" : est-ce que ce type de société a vraiment existé dans le passé
en terre d'islam, parce que c'est bien joli de parler du Califat, mais sous
l'Empire Ottoman, on avait plutôt des sociétés multiculturelles et où le lien
religieux était très variable selon les pays ? Deuxième question, est-ce que ce
totalitarisme n'a pas plutôt été influencé par des idéologies européennes, le
nazisme et puis ensuite le communisme ?
-
Votre documentaire évoque la figure de Sayid
Qutb, le penseur des Frères Musulmans égyptiens, le martyr aussi puisqu'il fut
pendu par Nasser en 1966 : pourriez-vous parler de sa haine, vraiment
pathologique, de l'Occident qu'il semble avoir développé lors d'un séjour aux États-Unis ? C'est lui qui a théorisé le "Djihad offensif", qui est
vécu non pas comme une guerre d'invasion, mais comme une libération des autres
peuples, qui seraient, de son point de vue, des demeurés en retard par rapport
aux musulmans. Comment les mêmes Frères Musulmans peuvent-ils à la fois avoir
fait un "Deal" avec les États-Unis, en devenant leurs interlocuteurs
obligés, et en même temps vénérer celui qui a théorisé la notion de Califats
islamiques à créer partout, comme avant garde révolutionnaire d'une guerre de
civilisations ?
-
Vous apportez des éclairages vraiment
indispensables, sur les chainons qui ont permis l'extension des Frères
Musulmans et de leur idéologie dans le monde entier, ainsi votre enquête révèle
une figure inconnue, Navos Safawi, un iranien qui a créé une organisation, les
"Fedayin de l'Islam" suite au premier congrès islamique mondial qui
s'est tenu à Jérusalem, en 1953. Vous montrez que depuis lors, la question
palestinienne, le rejet radical de tout état non musulman associés à un
antisémitisme virulent ont été quelque chose de tout à fait central : et cela,
à la fois dans l'idéologie de la révolution islamique en Iran, et bien sûr dans
les branches arabes de la Confrérie. Mais, il y a aussi le conflit séculaire,
meurtrier entre Sunnites et Chiites, et on voit ce qui se passe en Syrie avec
la guerre civile actuelle : est-ce que l'idéologie des Frères Musulmans peut
faire illusion devant cette fracture ?
-
Vous vous interrogez à la fin de votre
documentaire sur l'organisation réelle des Frères Musulmans, qui apparaissent
un peu comme une Internationale à la manière des Communistes il y a quelques
années. Il y a deux théories, celle qui vous a été exposée par Khalid Al
Chater, un des membres du Conseil de la guidance en Égypte, un milliardaire,
qui doit avoir peut-être plus d'influence que le Président Morsi ; lui il dit
que l'idéologie est partagée, mais que chaque branche nationale est autonome ;
et puis un ancien et repenti d'Al-Qaïda, lui pense qu'en fait le "Politburo"
égyptien dirige tout : qui dit la vérité ?
25 minutes, ce sera bien court pour aborder dans de sujets ... j'espère
en tout cas que vous serez nombreux pour ce passionnant rendez-vous. Et voyez
avant le film sur mon blog, en cliquant sur "La Confrérie" en libellé
!
J.C