Dans un entretien paru le 13 février 2013 dans Times
of Israel, Yigal Carmon, président fondateur du MEMRI, a
considéré que la poussée islamiste consécutive au Printemps arabe n´est que le
début d´un long processus de changement, rappelant qu´il aura fallu
"plusieurs siècles à l´Europe" pour asseoir ses valeurs
progressistes. Considérant que la révolution égyptienne a été prise en otage
par les islamistes et que ses réels auteurs sont les libéraux, M. Carmon a
considéré qu´il était "moralement honteux et politiquement injustifié que
l´Amérique soutienne des personnes maintenant l´humanité à la traîne." [1]
Ci-dessous un résumé :
« C’est véritablement un printemps arabe »,
a-t-il estimé, précisant que « ces gens se battent pour la liberté, engageant
leurs vies chaque jour contre la dictature. » Certains considèrent que les pays
arabes ne peuvent ériger de réelles sociétés démocratiques, constate-t-il ; «
c’est simplement raciste ». Yigal Carmon rappelle que des déclarations
similaires avaient été faites au sujet des Japonais et des Russes lors de la
Deuxième Guerre mondiale. L’histoire a prouvé la fausseté de tels préjugés.
Le président de MEMRI a osé une comparaison avec la
Révolution française, dont les fruits furent longs à récolter : si les sceptiques
actuels avaient vécu du temps de la Révolution française, « ils auraient dit :
mais qu’est-ce que cette révolution ? C’est terrible. Nous aurions préféré que
le roi reste en place. » « Le progrès prend du temps », a estimé Carmon ; « il
n’y a pas de raccourcis dans l’histoire ».
Yigal Carmon écarte également la notion d’un islam
monolithique qui se serait enraciné dans le monde arabe : il considère qu’en
Tunisie, les islamistes doivent leur victoire uniquement au fait qu’ils étaient
unis autour du parti Ennahda, non en raison d’une véritable majorité. À Gaza
même, où les observateurs croient constater que le Hamas s’est enraciné, des
dizaines de milliers de supporters du Fatah sont descendus récemment dans la
rue, brandissant des photos de Mohammad Dahlan, icône controversée des services
de sécurité de l’Autorité palestinienne.
Il n’y a donc pas de prise de pouvoir du monde arabe
par un islam monolithique, affirme Carmon ; au contraire, il semble que les
États se morcellent en structures représentatives de régions, tribus, religions
ou groupes ethniques. Les conflits entre ces différents groupes vont se
poursuivre, estime Carmon, et seront doublés de combats pour le changement.
Interrogé sur la politique américaine, le président du
MEMRI s’est montré critique à l’égard de l’ouverture du gouvernement Obama aux
Frères musulmans et à Mohamed Morsi : « L’Amérique aurait dû se tenir du côté
des forces progressistes, non des islamistes. » Il y a problème éthique à
appuyer ces forces qui empêchent l’humanité d’avancer, a-t-il commenté.
Et Israël dans tout cela ? Le Printemps arabe ne
menace pas Israël, a estimé cet ancien conseiller d’Itzhak Shamir et d’Itzhak
Rabin en contre-terrorisme, car l’Égypte et la Syrie n’ont pas les moyens
d’entretenir des armées de haut niveau.
Et donc, pour la première fois en plusieurs décennies,
Israël a enfin la possibilité de consacrer plus de moyens à la santé et à
l’éducation.
1. Article intégral en anglais paru sur le site du Times of Israel.
Source
: dépêche MEMRI N° 5194