Un tiers des 18-24 ans ressent de l’antipathie pour
les musulmans et pour la moitié, les juifs sont plus proches d’Israël que de la
France selon une étude. L’expert du fait religieux Eric Vinson décrypte cette
poussée d’islamophobie et d’antisémitisme chez les jeunes.
Les chiffres sont effarants. D’après une étude Opinion
Way,près d’un tiers des 18-24 ans ressentent de l’antipathie pour les
musulmans, soit dix fois plus que pour les catholiques et les juifs. Les jeunes
seraient ainsi plus virulents que la moyenne générale des 1001 personnes
sondées. Ils ne sont que 4% à croire à la tolérance de la religion musulmane et
40% à la trouver sectaire.
L’islam n’est pas le seul à en prendre pour son grade.
Ainsi, près de la moitié des 18-24 ans considèrent que les juifs sont «plus
proches d’Israël que de la France». Environ 43% les définissent comme un
«groupe replié sur lui-même». Enfin, 20% estiment que«leur influence sur la
société est trop importante».
Si 2012 a été l’année du bond des actes antisémites et
islamophobes,encouragés par l’affaire Merah,la situation pourrait encore se
dégrader s’inquiète Eric Vinson, spécialiste du fait religieux et professeur à
Sciences Po. Il craint une progression des préjugés parmi des jeunes qui ont
grandi dans une société sécularisée et connaissent mal les religions.
Figaro Etudiant - Ces chiffres vous
surprennent-ils?
Eric Vinson: Ils reflètent finalement la vision médiatique
des religions, qui ne surgissent sur les écrans que lors de drames, comme à
Londres, lorsqu’un fou attaque un soldat. On explique pas que l’islam c’est
autre chose que cela. Cette méconnaissance des religion pose problème, et va
aller en se dégradant avec les jeunes générations.
Les jeunes se montrent plus hostiles
à la religion musulmane que les adultes. Comment l’expliquez-vous ?
Les adultes ont grandi dans une société où la religion
était présente. A leur époque, on allait à la messe etc... Les jeunes sont
moins familiarisés avec le fait religieux aujourd’hui. Pour eux, chacun peut
proscrire des aliments, comme la viande pour des raisons diététiques ou
esthétiques. Mais les interdits alimentaires religieux font toujours figure
d’intégrisme. Quand certains pratiquent leur religion quotidiennement, ils sont
considérés comme sectaires. Dès qu’on parle de communauté, on pense
communautarisme puis intégrisme.
Pourquoi une telle réaction
épidermique au religieux ?
74% des gens pensent que l’islam n’est pas compatible
avec les valeurs de la République, pourtant les intégristes musulmans ne
représentent qu’une minorité des croyants. Derrière cette appelation, je pense
que les gens désignent les gens des banlieues. Au lieu de dire “immigré”, on
dit “musulman”. C’est plus acceptable car les gens pensent que la religion et
la République ne sont pas compatibles
Si les gens déclaraient ressentir de l’antipathie pour
les noirs, ce serait du racisme. Quand les jeunes considèrent les juifs comme
un groupe replié sur lui-même, qui a trop d’influence et qui plus est, se sent
plus proche d’un pays étranger que de la France... C’est purement un préjugé antisémite
!
Lucille Quillet,
La Figaro,
30 mai 2013