Nous allons
poursuivre dimanche prochain notre entretien avec Jean-Pierre Lledo. Rappelons
à nouveau qu'il est né à Tlemcen en 1947, d'une mère juive et d'un père pied-noir
d'origine catalane ; qu'il connait parfaitement l'Algérie et les sociétés arabes,
car ses parents avaient fait le choix de rester dans le pays après
l'Indépendance et qu'il n'est parti qu'en 1993, menacé de mort par les
islamistes. Réalisateur de cinéma de talent, il a écrit pour la première fois
un livre politique, qui a pour titre "Révolution démocratique dans le
monde arabe - ah si c'était vrai", il est édité chez Armand Colin ; et
j'ai trouvé son livre tellement intéressant - même si je n'étais pas forcément
d'accord avec toutes ses analyses -, que j'ai jugé nécessaire de lui consacrer
deux émissions. La dernière fois, nous avions parlé de son décryptage de ce
fameux "Printemps arabe", et dimanche prochain nous allons voir
ensemble qui va gagner dans ce bras de fer entre démocrates arabes et
islamistes, les seconds ayant remporté la première manche. Je dois dire aussi
que son livre ne se lit pas du tout comme un ouvrage académique : on reconnait
le cinéaste et ainsi, il présente cet affrontement comme un véritable match de
catch entre le David démocrate quil appele de son nom arabe "Daoud"
et le Goliath islamiste, nommé donc "Jalout". Un extrait, page 271 :
"Sur le ring, Daoud doit tenir le plus longtemps possible. Debout, avec
son bon jeu de jambes, avec son bon cœur, il peut facilement s'envoler et
planer. Mais face au monstre, il doit garder le moral ; le match risque d'être
long, très long. Il faut donc l'encourager".
Parmi les
questions que je poserai à Jean-Pierre Lledo :
- Sur l'évaluation du rapport des forces aujourd'hui : page
77, vous écrivez qu'en mettant bout à bout tous les Arabes qui se reconnaissent
dans nos normes démocratiques fondamentales, on arrive au maximum à 20 % :
est-ce pour vous une moyenne ou une situation extrapolable dans tous les pays
?
- Vous avez eu le grand mérite dans votre livre de démonter
le grand camouflage médiatique du "modèle turc", qui a permis à des
journalistes et experts complaisants de nous dire que les islamistes au pouvoir
en Tunisie étaient des "modérés" s'inspirant de l'A.K.P d'Erdogan, dont
le parti serait "démocrate musulman" comme il existe des partis
"démocrates chrétiens" en Europe : pourriez-vous démontrer que ce modèle n'est en rien rassurant ?
- Vous dites à plusieurs reprises que des élections libres
cela ne suffit pas pour avoir une démocratie, pourriez expliquer pourquoi à nos
auditeurs ?
- Deux des chapitres de votre livre, qui se suivent et se
répondent quelque part, m'ont mis un peu mal à l'aise : le chapitre 15,
intitulé "Voici ce qu'est aussi le réel du monde arabe et musulman",
vous listez des horreurs passées ou contemporaines, génocides, persécutions de
minorités religieuses, crimes d'honneur, esclavage des noirs, autant de faits
réels qui ont été trop souvent minorés dans nos médias ; au chapitre 16,
consacré à l'islamophobie, vous dénoncez à juste titre le chantage que l'on
fait contre l'Occident dès que ces faits sont dénoncés ; mais en même temps,
vous semblez justifier l'hostilité aux Musulmans qui se répand en Europe, et
que confirment les sondages : cela n'est-il pas à la fois dangereux et
contre-productif ?
Une nouvelle discussion passionnante, que j'espère vous serez
nombreux à suivre dimanche prochain !
J.C