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20 mars 2019

Les Corcos, du Maroc et de Tunisie !

Près de la commune de Corcos (Espagne)

C’était il y a maintenant un peu plus de 40 ans. Je découvrais, émerveillé, la fameuse « Encyclopaedia Judaïca », Encyclopédie en langue anglaise dont la première version venait de sortir au début des années 70. Et je ne fut pas peu fier de voir que la famille Corcos avait eu les honneurs de près d’une page et demie ! Comme je l’appris plus tard, cet article avait été écrit par un érudit du même patronyme, David Corcos, lui-même historien de la communauté marocaine et qui s’était naturellement intéressé à sa propre généalogie.

Bien plus tard, il y a quelques années, j’ai eu le plaisir d’échanger avec son fils, Sidney, grâce au réseau Facebook. Nous avons même eu le plaisir de nous rencontrer lors de l’un de ses passages à Paris. Il a eu la gentillesse de m’adresser deux documents, l’un qui est une version réactualisée de l’article de l’Encyclopédie, enrichie par ses propres recherches, publiée sous le titre « The Corcos family » dans le « Journal of jewish genealogy, Sharsheret Hadorot », hiver 2000, volume 14 n°2 ; et l’autre qui est une monographie consacrée aux familles juives qui ont vécu dans le port marocain de Mogador, aujourd’hui Essaouira. Impossible, bien sûr, d’esquisser un résumé de cette documentation si précieuse, mais je voudrais juste partager dans le cadre de ces « mois du Maroc » quelques éléments essentiels, rattachant les maillons des Diasporas entre lesquelles a cheminé ma famille.

D’abord l’origine, clairement espagnole

Traduction du début de l’article de Sidney Corcos
« La saga de la famille Corcos a commencé il y a mille ans en Espagne et est considérée comme l'une des plus anciennes familles juives séfarades. Dès le 10ème siècle, on trouve les noms Corcos, Carcosa et Carcause en Espagne. Selon la tradition familiale, la famille serait originaire de la ville de Corcos (province de Valadolid en Castille (Espagne). Cette ville existe toujours, mais lors de notre visite, aucune trace d'une présence juive n'a été trouvée. On sait qu'il y avait une famille le nom de Carcosa en Catalogne aux XIIIe et XIVe siècles, d'après certains chercheurs, ce nom et cette famille sont originaires de la ville de Carcassonne (sud de la France).
Avec l'expulsion des Juifs d'Espagne en 1492, la famille fut dispersée dans divers pays, dont le Portugal (Yehuda Ben Abraham Corcos) et l'Italie (David Corcos, fondateur de la branche italienne). »

Ensuite, un séculaire enracinement en Afrique du Nord

Suite de l’article
« D'autres membres de la famille sont arrivés en Tunisie, en Algérie et au Maroc. Ceux qui sont venus au Maroc ont fondé cette branche de la famille et ont été les plus prospères de toutes les branches. Ils ont profondément marqué l'histoire de la communauté juive marocaine. Pendant environ 500 ans, ils ont fait partie intégrante de l'histoire sociale, économique et politique du Maroc. C’est la branche à laquelle appartient ma propre famille et qui est décrite dans cet article. »

Evocation rapide de la branche tunisienne

« Abraham Corcos, également de Fès (décédé vers 1575), fut nommé dayyan à Tunis et sa tombe attire toujours les pèlerins. »

Or, un triste évènement m’a fait évoquer cet illustre personnage sur mon blog en 2015, dans un article intitulé  "Rabbi Messaoud El Fassi, un ancêtre profané" : j’évoquais, avec des photos inédites, la profanation de sa tombe. Mais, comme vous le lirez en allant sur ce lien, je m’interrogeais aussi sur sa véritable date de décès : Sidney Corcos reprend celle de l’Encyclopaedia Judaïca, donc la situe au 16ème siècle ; alors que des sources tunisiennes, et en particulier dans l’article dédié sur Wikipedia, le situe deux siècles plus tard : un point à encore éclaircir !

L’illustre branche marocaine

Impossible donc de vous résumer l’article sur l’histoire de la famille Corcos, centrée autour de la branche marocaine qui fut et la plus nombreuse, et celle qui laissa l’empreinte la plus forte à travers les siècles. Outre la ville de Fès d’où était donc originaire mon ancêtre, c’est à Marrakech qu’ils s’illustrèrent en particulier, avec surtout la figure de Joshua Corcos, le « millionnaire du Mellah », personnalité d’une grande générosité et dont l’enterrement en 1929 fut suivi par des milliers de juifs et de musulmans ; dans le cadre de la rénovation récente de cet ancien quartier juif, la plaque portant son nom a été apposée dans une rue. Pendant plusieurs générations, des Corcos eurent le privilège d’être des « Tajjar al Sultan » (marchands du sultan), jouant un grand rôle dans l’économie du Royaume. C’est à ce titre, en particulier, qu’ils firent partie des familles juives qui bâtirent, puis firent prospérer le port de Mogador, aujourd’hui Essaouira. L’historien Michel Abitbol, qui fut mon invité à la radio, a dit d’ailleurs qu’une de ses toutes premières publications portait sur les relations entre la famille Corcos et les Sultans !

Originaire lui-même de Mogador, ayant vécu à Agadir mais parti en Israël en 1960, juste avant le terrible tremblement de terre qui devait faire des milliers de victimes, David Corcos (1917-1975) y fut un pionnier dans la recherche historique sur les Juifs du Maroc ; il publia 300 articles dans l’Encyclopaedia Judaïca, et dénonça les discriminations dont ils étaient alors victimes dans la société israélienne. Ses enfants furent eux parfaitement intégrés dans le pays, devenant officiers dans l’armée et prenant part aux guerres d’usure (1970), du Kippour (1973) et du Liban (1982). Sidney Corcos, outre donc une passion héritée de son père pour l’histoire et la généalogie, est zoologiste et directeur du Musée National d’Histoire Naturelle de Jérusalem.

J.C