Un groupe de migrants marche vers l'Autriche, au départ d'un camp basé à Sentilj, en Slovenie. Samedi 24 octobre 2015 (AP Photo/Petr David Josek)
« Migrants, Islam, la grande peur des Européens »,
tel est le titre d’un article publié par Judith Weintraub dans le « Figaro
Magazine » le 29 septembre. Dans cet article, cette journaliste
interviewait Dominique Reynié, que nous aurons le plaisir de recevoir dimanche prochain.
Dominique Reynié est professeur à Sciences Po Paris, et directeur général de
Fondapol, la Fondation pour l’innovation politique. Fondapol publie
régulièrement des analyses très intéressantes, mais une de ses originalités
c’est de faire réaliser et de commenter des enquêtes d’opinion parfois à une
échelle internationale. C’est le cas d’une étude concernant 26 pays, et
intitulée « Où va la démocratie ? » Les résultats détaillés de
cette enquête, mais surtout les commentaires, pays par pays, ont été publiés
dans un ouvrage de 320 pages édité chez Plon. Dans sa présentation, Dominique
Reynié écrit : « Depuis plusieurs années déjà, les signes d’une
fragilisation du monde démocratique se multiplient. La hausse de l’abstention,
l’installation d’un puissant vote populiste et les fractures territoriales et
culturelles en sont les signes les plus remarquables. À des degrés divers, la
défiance à l’égard des institutions, des acteurs politiques et du monde
médiatique est commune à la plupart des démocraties ». Alors, nous allons
nous centrer sur un élément qui est, pour les uns la cause, pour les autres un
symptôme de la crise de nos démocraties : la peur de l’Islam, un islam
souvent associé aux migrants.
Parmi les questions que je poserai
à Dominique Reynié :
-
A la question « L’islam représente une
menace pour notre pays », 58% des citoyens de l’Union Européenne ont
répondu « oui ». La réponse est majoritaire sauf dans deux Etats. Comment
se situe la France pour les réponses ? Et quels sont les pays où cette
peur est la plus forte ?
-
Pour vous, cela ne traduit pas un racisme, mais
vous utilisez – tout en étant critique de son utilisation politique – le terme
« d’islamophobie », « une peur née du constat partagé un peu
partout (…) que les problèmes de cohabitation, les contentieux interculturels,
mais aussi les violences – sans parler des attentats – sont toujours associés à
une certaine interprétation de l’islam ». A-t-on analysé, pays par pays,
la cause principale de ce rejet ? En Europe de l’Est où le rejet semble massif,
les populations musulmanes sont très peu nombreuses, et il n’y a quasiment
jamais eu d’attentats : comment l’expliquer ?
-
En Allemagne, malgré une économie florissante,
la victoire mitigée d’Angela Merkel aux dernières élections et le succès du
parti anti-islam Afd seraient dus à l’accueil massif d’un million de migrants,
en majorité des réfugiés syriens. Vous mentionnez l’impact qu’auraient eu les
agressions sexuelles massives la nuit de la Saint-Sylvestre 2016 : est-ce
sûr, car on a su ensuite que la grande majorité des personnes inculpés pour ces
délits n’étaient pas des migrants ?
-
Au Royaume-Uni, le modèle multiculturel d’une
part, la complaisance des Autorités avec les islamistes militants, d’autre
part, n’ont pas empêché des attentats meurtriers ces derniers mois. Or d’après
votre étude, la peur de l’islam reste relativement modérée. Surtout, le
référendum qui a conduit au Brexit semblait plutôt liée à une rancœur contre
les travailleurs détachés d’Europe de l’Est.
-
Le rejet de l’Europe et la peur de
l’Islam sont-ils systématiquement liés ? Quels sont les motifs invoqués
quand les deux sont associés : les accords de Schengen, par rapport à la
menace terroriste ? Les avis de la Cour Européenne des Droits de l’Homme
qui pourrait imposer la réunification familiale ?
-
Vous dites que « les classes dirigeantes
ont échoué partout en Europe à poser les problèmes de l’immigration, de
l’islam, de l’islamisme et du conflit des valeurs dans des termes politiquement
recevables », et que « cela est particulièrement vrai pour la
France ». Est-ce que ce sont des sujets toujours clivants pour la société
française, ou y a-t-il des consensus ? Les discours polarisés et simplistes sur
ces sujets de chaque extrême – Front National d’un côté, France Insoumise de
l’autre – sont-ils porteurs, ou au contraire posent-ils les limites de leur
progression ?
-
Les communautés juives à travers l’Europe sont
partout sur la défensive, en raison du grand retour de l’antisémitisme, et
surtout d’un antisémitisme nouveau alimenté à la fois par la propagande de
l’islamisme radical, et par celle de l’extrême gauche antisioniste ; en face,
un antisémitisme plus ou moins affiché colle le plus souvent à l’identité de
ces partis politiques. Le recul des partis politiques modérés est-il durable,
et si oui est-ce une vraie menace pour l’avenir des juifs européens ?
Un entretien passionnant à suivre sur notre antenne, soyez nombreux
à l’écoute !
J.C