Photo aérienne de la ville de Lunel
Un livre d'enquête décrypte les
raisons qui ont poussé tant de jeunes de cette ville de l'Hérault à rallier le
djihad.
« Lunel, c'est l'histoire d'un renoncement politique
et d'un aveuglement social. Une ville clivée entre des Français dépossédés de
leur passé et des déracinés sans perspective d'avenir. Un petit bout de Camargue
de 25 000 habitants, coincé entre Nîmes et Montpellier, où un habitant sur dix
est étranger et une personne sur cinq est sans emploi.»
Ainsi débute « le Chaudron français », sans merci pour
« l'attitude de déni » des autorités. Co-écrit par nos confrères Jean-Michel
Décugis (« le Parisien - Aujourd'hui en France ») et Marc Leplongeon (« le
Point »), ce livre propose une enquête sur la vague de départs au djihad en
Syrie qui a traumatisé cette petite cité de l'Hérault. Nourri de documents
judiciaires et d'entretiens, il dénonce, « une faillite française ».
Sept jeunes morts en Syrie
Karim, Adbelilah, Raphaël, Yassine... Au moins sept
jeunes, parmi la vingtaine de Lunellois ayant rejoint
la Syrie entre fin 2013 et fin 2014, sont morts là-bas, loin de la
ville où ils ont grandi. « Tous sont partis, comme ça, sans prévenir, et sont
devenus des ennemis de la nation. Eux, les gamins qui fréquentaient, petits,
les mêmes stades, les mêmes écoles que nous... Comment en sommes-nous arrivés
là ? » s'interrogent les auteurs, dont l'un (Jean-Michel Décugis), a écrit avec
le regard d'un enfant du pays.
A travers leurs portraits et des propos saisis par les
services de renseignement, ce récit rend compte du basculement de ces jeunes
dans l'idéologie du djihad. Il plonge dans l'histoire d'une ville touchée dès
les années 1990 par « les symptômes - chômage, immigration, tensions
identitaires - des grandes banlieues parisiennes ou lyonnaises », par le fléau
de la drogue et la montée de l'islam radical. Il sonne comme un réquisitoire
contre « le poison du repli », le racisme et « l'abandon politique ».
Pascale Egré
Le Parisien, 13 septembre 2017
« Le Chaudron français », Jean-Michel Décugis et
Marc Leplongeon, Ed. Grasset, 234 p., 18 €.