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28 août 2015

Afghanistan: la mort d'une seule femme changera-t-elle le pays?


Farkhunda, 27 ans, a été battue à mort, puis brûlée et jetée dans le lit d'une rivière à Kaboul par une foule furieuse qui l'accusait à tort d'avoir brûlé le Coran. Alors que le procès de ses agresseurs est en cours, son cas peut-il constituer un tournant pour les femmes en Afghanistan?

"Comment la mort d'une seule femme pourrait changer l'Afghanistan." Après le lynchage de Farkhunda, 27 ans, et le procès de 49 suspects mis en cause dans cette affaire, une responsable de USaid dans ce pays écrit dans le Guardian à quel point Kaboul se trouve à un tournant de son histoire sociale. "Personne ne peut ignorer ce changement quand on voit des milliers de personnes manifester à Kaboul", ou quand "des femmes lancent 'Nous sommes toutes Farkhunda' sur sa tombe", avance-t-elle.  
L'Afghane de 27 ans avait été battue à mort, puis brûlée et jetée dans le lit d'une rivière à Kaboul par une foule furieuse qui l'accusait d'avoir profané le Coran, en mars dernier. Des centaines de personnes, choquées par sa mort violente s'étaient mobilisées. Et fait rare en Afghanistan, le cercueil de la jeune femme avait été porté au cimetière par des femmes.  
Le drame, condamné à la fois par le président Ashraf Ghani et les talibans du mollah Omar, avait provoqué de nombreuses protestations en Afghanistan ainsi qu'à l'étranger. Le mouvement "Justice pour Farkhunda" s'était mis en place pour dénoncer les violences faites aux femmes, mais aussi le charlatanisme et l'ignorance crasse à l'origine de cette affaire. 

Quatre condamnations à mort à l'issue d'une "farce"

Un tribunal de Kaboul a condamné à mort mercredi quatre hommes parmi les 49 suspects mis en cause, avec des chefs d'accusation allant de violences à meurtre. Parmi ces condamnés à mort figure un mollah auto-proclamé, Zainul Abiddin, qui vendait des amulettes près d'une mosquée de Kaboul et qui a été à l'origine du déchaînement de violences contre la jeune femme. Or l'enquête a révélé que Farkhunda n'avait jamais brûlé le Coran, mais plutôt dénoncé les activités de ce vendeur d'amulettes comme étant non conformes à l'islam. Contrarié, ce dernier l'avait alors accusée de blasphème et mobilisé une foule pour la lyncher devant des policiers qui étaient restés passifs.  
Le tribunal de première instance a aussi condamné mercredi huit autres hommes à 16 ans de prison et en a relaxé 18 autres, faute d'éléments à charge, dans ce procès qui a débuté samedi dans la capitale afghane. Outre les 30 personnes sur lesquelles le tribunal s'est prononcé mercredi, 19 policiers seront fixés sur leur sort dimanche. Mais la famille de Farkhunda dénonce d'ores et déjà une "farce". "Il y avait des milliers de personnes impliquées dans le meurtre de ma soeur et le tribunal n'en a condamné que quatre", a estimé son frère Mujibullah. 
A Kaboul, "de nombreuses femmes n'ont guère de difficulté à se mettre dans la peau de Farkhunda", écrit encore la responsable humanitaire dans le Guardian. "Les armes des seigneurs de guerre ont été remplacées par le champ de mines de la violence collective, des menaces et du harcèlement verbal". Depuis 2002, les femmes ont remporté des batailles en Afghanistan, mais pour gagner la guerre contre les violences dont elles sont encore victimes, "elles devront éduquer leurs maris, leurs fils, leurs frères et leurs pères." 
Dans un rapport publié en avril, l'ONU avait souligné que l'accès à la justice pour les femmes devait être "renforcé" en Afghanistan. Le rapport estime notamment que seulement 5% des affaires dans lesquelles les auteurs sont identifiés mènent à des procès et des condamnations devant la justice.  

L'Express, 8 mai 2015