Le Secrétaire d'Etat John Kerry et son homologue iranien Javad Sharif
Retour à l'actualité
brûlante pour ma prochaine émission, que j'ai intitulée : "Daesh, Iran, le
Moyen-Orient de tous les dangers". C'est vrai que, du point de vue de la
sécurité internationale et des risques existentiels pour Israël, la double
perspective d'un Califat islamique triomphant, d'une part, et d'un Iran
possédant la bombe atomique, d'autre part, sont des cauchemars. En même temps
ces deux acteurs s'affrontent directement, dans la grande fracture entre
Sunnites et Chiites : et ce qu'on a vu, il y a un mois et demi, avec l'accord
cadre de Lausanne sur le nucléaire iranien, découle aussi de choix
géopolitiques faits par les Occidentaux, qui espèrent ainsi gérer les deux
menaces en même temps. Pour en parler, j'aurai le plaisir d'avoir à nouveau
comme invité un des meilleurs spécialistes sur la sécurité internationale, Bruno
Tertrais. Pour rappel Bruno Tertrais est maître de recherche à la Fondation
pour la Recherche Stratégique, et membre de "l'International Institute for
Strategic Studies" de Londres. Ses domaines de spécialisation sont la
stratégie américaine, la sécurité au Moyen-Orient en en Asie, et les questions
nucléaires. Le menu de cet interview est très riche, aussi je vais partager
notre entretien en deux parties. En première moitié d'émission, on parlera de
ce projet d'accord entre les grandes puissances et la République Islamique
d'Iran , un projet encore bien nébuleux pour le moment, mais on verra ce qu'il
implique, vu des Etats-Unis, vu d'Israël et vu des Etats arabes du
Moyen-Orient. Et puis en deuxième partie, on parlera du Daesh ou "Etat
islamique", en se limitant à l'aspect militaire de la guerre engagée
maintenant par une vaste coalition de pays.
Parmi les questions que je
poserai à Bruno Tertrais :
-
A
propos de ce fameux accord avec l'Iran, annoncé le 2 avril. Très vite, on a
réalisé qu'aucun document n'avait été signé, et qu'il existait plusieurs
interprétations des points d'accord : est-ce bien sérieux, comme résultat au
bout d'un an et demi des négociations acharnées ? Et est-ce qu'il ne faut pas
voir, dans cette annonce finalement prématurée, la marque d'une administration
américaine faisant preuve d'amateurisme ?
-
Que pensez-vous de ce
qu'a écrit David Horowitz dans le "Times of Israël" sur les points de
désaccords qui subsistent : «Les sanctions économiques
seront-elles levées par étapes en fonction de la mise en place par l’Iran des
accords ou au moment où l’accord sera signé? Ce n’est pas clair. Y-aura-t-il
des inspections à tout moment et en tout lieu de tous les sites suspects
nucléaires civils et militaires? Ce n’est pas clair. L’Iran sera-t-il contraint
de transférer à l’étranger l’essentiel de son stock d’uranium enrichi? Ce n’est
pas clair. L’Iran aura-t-il la possibilité de continuer la recherche et le
développement sur les centrifugeuses sophistiquées pour accélérer le processus
de fabrication d’une bombe? Ce n’est pas clair.»
-
La République
Islamique d'Iran a comme idéologie la destruction de l’État hébreu, et c'est
répété continuellement. Or, les Occidentaux n'ont pas exigé de l'Iran qu'il modifie
cette ligne stratégique en reconnaissant le droit à l'existence de ce pays,
d'où le sentiment de révolte des Israéliens. Et puis il y a maintenant une
autre crainte, c'est que cet accord, s'il est finalisé et entériné par le
Conseil de Sécurité de l'ONU, rendra impossible toute action militaire. Qu'en
pensez-vous ?
-
Les Etats du Golfe, et
en particulier l'Arabie Saoudite, ont exprimé leur inquiétude face à ce qu'ils
ressentent comme un renversement d'alliances au Moyen-Orient. Aujourd'hui,
l'Iran contrôle indirectement trois capitales arabes par alliés chiites
interposés, Bagdad, Damas et Beyrouth. Et, avec l'offensive foudroyante des Houthis
chiites au Yémen, il allait prendre le contrôle de ce pays, ce qui a entrainé
en réaction la décision de créer une force armée arabe commune, et des
bombardements de l'aviation saoudienne sur le Yémen, où il y a eu des milliers de
morts en quelques semaines : les États-Unis, eux, laissent faire, et refusent
de s'engager, à votre avis pourquoi ?
-
En
Irak, on sait que la défection de dizaines d'officiers irakiens sunnites - qui
ont rallié le Daech ou fui en abandonnant troupes et matériels -, a permis aux
forces de "l'Etat islamique" de récupérer des blindés et des
véhicules flambant neuf. Mais on peut relativiser cette impression de force
invincible : d'abord, le Daesh a gagné du terrain sur les débris d’États ayant déjà
implosé comme l'Irak ou la Syrie, mais il n'a pas pris le pouvoir dans des pays
où l'autorité centrale est forte ; ensuite, ils ont eu des revers sur le
terrain, les Kurdes ont résisté à Kobané en Syrie ou dans leur zone en Irak ;
l'armée irakienne est arrivé à reconquérir Tikrit à la fin mars ; à votre avis,
combien de temps peut résister sur le long terme une force militaire qui ne
possède ni aviation, ni industrie d'armement, ni alliés pouvant fournir du
matériel ou des pièces détachées ?
-
En
Syrie, les jeux de chaque acteur ne sont pas clairs : d'abord il semble qu'il
n'y ait pas de combats directs entre l'armée syrienne, présente à l'Ouest
peuplé du pays, et le Daech qui occupe une vaste zone désertique de part et
d'autre de la frontière irakienne ; en fait l'Etat islamique semble plutôt
passer son temps à attaquer les autres groupes rebelles ; pendant ce temps là,
d'autres groupes armés djihadistes, comme le Front Al Nosra, ont marqué des
points dernièrement en occupant la frontière avec la Jordanie et la ville d'Idlib.
Or Israël voit tout cela de façon détachée, comme s'il n'était pas concerné, et
en fait il n'est intervenu que contre les transferts d'armes vers le Hezbollah
: qu'en pensez-vous ?
Des sujets
passionnants ... et j'espère que vous serez nombreux à l'écoute !
J.C