Les
Etats-Unis semblent aujourd’hui totalement impuissants face à la descente aux
enfers de l’Egypte. Un pays qui était pourtant le plus proche allié de
Washington dans le monde arabe et qui reçoit depuis des décennies une aide
financière et militaire conséquente.
Mais
comme l’explique Josh
Rogin du site The Daily Beast, «les
initiatives de la Maison Blanche depuis le printemps arabe ont toutes affaibli
les quelques moyens de pression qu’elle avait encore…». Par ses
incohérences, je lâche Hosni Moubarak, un allié historique des Etats-Unis, et
je soutiens la transition démocratique, mais je ne m’oppose pas vraiment au
coup d’Etat de l’armée qui deux ans plus tard recrée la situation antérieure,
l’administration Obama a réussi le tour de force de se mettre à dos les deux
camps en présence. Elle est considérée par les Frères Musulmans comme le
principal soutien étranger de la répression militaire et du côté de l’armée
égyptienne comme un allié objectif des islamistes.
En 2011 pourtant, l’influence américaine sur l’armée
égyptienne avait eu un impact considérable sur la tournure des événements comme
en Tunisie d’ailleurs. L’armée égyptienne avait obtempéré aux pressions de
Washington de ne pas ouvrir le feu sur les manifestations anti-Moubarak. Mieux
«les militaires avaient protégé les manifestants et Obama avait été capable
de soutenir réellement les révolutions arabes en contraignant l’homme fort de l’Egypte
à quitter le pouvoir».
L'armée égyptienne est devenue
sourde
En 2013, les militaires égyptiens ont superbement
ignoré toutes les remarques et recommandations de l’administration américaine.
Depuis la prise de pouvoir par l’armée
égyptienne le 3 juillet, Washington a demandé successivement aux militaires
de ne pas arrêter les dirigeants des Frères Musulmans, de ne pas instaurer la
loi martiale, d’autoriser les manifestations pacifiques et de tenter de trouver
un compromis avec les islamistes. En vain.
«Les Etats-Unis condamnent avec fermeté les mesures
qui ont été prises par le gouvernement intérimaire égyptien et les forces de
l'ordre», a déclaré jeudi 15 août Barack Obama. «Nous déplorons les
violences exercées contre les civils. Nous soutenons les droits universels
essentiels à la dignité de l'homme, y compris le droit de manifester
pacifiquement» a-t-il ajouté.
Le Président américain a aussi annoncé que les
Etats-Unis avaient informé l'Egypte de l'annulation des manoeuvres militaires
«Bright Star», qui ont lieu tous les deux ans depuis 1981 et sont considérées
comme un élément central des relations militaires entre Washington et Le Caire.
Mais il n’a rien dit sur l’aide militaire de 1,3 milliard de dollars donnée à
l’armée égyptienne tous les ans.
En fait, la pression financière n’a plus beaucoup
d’impact. Les Etats-Unis ont été supplantés par d’autres bailleurs de fonds
régionaux. L’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis et le Koweit ont déjà
donné au gouvernement de transition égyptien 13 milliards de dollars, dix fois
l’aide américaine.
Et la pression politique est elle-aussi devenue
inefficace. A quelques moments clés au cours des deux dernières années,
l’administration Obama est apparue trop faible. Ainsi, quand le gouvernement
des Frères Musulmans a
fait arrêter et condamner à des peines de prison des membres d’ONG
essentiellement américaines sous le prétexte de financements illicites,
Washington a protesté mollement.
L’administration américaine est tellement discréditée
que la Russie rêve aujourd’hui
de remplir le vide et même de devenir le nouveau partenaire du pouvoir
égyptien après avoir retrouvé un poids politique et militaire au Moyen-Orient
comparable à celui de l’URSS dans les années 1970.
En fait, comme l’écrit, Samuel Tadros, expert
du Think Tank américain Hudson Institute, l’administration Obama s’est
totalement fourvoyée dans son analyse politique de l’Egypte.
Quand la révolution arabe a gagné l’Egypte, Barack
Obama a demandé, selon le New York Times, à ses équipes d’étudier les
transitions politiques vers la démocratie dans plus de 50 pays. Après des
travaux approfondis, ils en ont conclu que «l’Egypte était comparable à la
Corée du sud, les Philippines et le Chili». Benjamin Rhodes, conseiller
adjoint à la Sécurité national expliquait que «la trajectoire du changement
allait dans la bonne direction».
Brillante analyse. Après avoir pris le pouvoir les
Frères Musulmans se sont montrés tellement incompétents qu’un rejet massif dans
la population a permis à l’armée de saisir l’occasion pour les renverser et
reprendre le pouvoir. Et le carnage qui a suivi a mis aujourd’hui le pays au
bord de la guerre civile et du chaos.
Slate.fr, le 16 août 2013
Source : article du
"Dailybeast", voir sur
ce lien