Les tortionnaires d'Ilan Halimi (z"l)
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Nous allons poursuivre dimanche
prochain notre entretien consacré à un livre de référence, "Haine et
violences antisémites. Une rétrospective 2000-2013"; c'est publié chez
Berg International Editeurs, et j'aurai le plaisir de recevoir à nouveau son auteur,
Marc Knobel Pour rappel, il est historien de formation, spécialiste de l'antisémitisme
qui a été un peu le "fil rouge" de toutes ses publications. Il est
actuellement chercheur au CRIF où nous nous croisons souvent, et il a donc
publié cet ouvrage imposant de quelques 350 pages sur la vague violente que
subit notre communauté depuis 13 ans maintenant. Alors, le sujet était trop
grave et son travail trop imposant pour n'y consacrer que 25 minutes, c'est
pourquoi j'ai décidé d'en tirer deux émissions. La dernière fois, nous avons
établi un premier bilan jusqu'à 2006, en parlant beaucoup du contexte extérieur
de ces tristes évènements - antisémitisme islamiste, propagande haineuse
véhiculée par l'Internet ou par certaines télévisions. Cette fois-ci nous
allons reprendre le fil des évènements depuis ces 7 dernières années, mais
surtout examiner ensemble les réactions de la société française dans son
ensemble, et de la communauté juive en particulier : avons-nous assez réagi ?
Avons-nous encore des amis, au niveau politique ou médiatique pour dénoncer ces
agressions ? Comment à la fois défendre notre sécurité, dire la vérité mais
surtout être entendus ? Comment se positionner alors qu'un autre racisme, cette
fois visant les Musulmans, semble se développer ?
Parmi les questions que je
poserai à Marc Knobel :
-
Nous nous sommes arrêtés la dernière fois sur
l'année 2006, une année particulièrement traumatisante puisqu'elle a été celle
du premier meurtre antisémite depuis la Guerre, celui d'Ilan Halimi. Le livre
rappelle l'affaire, d'abord les hésitations
de la presse à reconnaitre le caractère raciste de son rapt ; le sadisme de
cette bande qui l'a séquestré et torturé pendant plusieurs semaines ; et bien
sûr la figure effroyable de son principal meurtrier, Youssouf Fofana qui s'est
présenté au procès comme un militant islamiste. Pour cette affaire
particulière, au moins, la communauté juive n'a-t-elle pas été confortée par un
soutien national ?
-
Heureusement, il n'y a pas chaque mois une
affaire Halimi ou une tuerie dans une école juive, comme l'année dernière à
Toulouse, et pourtant - et le livre en donne des centaines d'exemple - il y a
régulièrement des actes violents qui, s'ils ne tuent pas, traumatisent les
victimes : attaques de commerces ou de domiciles ; coups de poings, coups de
matraques, menaces violentes, etc. En 2012, 55 % des agressions racistes
violentes ont visé la communauté juive, communauté qui ne représente que 1 % de
la population. Cependant, et le livre publie plusieurs tableaux de sondages au
fil des ans, lorsqu'on interroge l'ensemble de la population française on est à
la fois rassuré et inquiet : rassuré, parce que globalement les préjugés
antisémites reculent ; inquiet, parce que par exemple en 2008 seuls 5 % des
Français pensent que les Juifs sont les principales victimes du racisme.
Comment l'expliquer ?
-
A propos du racisme et des risques de cassure
entre citoyens juifs et musulmans de notre pays, il y d'autres éléments à
considérer. D'un côté, les derniers sondages montrent effectivement une vision
très négative de l'islam chez la majorité des Français, et il y a eu, c'est
incontestable, des actes hostiles, mosquées taguées, cimetières vandalisés, et
même des agressions physiques récentes comme à Argenteuil. D'un autre côté, certains
collectifs comme le C.C.I.F présentent l'application des lois - par exemple
l'interdiction de porter le niqab - comme un acte islamophobe ; il y a aussi un
problème de définition des actes racistes, et là, la lecture du dernier
compte-rendu annuel de la Commission Consultative des Droits de l'Homme donne
l'impression que les actes antijuifs sont moins nombreux : comment tenir
ensemble un discours cohérent ?
-
Le livre est assez disant pour ce qui concerne
les différents responsables politiques, de droite comme de gauche qui se sont
succédé au pouvoir et en particulier, il reproduit les déclarations solennelles
faites lors de diners du CRIF, ou après l'attentat de l'école Ozar Hatorah : or
cela n'empêche ni l'antisémitisme virulent d'une partie de la jeunesse, ni le
manque de soutien de l'opinion publique, ni le sentiment d'impunité des
agresseurs : est-ce que finalement, on ne se trompe pas de cible en parlant au
politique, alors que les sphères de l’Éducation Nationale, de la Justice et de
des Médias se sont montrées assez distantes vis à vis de notre Communauté ?