La ville de
Tombouctou, inscrite jeudi sur la liste du patrimoine mondial en péril par
l'Unesco à la demande du gouvernement malien, va-t-elle subir le même sort que
les majestueux Bouddhas de Bamyan, en Afghanistan, qui n'ont pas survécu aux
talibans et à leurs alliés d'Al-Qaida ? Située à environ 1 000 km au nord de
Bamako, Tombouctou est contrôlée depuis le 1er avril par des groupes armés,
dont des djihadistes.
Surnommée "la cité des
333 saints" ou plus banalement "la perle du désert", inscrite au
patrimoine mondial par l'Unesco depuis 1988, elle a été un haut-lieu du
tourisme mais était déjà très affectée par la présence dans le nord malien
d'Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI).
SEPT MAUSOLÉES
DÉTRUITS
Samedi, les combattants
d'Ansar Eddine ont détruit au moins trois mausolées de saints musulmans de la
ville. Tôt samedi matin, "une
équipe d'une trentaine de combattants se sont dirigés vers le mausolée de
Sidi Mahmoud, dans le nord de la ville, qu'ils ont encerclé",
a expliqué un témoin, travaillant pour un média local, qui a assisté à
l'opération. "Certains
avaient des armes. Ils n'ont pas tiré. Alors, ils ont commencé par crier : "Allah
akbar !, Allah akbar !" ("Dieu est grand ! Dieu est grand !") et
avec des pioches et des houes, ils ont commencé par casser le mausolée. Quand
un grand bloc du mausolée est tombé sur la tombe, ils ont commencé par crier
encore "Allah Akbar !" et après, ils sont allés vers un autre
mausolée", a ajouté cet homme
Selon plusieur témoins, les
islamistes d'Ansar Eddine ont détruit les mausolées de Sidi Mahmoud, Sidi
Moctar et Alpha Moya, en quelques heures. Le groupe armé qui a menacé de s'en prendre
à tous les mausolées de Tombouctou a poursuivi ses destructions dimanche. Les
combattants se sont attaqués à coups de houes et burins aux quatre mausolées,
dont celui de Cheikh el-Kébir, situés dans l'enceinte du cimetière de
Djingareyber (sud), selon un témoin présent sur les lieux.
"UN CRIME DE
GUERRE"
Le Mali a appelé dimanche les
Nations unies à prendre des mesures après ces destructions "criminelles". "Le Mali
exhorte l'ONU à prendre des mesures concrètes pour mettre fin à ces crimes
contre l'héritage culturel de la population", a déclaré la
ministre malienne des arts, du tourisme et de la culture, Diallo Fadima, lors
d'une réunion de l'Unesco à Saint-Pétersbourg.
La procureur de la Cour
pénale internationale (CPI), Fatou
Bensouda, a déclaré dimanche que la destruction en cours de mausolées était
"un crime de
guerre" passible de poursuites de la CPI. "Mon message à ceux qui sont
impliqués dans cet acte criminel est clair : arrêtez la destruction de biens
religieux maintenant. C'est un crime de guerre pour lequel mes services sont
pleinement autorisés à enquêter", a déclaré Mme Bensouda à
Dakar.
Elle a précisé que l'article
8 du statut de Rome portant création de la CPI stipulait que "les attaques délibérées contre
des bâtiments civils non protégés qui ne sont pas des objectifs militaires
constituent un crime de guerre. Cela inclut les attaques contre les monuments
historiques, tout comme la destruction de bâtiments dédiés à la religion".
Tombouctou, ville du nord du
Mali contrôlée depuis fin mars par les islamistes, a été inscrite jeudi 28 juin
sur la liste du patrimoine mondial en péril par l'Unesco, à la demande du
gouvernement malien.
LES 333 SAINTS DE LA
VILLE
La cité a été fondée entre le
XIe et le XIIe siècle, selon les documents, par des tribus touareg. Les
mausolées de saints musulmans sont considérés comme des protecteurs dans la
ville. "Il y a 333
saints à Tombouctou, on sait exactement où ils sont enterrés, entre les
cimetières, les mausolées ou de simples tombeaux. Il y a 16 mausolées, bien
construits", généralement en terre crue, "les sépultures sont là, on peut
les visiter", explique, sous couvert d'anonymat, un expert
malien de ces questions, originaire de la ville.
Selon lui, ces personnages
vénérés, qui valent à Tombouctou son surnom de "cité des 333 saints", "représentent ceux que, dans la
culture occidentale, on appelle saints patrons". Il y en a qui
sont sollicités "pour
les mariages, pour implorer la pluie, contre la disette..." Les
mausolées des saints ont une grande importance à Tombouctou et sont "des composantes essentielles du
système religieux dans la mesure où, selon la croyance populaire, ils étaient
le rempart qui protégeait la ville de tous les dangers",
affirme l'Unesco sur son site.
Ces sites, importants lieux
de recueillement, sont situés en ville ou dans des cimetières en périphérie de
la cité avec des tombes portant des stèles et autres insignes funéraires.
Les cimetières de Sidi Mahmoud, dans le nord de la ville, et d'Alpha Moya (ou Alpha Moya Idjé Tjina Sare), dans l'est de la cité, sont parmi les mausolées les plus visités par les pèlerins. Ces deux mausolées et celui de Sidi Moctar (ou Sidi el Moctar), dans le nord-est de la ville, sont les trois qui ont été détruits samedi par les islamistes dAnçar Eddine, prônant l'application de la charia (loi islamique) à travers tout le Mali. Ançar Eddine va continuer la démolition de tous les sites similaires, "sans exception", selon un de ses porte-parole, Sanda Ould Boumama. Tombouctou compte également trois grandes mosquées historiques (Djingareyber, Sankoré et Sidi Yahia).
Les cimetières de Sidi Mahmoud, dans le nord de la ville, et d'Alpha Moya (ou Alpha Moya Idjé Tjina Sare), dans l'est de la cité, sont parmi les mausolées les plus visités par les pèlerins. Ces deux mausolées et celui de Sidi Moctar (ou Sidi el Moctar), dans le nord-est de la ville, sont les trois qui ont été détruits samedi par les islamistes dAnçar Eddine, prônant l'application de la charia (loi islamique) à travers tout le Mali. Ançar Eddine va continuer la démolition de tous les sites similaires, "sans exception", selon un de ses porte-parole, Sanda Ould Boumama. Tombouctou compte également trois grandes mosquées historiques (Djingareyber, Sankoré et Sidi Yahia).
MILLIERS DE
MANUSCRITS
La ville est également
célèbre pour ses dizaines de milliers de manuscrits, dont certains remontent au
XIIe siècle, et d'autres de l'ère pré-islamique. Ils sont pour la plupart
détenus comme des trésors par les grandes familles de la ville.
Avant la chute de Tombouctou
aux mains des groupes armés, environ 30 000 de ces manuscrits étaient conservés
à l'Institut des hautes études et de recherches islamiques Ahmed Baba (Ihediab,
ex-Centre de documentation et de recherches Ahmed Baba), fondé en 1973 par le
gouvernement malien. Possession des grandes lignées de la ville, ces
manuscrits, les plus anciens remontant au XIIe siècle, sont conservés comme des
trésors de famille dans le secret des maisons, des bibliothèques privées, sous
la surveillance des anciens et d'érudits religieux. Ils sont pour la plupart
écrits en arabe ou en peul, par des savants originaires de l'ancien empire du
Mali.
Ces textes parlent d'islam,
mais aussi d'histoire, d'astronomie, de musique, de botanique, de généalogie,
d'anatomie... Autant de domaines généralement méprisés, voire considérés comme "impies" par
Al-Qaida et ses affidés djihadistes.
Des bureaux de l'Ihediab ont
été saccagés plusieurs fois en avril par des hommes en armes, mais les
manuscrits n'ont pas été affectés. Par mesure de sécurité, ils ont été
transférés vers un lieu "plus
sécurisé", selon des défenseurs maliens de ce patrimoine. Dans
une déclaration commune diffusée le 18 juin, les bibliothèques de Tombouctou
affirment qu'aucun détenteur de manuscrit n'a été menacé, mais soulignent que
la présence des groupes armés les "met
en danger".
En plus de la ville de
Tombouctou, l'Unesco a aussi inscrit jeudi sur la liste du patrimoine mondial
en péril le Tombeau des Askia, un site édifié en 1495 dans la région de Gao,
autre zone sous contrôle de groupes armés depuis fin mars. Des combats, qui ont
fait au moins 20 morts, ont opposé mercredi à Gao des combattants touareg et
des islamistes. Ces derniers en ont pris le contrôle total, selon de nombreux
témoins.
Le Monde
1er juillet 2012
Nota :
A noter que nos amis de PRIMO
Info s'associent à une manifestation de solidarité pour le peuple touareg et le
MNLA, ce samedi, place du Trocadéro à Paris.
J.C