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15 janvier 2017

Tourisme de l’extrême : des Occidentaux en quête d’aventures attirés par la Syrie en guerre (2/2)



« Risques acceptables »

Il n’y a pas que les chauffeurs de taxi comme Mohammed qui facilitent le tourisme de l’extrême pour les Occidentaux en quête d’aventures. James Willcox est le fondateur de l’agence de voyage « Untamed Borders » (« Frontières sauvages ») qui a pour objectif d’emmener des touristes dans des lieux inaccessibles, des « endroits aux multiples facettes et offrir un kaléidoscope d’expériences ». Après un rapide coup d’œil sur son site, « Untamed Borders » propose des voyages dans des endroits comme la Somalie ou l’Afghanistan, deux pays justes derrières la Syrie dans le « Global Peace Index » des « Pays les plus dangereux du monde 2016 ».
Le fondateur, James Willcox, s’est confié à MEE depuis l’Afghanistan où il vient de terminer un voyage culturel de deux semaines à Bâmiyân, Mazâr-e Charîf et maintenant Kaboul, où il coopère avec les autorités afghanes pour l’organisation du seul marathon international du pays qui aura lieu à l’automne 2017.
À Beyrouth, les Occidentaux se fient généralement aux promesses d’un charmant chauffeur de taxi qu’ils rencontrent lors de leur séjour, mais la préparation d’un voyage en Afghanistan est un processus en amont énorme et très détaillé, qui demande un niveau de préparation très élevé. Pour voyager dans des endroits comme Kaboul où a eu lieu en juillet de cette année l’un des pires attentats depuis 2001, le groupe collecte des informations sur le terrain, en coopérant avec des « organismes qui conseillent des ONG et des services secrets en matière de sécurité, grâce aux renseignements donnés par des personnes qui y travaillent ». Ceci permet à l’agence de « réduire les risques à un niveau acceptable ».
Dans des régions comme Bâmiyân où l’agence est bien implantée et organise des séjours de ski tous les ans, ou la vallée du Pandjchir où elle a organisé sa première expédition en kayak en début d’année, ou même le corridor du Wakhan où elle emmène des touristes en séjour de randonnée équestre depuis sept ans, pour James Willwox, les risques sont très réduits. « Aucun de ces endroits n’a connu d’insurrections majeures depuis l’arrivée de la communauté internationale. Dans ces régions, il est facile de concilier sécurité liée aux risques et aventure ».
Lorsque MEE lui a demandé si la Syrie pourrait un jour faire partie de leur offre de voyages, James a répondu que tout dépendait de leur connaissance précise du terrain. « Je connais des gens qui sont allés en Syrie récemment. Je m’y suis moi-même rendu souvent avant le conflit. Mais pour moi, en tant qu’agence de voyage, je n’ai pas assez d’infos sur le terrain pour assurer la sécurité d’un voyage en Syrie dans le climat politique actuel. »

Promenades en zone de guerre

Comme l’Afghanistan, Damas est relativement sûre par rapport au reste de la Syrie. Depuis que le gouvernement de Bachar al-Assad tient la ville d’une main de fer, la vie est redevenue « presque normale ».
Pablo Sigismondi, un géographe argentin qui s’est rendu en Syrie cette année, témoigne à MEE : « de manière générale, le centre-ville est très sûr mais il y a quelques traces d’endroits affectés par la guerre. »
« Du haut de bâtiments élevés, j’ai vu de la fumée et entendu du bruit en direction de l’est et du sud de la ville, où les groupes terroristes opèrent. »
Il est simple de se déplacer dans la ville. « Je pouvais me déplacer à pied, sans policiers ni guides, complètement seul et sans danger. Les gens sont très accueillants et très gentils. Ils sont chaleureux avec les étrangers. » Même si Paolo a apprécié son séjour à Damas, son voyage l’a malgré tout emmené en-dehors de la « bulle » de la ville. Homs, un rappel viscéral du territoire perdu à la révolution, faisait aussi partie de l’itinéraire de Pablo Sigismondi.
Ses choix de destination sont motivés par ses convictions personnelles, et ce n’est pas la première fois qu’il décide de passer ses vacances en zone de conflit. Paolo a été à Gaza, en Irak, au Kosovo, au Soudan du sud, en Afrique centrale, à chaque fois en temps de guerre. Malgré les crimes commis par le régime de Bachar al-Assad, il explique à MEE ce qui le motive : « Je voulais montrer ma solidarité au gouvernement syrien et à son merveilleux peuple, face à l’agression à laquelle cette nation fait face. »

« Cocher les pays visités »

Les statistiques concernant le « genre » de personne qui cherche à visiter des endroits inhabituels et parfois dangereux sont difficiles à établir. James Willcox décrit certaines des tendances qu’il a observées depuis la création d’ « Untaimed Borders » : « Nous avons organisé des voyages avec des gens venant de plus d’une quarantaine de pays, avec 20 à 40% de femmes. Les âges vont de 20 à 80 ans. »
Le point commun quasi systématique de ces aventuriers : « les gens ont tendance à avoir pas mal de moyens. Nos voyages offrent un bon rapport qualité prix mais ne conviennent pas aux petits budgets. »
Il décrit aussi certains touristes qui voyagent pour pouvoir « cocher les pays qu’ils ont visités ».
Quelles que soient les raisons qui motivent cette mode, la nature changeante de la situation politique d’un pays doit impérativement être prise en compte avant de héler un taxi dans les rues de Beyrouth. Avec un peu de chance, l’avenir verra un retour du tourisme en Syrie, mais pour l’instant, ce n’est pas la destination la plus sûre ni la plus appropriée pour les vacances.

Ryan Fahey,
Site Middleeasteye.net, 20 novembre 2013
Traduit de l'anglais (original) par Pierre de Boissieu