J'aurai le plaisir de
recevoir à nouveau Benjamin Stora le 6 novembre. Historien, professeur
d'Université, grand spécialiste de la Guerre d'Algérie à laquelle il a consacré
des dizaines d'ouvrages , il a intégré depuis une dizaine d'années la dimension
juive dans son travail. En 2006, il a publié "Les trois exils. Juifs
d'Algérie", l'année dernière était édité "Les clés retrouvées",
sous-titré "Une enfance juive à Constantine", et j''avais eu le plaisir
de le recevoir pour ces deux livres. Il vient de publier un ouvrage bien
différent puisqu'il s'agit d'un album de photographies anciennes :
"C'était hier en Algérie", sous-titré "De l'Orient à la
République, une histoire des Juifs d'Algérie", Editons Larousse. Alors
bien sûr on retrouve, dans le texte qui guide le lecteur, la trame générale développée dans les livres
précédents : comment des populations juives, dont l'enracinement datait de 2.000
ans sont entrées en quelques décennies, avec la colonisation française, à la
fois dans la modernité occidentale et dans la République; comment elles ont vécu
ce qu'il a appelé, justement, "les trois exils", exil de la culture
d'origine, puis exil bref mais violent de la communauté nationale sous Vichy,
puis enfin exil physique brutal en 1962, au moment de l'indépendance. On va
donc essayer, ensemble et à partir des photos qu'il a choisies, de feuilleter
virtuellement ce beau livre avec nos auditeurs.
Parmi les questions que je
poserai à Benjamin Stora :
- Votre album commence par une longue introduction
historique. Vous rappelez notamment la situation de "dhimmis" des
Juifs avant la colonisation, mais ce passé là n'est pas illustré dans le livre.
Certes, la photographie va apparaitre après l'arrivée des Français en 1830 : mais
il doit quand même exister des archives, des dessins ou des peintures ?
-
Votre album débute par des séries de
photographies datant de la fin du 19ème siècle, la première intitulée "Des
indigènes algériens", et la seconde "Un monde de petits
métiers". Quand on voit les illustrations les plus anciennes, on se dit
que pour des yeux européens rien ne distinguait les Juifs des Musulmans, ni les
tenues vestimentaires, ni les habitations, ni le mode de vie. Comment avez-vous
procédé pour illustrer, par l'image dans les chapitres suivants, l'évolution
sociologique et culturelle de ces Juifs tellement orientaux ?
-
Le centre névralgique de la vie juive,
c'était en Algérie comme partout dans le monde, les Synagogues : votre album en
donne plusieurs photos au fil des pages, celles d'Oran, d'Alger, de Tlemcen, de
Constantine. Vous soulignez que, symboliquement, leur architecture était aussi
à la fois mauresque et européenne, pourriez-vous nous l'expliquer ?
-
Entre le Décret Crémieux en 1870, et 1940,
les Juifs d'Algérie vont vivre deux épisodes d'antisémitisme violent : de la
part des Européens avec les émeutes de 1897-1898 - vous publiez ainsi une photo
de la Grande synagogue d'Alger dont les grilles furent arrachées ; et puis, de
la part des Musulmans, le pogrom d'août 1934 à Constantine, qui fit 28 morts et
que vous avez illustré par cinq pleines pages de photographies poignantes : pourtant,
les juifs d'Algérie seront surpris et par Vichy, et par la guerre d'Algérie : pourquoi
cette illusion d'une "assimilation heureuse" ? Quelles autre photos
de l'album viennent l'illustrer ?
-
En ce qui concerne la guerre d'Algérie, j'ai
trouvé l'album trop rapide sur ces heures noires : très peu de photographies ; pas
de reproductions de journaux d'époque ; et finalement presque rien de
spécifiquement juif; pourtant, c'est là que vous aviez la documentation la plus
riche : pourquoi avez-vous fait ce choix ? Pourquoi par exemple, n'avoir pas
publié des photos d'attentats ayant visé spécifiquement les Juifs ?
Je suis sûr que les auditeurs originaires d'Algérie
seront nombreux à l'écoute, mais l'histoire de cette communauté disparue doit
intéresser beaucoup plus de monde, et pas seulement les Juifs ... soyez
nombreux à l'écoute !
J.C