LE SCAN POLITIQUE - Les responsables du Front national
érigent volontiers les Émirats en contre-exemple du Qatar, accusé de financer
le fondamentalisme islamiste.
C'est un problème récurrent au Front national. Bien
que la trésorerie du parti soit désormais assainie, il manque des fonds pour
alimenter la campagne présidentielle qui s'annonce. Marine Le Pen peut
actuellement compter sur 4 à 6 millions d'euros selon les sources, alors que 12
seraient nécessaires. «Je pense que l'on va régler le problème», convient ce lundi matin Florian Philippot sur LCI,
qui regrette que «les banques françaises ne prêtent pas». Un souci récurrent
qui avait conduit le FN à chercher le soutien d'établissements russes en 2014. Cette source semble désormais tarie,
et selon Mediapart, le Front national chercherait des financements
alternatifs, notamment auprès des riches Émirats arabes unis, qui regardent
avec bienveillance l'ascension du parti.
«S'il faut aller emprunter à l'étranger, nous irons
emprunter à l'étranger, il n'y a aucune exclusive à ça. Que ce soit en Russie
en Argentine ou aux États-Unis. Et pourquoi pas au Moyen-Orient», confirmait sur France 3 Wallerand de
Saint-Just, trésorier du FN, pendant «les estivales de Fréjus», le
18 septembre. «On cherche “worldwide”, partout sauf en France étant donné le
refus des banques ici», a développé l'eurodéputé Bernard Monot, l'un des
économistes du Front, auprès de Mediapart. «On a
mis une douzaine de lignes à l'eau qu'on peut actionner. Nous cherchons à
l'ouest - zone dollar et zone euro -, on a aussi des pistes au Moyen-Orient»,
ajoute ce dernier. Une piste déjà explorée en 2014, raconte l'un de ses
proches, le député Rassemblement Bleu Marine (RBM) Jean-Luc Schaffhauser. En
discussion avec une banque d'Abu Dhabi, il affirme avoir assuré des
négociations pour un emprunt avec «un taux de 2,8 %». «Mais cela ne s'était pas
fait le jour de la signature, en février 2014», précise-t-il. C'est finalement
des établissements russes qui avaient pourvu aux besoins, ainsi que Cotelec, la
structure de Jean-Marie Le Pen. Cette association de financement a par ailleurs déjà débloqué 6
millions d'euros pour la présidentielle de 2017.
Le FN dément le financement du
voyage égyptien de Marine Le Pen
Mediapart relève que le Front national maintient depuis les meilleures relations
possibles avec les Émirats arabes unis, présentés comme un modèle de
pays arabe combattant le fondamentalisme, par opposition au Qatar, accusé de
financer en sous-main le djihad et les Frères musulmans. Une proximité de vue
affichée lorsque Marine Le Pen se rend en Égypte
le 28 mai 2015: la présidente du FN fait à cette occasion un éloge
appuyé du régime du président al-Sissi, implacable adversaire des Frères
musulmans, soutenu par les Émirats. Le site spécialisé Intelligence Online
révèle alors ce qui a convaincu les responsables égyptiens d'accepter la
rencontre: «C'est sous l'amicale pression des services émiratis de renseignement
que la plupart ont accepté de rencontrer la présidente du FN». Une pression
également exercée sur le président égyptien en personne, selon les révélations du livre Nos très chers émirs (Michel Lafont), paru le
20 octobre, et signé des journalistes Christian Chesnot et Georges Malbrunot.
Le voyage égyptien dans son ensemble aurait d'ailleurs été financé par des
fonds émiratis.
«C'est inexact», répond brièvement le secrétaire
général du FN Nicolas Bay interrogé par France 2 ce lundi, soucieux de protéger
l'image d'un parti prompt à clamer son indépendance vis-à-vis de toute
puissance étrangère. Avant de dérouler son argumentaire: «Il y a une différence
fondamentale entre le Qatar et les Émirats arabes unis. Les Émirats combattent
l'islamisme radical, le Qatar soutient et finance les factions islamistes. Ce
que je constate, c'est que sous François Hollande comme sous Nicolas Sarkozy,
la classe politique française a fait preuve d'une grande complicité avec le
Qatar». Aucun projet de financement ne serait à l'étude selon lui. «Pas à ma
connaissance», assure-t-il, avant de glisser de nouveau: «Nous combattons
l'islamisme radical et nous soutenons ceux qui, dans cette région du monde,
combattent l'islamisme radical».
Marc de Boni
Le Figaro, 24 octobre 2016