Nous allons poursuivre dimanche
prochain notre panorama du Moyen-Orient, et parler d'une actualité tragique
même si, malheureusement, les médias ne lui accordent pas l'importance qu'elle
mérite. Nous allons en effet parler à nouveau de la Syrie, de cette guerre
civile qui a déjà fait plus de 100.000 victimes, des millions de déplacés et de
réfugiés dans les pays voisins, et des destructions terribles dans la plupart
des villes du pays : et pourtant, malgré l'attention de tous les médias après
le bombardement à l'arme chimique de la banlieue de Damas le 21 août dernier,
et les menaces sans suite des Etats-Unis et de la France, on a l'impression que
cette guerre là n'intéresse plus. Pour en parler, j'aurai le grand plaisir de
recevoir l'universitaire Jean-Pierre Filiu, qui a déjà été mon invité. Quelques
mots de rappel : Jean-Pierre Filiu a eu une formation et une carrière
extrêmement riches, diplômé de Sciences Po Paris, docteur en Histoire, il a
aussi étudié à l'INALCO et il est arabisant. Successivement humanitaire, conseiller
du Ministère des Affaires Etrangères, membre de cabinets ministériels, il a
beaucoup voyagé et écrit une douzaine d'ouvrages, je l'avais d'ailleurs reçu
pour parler d'un livre sur Al-Qaïda. La Syrie est chère à son cœur puisqu'il y
a vécu dans le passé, comme diplomate, et il y est retourné pour nous donner un
témoignage de terrain, "Je vous écris d'Alep" publié aux Editions
Denoël ; c'est un livre de 150 pages qui se lit vraiment comme un roman, dont
le décor est souvent celui des ruines d'une ville historique, et dont les héros
peuvent tomber chaque jour au hasard du tir des snipers. Mon invité n'est pas
un "Orientaliste de salon", il a vraiment risqué sa vie dans ce pays
où tant de journalistes français et étrangers ont été tués ou enlevés, et je
tiens d'abord à lui en rendre hommage.
Parmi les questions que je
poserai à Jean-Pierre FIliu :
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A propos du titre que j'ai choisi pour notre
entretien, "La révolution syrienne peut-elle encore gagner ?" : on a
l'impression que Bashar el Assad est en train de gagner à la fois sur le
terrain militaire, sur le terrain diplomatique et sur le terrain de la
propagande. Partagez-vous cette hypothèse pessimiste ?
-
Vu le rapport des forces, qui est écrasant en
faveur du régime - les groupes de révolutionnaires n'ont pas d'aviation,
pratiquement pas de blindés ; vu aussi que Assad n'a pas hésité à commettre les
pires crimes de guerre pour mater la rébellion, et votre livre le mentionne
bien, les bombardements à l'aveugle à coups de missiles, ou au contraire très
ponctuels par hélicoptères larguant des barils d'explosifs, le gaz Sarin
utilisé à petite échelle, par exemple dans le quartier kurde de Cheikh Maksoud
en avril 2013 : comment les révolutionnaires syriens arrivent-ils à résister ?
-
Votre chapitre "L épouvantail
djihadiiste" a un titre clairement choisi pour contrer la propagande du
régime, qui présente la rébellion comme dominée par les terroristes d'Al-Qaïda.
Seulement, il y a quand même des réalités de terrain : d'abord les attentats
suicide, les voitures piégées faisant des dizaines de morts civils dans les
grandes villes, sont une réalité ; ensuite Moktar Lamani, représentant de l'ONU
à Damas estimait en septembre dernier qu'ils étaient passés en l'espace d'un an
de 5 % de la rébellion à 40 % ; enfin, mais là c'est tout récent, il y a eu des
combats terribles au Nord de la Syrie, entre certains rebelles islamistes
et l'EEIL, qui auraient causé la mort de
près de 500 personnes : qu'en pensez-vous ?
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Votre témoignage est précieux parce que vous
avez pu rencontrer des responsables civils de la partie libérée de la ville
d'Alep, où vit la moitié de la population, soit environ un million de
personnes. Est-ce que du point de vue de la gestion de la ville et de la région
rebelle jusqu'à la frontière turque, il y a un embryon de démocratie, dans la
mesure où aucune élection ne peut être organisée ?
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Il y a quelque chose de remarquable dans le
spectre politique français, c'est à la fois la tiédeur de la Droite pour aider
la rébellion ; et l'engagement hystérique de l'extrême-droite en faveur de la
dictature, et cela associé, pour des néo-nazis comme Alain Soral, Dieudonné et
leur mouvance, à une propagande antisémite présentant la révolution syrienne
comme un "complot sioniste": cela vous étonne-t-il ?
Une émission qui je l'espère vous passionnera, construite
à partir d'un témoignage exceptionnel : soyez nombreux aux rendez-vous !
J.C