J'ai
eu la chance, il y a plusieurs semaines déjà, d'assister à une visite guidée et
à l'inauguration de cette exposition, bien originale, qui se tient à l'Institut
des Cultures d'Islam, dans le 18è arrondissement de Paris, jusqu'à 15 janvier
2017.
Quelques
mots de présentation, d'abord, tirés de la présentation sur le site de l'I.C.I :
"Les
graines dont parle cette exposition à l’Institut des Cultures d’Islam sont
celles du couscous. Ce plat emblématique des pays méditerranéens, élu à
plusieurs reprises, "plat préféré des français" est exploré dans
cette exposition dans sa dimension symbolique. Le couscous sous-tend des
questions culturelles, sociales et politiques : le partage, la famille, l'exil,
le genre, l'héritage, le colonialisme, etc. Les artistes choisis pour cette
exposition explorent la simplicité de la forme de la graine, la détournent et
exploitent son potentiel symbolique.
Une
programmation de concerts, projections, pièces de théâtres et bien d'autres
événements festifs et moments de partage est proposée autour de l'exposition :
le collectif Mix ta race animera tout un week-end, concert de la chanteuse
lyrique Sandra Bessis (musique judéo-espagnole, judéo-arabe et arabo-andalouse)
dans l’Église Saint-Bernard pour la Fête des Vendanges, pièce de théâtre : Moi, le couscous et Albert Camus
du collectif Teatro delle Ariette, ciné-couscous au Louxor et conférences et
débats avec notamment une table-ronde sur le couscous d’un point de vue sociologique
et historique."
On
peut voir aussi une présentation dynamique de l'exposition, avec défilé
d'images sur
ce lien .
Ensuite,
quelques souvenirs marquants de la visite de l'exposition.
Tout
d'abord, sa modernité qui n'était pas évidente autour d'une matériau - la
graine du couscous - traditionnel s'il en est. Ainsi, j'ai assisté à un
"tableau vivant" avec la performance de Ninar Esber, d'origine
libanaise, procédant au tri méticuleux de grains de maïs : discrimination
envers les minorités ? Répétition absurde évoquant le quotidien dévolu aux
Femmes ou une bureaucratie sans âme ? Toutes les interprétations étaient
possibles. La plaquette de présentation évoque aussi "la fermeture des
frontières", "les processus de séparations communautaires",
thématique correspondant certainement à la sensibilité d'une partie du public
de l'exposition, même si bien sûr on peut ne pas s'y reconnaitre. Dans une
autre salle, une multitude d'écrans permettait de suivre toutes les étapes de
la préparation traditionnelle du couscous et d'autres aliments, graines passées
au tamis, blé trié, pâte à pain malaxée, sucre concassé ... L'artiste qui nous
proposait ce "happening vidéo", Ymane Fakhir, d'origine marocaine,
nous a expliqué qu'elle voyait son travail comme une pérennisation d'une
mémoire en péril, celle d'un monde qui risque de disparaitre.
Mehdi
Georges Lalou a réalisé une œuvre aussi impressionnante qu'originale, une immense
structure murale faite en graines de semoule, en partie lacunaire et qui évoque
une reconstruction archéologique.
Zoulikha
Bouabdellah, elle aussi d'origine marocaine, présentait un triptyque de
photographies en forme de clin d'œil, avec couscoussiers et évocation des
fameux trois singes dont l'un ne voit rien, l'autre n'entend rien et l'autre ne dit rien (voir photo ci-dessus).
Pour
finir, trois artistes évoquaient des conflits contemporaine concernant le monde
musulman ... et ses voisins proches. Une œuvre monumentale nommé
"Beiti" (ma maison, en hébreu et en arabe) reconstituait à l'aide
d'épices colorées un carrelage de sol, comme s'il était fait de ciment peint
(voir photo ci-dessous). Mais en même temps - et c'était l'intention de
l'artiste, Laurent Mareschal - voulait être évoquée "la situation entre
Palestiniens et Israéliens ; deux peuples qui se disputent un même territoire
chaque jour plus morcelé".
Mircea
Cantor - né en Roumanie, et qui expose à Tel Aviv - proposait une autre
réalisation très originale, sous la forme d'une rosace enserrant des couscoussiers
de tailles diverses ; et dont on découvre, en y voyant de plus près, qu'ils
ont été percés de munitions en or et en béton. Enfin, dernière "œuvre",
en fait une série brute de produits alimentaires dans leur conditionnement
d'origine", "Produits de Palestine" : Jean-Luc Moulène, figure
connue de l'Art contemporain, a voulu par ces photographies "assurer une
circulation symbolique à des produits n'ayant pas accès au marché
international". Un mot de commentaire personnel à ce sujet : certes, on
peut regretter les entraves administratives, ou le retard économique qui
limitent le progrès économique dans les Territoires palestiniens, mais il est
inexact de dire que les exportations y sont quasi nulles ; lire ce document
officiel publié
par le Quai d'Orsay.
J.C