Introduction
La mort de Malek
Chebel, anthropologue, militant d'un "islam des lumières" défendu
dans le contexte affreux que nous connaissons, m'a bien sûr empli de tristesse.
Tristesse de voir partir un homme d'une telle qualité, d'un cancer à 63 ans. Mais
tristesse aussi parce que je n'aurais jamais eu le plaisir de le recevoir à mon
émission. Sa mort fut un choc pour moi, mais pas vraiment une surprise : notre
station avait reçu son dernier livre, "Mohammed prophète de l'islam",
et je comptais - enfin - le recevoir pour en parler dans mon émission. Mais son
attachée de presse m'avait dit qu'il était sérieusement malade et hospitalisé,
sans donc qu'on puisse fixer de date pour un rendez-vous ; je pressentais donc
ce genre de mauvaise nouvelle. Hélas, deux ans après Abdelwahab Meddeb, ce sont
vraiment les meilleurs qui partent en premier !
Je reproduis
ci-dessous l'article publié en hommage par le journal "Le Monde", immédiatement
après sa mort. J'ajouterai que, dans cet article comme dans tous les autres,
est oublié un ouvrage iconoclaste de Malek Chebel, et où il fit vraiment preuve
de courage : "L'esclavage en terre d'islam" (éditions Fayard, 2007) ; en effet, il osa aborder dans cette étude historique ce qui reste vraiment un tabou, chez les Musulmans mais aussi
pour le monde universitaire français. J'avais eu le plaisir de l'entendre
présenter ce livre il y a quelques années, et ce fut la seule occasion pour moi
de le voir et d'échanger quelques mots avec lui.
J.C
Mort de
l’anthropologue Malek Chebel, défenseur d’un « islam des Lumières »
Il était notamment l’auteur de « L’islam pour les
nuls » et « Le Coran pour les nuls », qui s’étaient arrachés
dans les librairies après les attentats de janvier 2015.
L’anthropologue des religions et
psychanalyste algérien Malek Chebel, défenseur d’un « islam des
Lumières », est mort des suites d’un cancer, samedi 12 novembre
au matin, à l’âge de 63 ans, a appris l’Agence-France -presse (AFP) auprès de
sa famille .
« Malek Chebel, c’était l’islam des Lumières et
la modernité. Son œuvre dit quel doit être notre ouvrage : bâtir l’islam
de notre temps », a tweeté
le premier ministre Manuel Valls . Pour Anouar Kbibech, président du Conseil
français du culte musulman (CFCM), interrogé par l’AFP, sa disparition
constitue « une grosse perte pour l’ensemble des musulmans de
France ».
Il sera enterré en Algérie, après une probable
cérémonie en région parisienne, lundi, a précisé à l’AFP son fils Mikaïl
Chebel.
Trente-cinq livres publiés
Arrivé à Paris en 1980 pour préparer un doctorat
en psychopathologie et psychanalyse, après une licence de psychologie clinique
à Constantine (Algérie), Malek Chebel voulait contribuer , par ses études, à voir
l’Orient et l’Occident s’éloigner des « lieux de confrontation »
où les extrémistes voulaient les conduire .
Il « a appris le dictionnaire »
français en arrivant en France « pour s’approprier les mots, la
langue », a raconté à l’AFP son ami Hichem Ben Yaiche. « Il
avait une capacité de travail inouïe », avec trente-cinq livres publiés
et cinq prévus pour la seule année 2016. Il voulait « ratisser
plusieurs thématiques », dans « une quête d’identité
personnelle », selon ce proche.
Parmi ses livres, L’islam pour les nuls et Le
Coran pour les nuls s’étaient arrachés dans les librairies après les
attentats de janvier 2015. Il a aussi traduit le Coran et publié, entre
autres, Mohammed, prophète de l’islam, L’islam et la raison, L’Erotisme
arabe, ou L’islam en 100 questions.
Face au « détournement de l’islam »
par ceux qui ont alimenté sa « dérive sectaire » et
djihadiste, Malek Chebel a donné naissance au concept d’« islam des
Lumières » pour « dire que l’islam n’est pas extrémiste, qu’il
n’est pas ce qu’on peut dire à travers les actes de quelques fous de
Dieu », a expliqué Hichem Ben Yaiche.
Chevalier de la Légion d’honneur
Selon le président du CFCM, Malek Chebel proposait « une
démarche innovante, une lecture contextualisée des préceptes de l’islam et de
la pratique religieuse ». Et il avait « un rôle
précurseur » avec « des analyses pertinentes, notamment sur la
place de la femme dans l’islam, de la conception, de la relation de l’homme au
plaisir d’une manière générale », des thèmes qui « apportaient
une certaine fraîcheur à la vision que pouvait avoir la société française sur
la religion musulmane », a souligné Anouar Kbibech.
En 2008, Malek Chebel avait été décoré chevalier
de la Légion d’honneur par Nicolas Sarkozy , alors président de la République. « Grâce
àvous , la France découvre, ou redécouvre, un islam qui connaît et aime la vie,
le désir, l’amour, la sexualité », avait déclaré M. Sarkozy.
Le Monde.fr avec AFP
12 novembre 2016