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08 février 2007

Au nom de Dieu, on voile, on tue, on brûle, on lapide – Fadela Amara et Mohamed Abdi

Fadela Amara
Introduction :
Voici que l’on reparle de l’affaire des caricatures de Mahomet, à l’occasion du procès intenté contre « Charlie Hebdo » par la Grande Mosquée de Paris et l’UOIF. Les deux dirigeants de « Ni putes ni soumises », la présidente Fadela Amara et le secrétaire général Mohamed Abdi, ont exprimé très clairement leur soutien à l’hebdomadaire, dans un « Rebond » publié dans le journal « Libération ». Vous en trouverez ci-dessous le texte intégral. A noter que ce quotidien a sorti un numéro spécial en soutien lui aussi à son confrère, et abondamment illustré ... j’y reviendrai plus tard, car il est riche en informations !
J.C

Les violences faites aux
femmes sont l'un des aspects les plus criants de ce que notre société peut produire de pire. C'est pour dire non à la dégradation lancinante que subissaient les filles des quartiers que nous avons lancé ce cri de colère «Ni putes ni soumises». Qu'est ce donc ce cri si ce n'est le combat pour la liberté et l'émancipation de tous. Ici et là-bas. Comment notre société peut-elle tolérer que Sohanne ou Chahrazad soient brûlées par un garçon en plein coeur de leur quartier ? Au nom de qui ?
Que dire de cette cohorte de jeunes filles mariées de force ou menacées de mariages que nous accueillons dans nos permanences tous les jours. Au nom de qui ?
Comment ne rien dire face à ces attaques de clinique qui pratiquent les IVG aux Etats-Unis ou en Pologne ? Au nom de qui ?
Comment accepter que des femmes tadjiks aient recours a l'immolation pour échapper à un quotidien, à une oppression et des violences quelles ne supportent plus. Au nom de qui ?
Comment tolérer que des femmes au Moyen Orient soient lapidées ou pendues parce qu'elles auraient enfreint la loi des hommes. Au nom de qui ?
Comment pouvons-nous dormir avec l'idée que des femmes soient gavées tel des oies de Noël, en Mauritanie, parce que, plus elles sont grosses, plus la dote de mariage sera importante ? Au nom de qui?
Comment pouvons-nous accepter qu'Hina en Italie ou Padima en Suède soient victimes d'un crime d'honneur de la part de leur père parce qu'elles fréquentaient un jeune d'une autre confession. Au nom de qui ?
La liste est longue. Nous pourrions aussi parler de la Chine, de l'Amérique latine , de l'Inde, de l'Europe de l'Afrique mais aussi de la France. Autant de pays et continents où la femme peut être battue, brûlée excisée, vendue tuée dès la naissance.
Alors oui ! la question est posée. Au nom de qui s'arroge-t-on le droit de disposer de la vie des femmes ou de les maintenir dans un statut de perpétuelle mineure.
Au nom de la tradition, certes. Mais derrière cela, et souvent de manière fort, hypocrite se cache le véritable «au nom de qui». Au nom de Dieu !
Oui, aujourd'hui au nom de Dieu, on voile, on tue, on brûle, on lapide des femmes ! Au nom de Dieu, on dicte un mode de vie, on dévoie la culture, on légitime la régression.
Ce «on» n'est autre que les sinistres «apôtres» des mouvances intégristes qui ont décidé de mettre nos sociétés en coupe pour mieux les contrôler, pour imposer des diktats religieux qui n'ont d'ailleurs rien à voir avec les préceptes des religions qu'ils entendent défendre et dont ils sont pour la plupart ignares. Ces gens-là ne sont pas des religieux. Ce sont des militants politiques qui entendent nous imposer un modèle totalitaire en instrumentalisant les institutions démocratiques. Que s'est-il passé pour que certains connus et reconnus pour leur engagement démocratique cèdent à cette tentation ?
On ne peut que s'étonner donc du procès inique fait à Charlie Hebdo. Ce journal a été à tous les rendez-vous pour soutenir la justice, la liberté, l'émancipation et la lutte contre le racisme et l'antisémitisme. Il a hissé le combat pour le progrès de l'humanité au-dessus de toute autre considération.
Charlie est provocateur et populaire. C'est un poil à gratter. Tant mieux ! Ce sont la non-critique, le non-dit, le non-débat qui sont source de confusion. Sans aucune hésitation, Ni putes ni soumises soutient Charlie Hebdo. Au nom de qui ? Au nom du vivre ensemble et la démocratie !

Fadela Amara et Mohamed Abdi
« Libération », le 7 février 2007