L'Alhambra de Grenade
(photo Jean Corcos)
Sur presque tous les
continents, la civilisation islamique a laissé l’héritage d’un passé souvent
resplendissant. Toutes ces villes riches d’un patrimoine historique valent
indéniablement le détour car elles possèdent des merveilles architecturales
reconnues mondialement. En cette période estivale, redécouvrir la diversité et
l’originalité de cet héritage souvent méconnu, apparaît donc indispensable. De
Grenade, en Espagne, où la citadelle de l’Alhambra s’étend dans des tons rouges
à l’heure du coucher du soleil, en passant par l’emblématique médina de Fès,
par les majestueux iwans de la Mosquée du Vendredi à Ispahan, les dynasties
musulmanes se sont distinguées par leur raffinement architectural. Plus à
l’est, la découverte de Samarcande, ville qui inspira Amin Maalouf dans son
ouvrage du même nom, en époustouflera plus d’un, tout comme la majestueuse
Istanbul ou Le Caire, l’un des plus grands centres islamiques mondiaux, sans
oublier Jérusalem, ville sainte et envoûtante. Gros plan sur sept des plus
belles perles du monde musulman.
Fès
Fès est la deuxième plus grande ville du Maroc. Sa médina, la plus vieille et la plus grande du monde avec celle de Tunis, est l’exemple modèle de la ville orientale. Celle-ci est d’ailleurs placée sous la protection de l’UNESCO. La ville a été fondée par Idris Ier en 789. Les sources d’eau aux alentours de la ville ont sans doute été un critère important lors du choix de l’édification de la ville. Fès se trouve à un emplacement très avantageux au Maroc, au croisement des routes commerciales importantes, au cœur d’une région généreuse en matières premières (pierre, bois, argile). C’est ce qui lui a permis de se développer très rapidement. Son rayonnement international passé en fait l’une des capitales principales de la civilisation arabo-musulmane. Le bleu des célèbres céramiques est l’un des symboles de Fès. La ville, qui fut pendant plusieurs siècles une capitale politique et intellectuelle du Maroc, est aujourd’hui un centre de rencontres et d’échanges. Des Idrissides aux Alaouites, des Andalous aux Juifs, toutes les dynasties et tous les peuples ont laissé leur empreinte sur la ville.
Grenade
Située dans le sud de l’Espagne, au pied de la Sierra Nevada, Grenade est la véritable perle de l’Andalousie. Elle concentre un patrimoine exceptionnel classé par l’UNESCO, notamment pour son héritage de l’époque nasride (1238-1492), qui laissa les traces somptueuses d’un passé faste. Les petites ruelles grenadines ; les Banuelos, magnifiques bains arabes datant du XIe siècle restaurés récemment ; l’Albaicin, ancien quartier arabe labyrinthique aux maisons blanches de style mauresque font la beauté de cette ville. Le moment le plus grandiose de la visite sera la découverte de l’Alhambra, énorme citadelle qui domine Grenade. L’extérieur de la forteresse, très sobre, contraste avec l’aspect intérieur à la décoration foisonnante. Ce palais, construit par la dynastie nasride à partir de 1238, compte de nombreuses salles rectangulaires organisées autour de cours intérieures. L’Alhambra prendra des allures fabuleuses au moment du coucher du soleil : elle tient d’ailleurs son nom Alhambra (la rouge), de la couleur que prennent ses parois à la tombée de la nuit.
Ispahan
«Ispahan a des tons bleus, si puissants et si rares que l’on songe à des pierres fines, à des palais en saphir, à d’irréalisables splendeurs de féeries…» écrivait l’académicien Pierre Loti dans son livre Vers Ispahan (1904). Ville d’Iran, Ispahan se situe au sud de Téhéran. Elle est l’un des centres majeurs de l’industrie et de l’enseignement du pays. En 1598, le souverain safavide, le shah Abbas 1er le Grand, transfère sa capitale de Qazvin à Ispahan, où il entreprend de grands travaux. Il aménage même, au centre de la ville, un terrain de polo et fait ériger quatre ensembles monumentaux, quatre portes conduisant à la mosquée de l’Imam, à la mosquée du Cheykh Lotfollah, au bazar et au Palais Ali Qapu. Les nombreux monuments islamiques construits entre le XIe et le XIXe siècles font d’Ispahan l’un des joyaux du Moyen-Orient. La place Naghsh-e Jahan est classée au patrimoine mondial de l’humanité. Parmi les lieux incontournables d’Ispahan, on retrouve la Mosquée du Vendredi qui est l’une des architectures les plus complexes des arts de l’islam ainsi que le palais de Chechel Sotoun, monument majeur du shah Abbas II qui était utilisé pour les cérémonies de couronnement.
Istanbul
Istanbul, «la Sublime porte» ottomane, porte bien son surnom. Cette ville où règne une effervescence perpétuelle, située à cheval sur le détroit du Bosphore, offre au visiteur des splendeurs qu'elle accumule depuis des siècles, étant passée sous les influences consécutives des Byzantins (324-1453) et des Ottomans (1453-1923), avant de perdre son statut de capitale sous la République que l'on connaît aujourd'hui. Les visiteurs s'émerveilleront en découvrant les vestiges du passé notamment ottomans : palais comme celui de Topkapi (construit à partir de 1459), qui fut résidence des Sultans, mosquées remarquables dont l'une des plus connues est la magnifique Süleymaniye, construite par le célèbre architecte ottoman, Mimar Sinan, entre 1550 et 1557. Les visiteurs pourront aussi se rendre dans le quartier d'Eyüp Sultan, haut lieu de pèlerinage particulièrement fréquenté pendant le ramadan, d'où ils pourront admirer sur les hauteurs de la ville l'immense Istanbul qui s'étend à leurs pieds.
Jérusalem
Cette ville «trois fois sainte» rassemble le troisième lieu saint de l’islam, ainsi que les lieux les plus sacrés des religions juive et chrétienne. Jérusalem, protégée par les collines arides de Judée, tient une place particulière en islam puisqu’elle est considérée par les musulmans comme la ville d’où le Prophète fit son voyage nocturne. Elle fut par ailleurs la première des deux qiblas (direction vers laquelle les musulmans se tournent pour prier). Cette ville cosmopolite – elle abrite aujourd’hui des populations très hétérogènes de confessions chrétienne, musulmane, juive et d’origine arménienne – réunit un patrimoine fabuleux, notamment dans la vieille ville, qui paraît hors du temps. L’héritage des dynasties omeyyades et mameloukes est présent partout dans la ville, mais ce sont la mosquée al-Aqsa (construite au VIIe siècle) et le Dôme du Rocher (achevé en 691) visible de tout Jérusalem grâce à son dôme recouvert d’or en 1965 par le roi Hussein de Jordanie, situés sur l’esplanade des mosquées, qui sont les plus emblématiques.
Le Caire
L’histoire islamique du Caire débute aux prémices de l’islam, lorsque le calife Omar partit à la conquête des régions voisines. Ainsi, en 640 est édifiée la ville de Fustat, sur l’actuel vieux Caire, où est construite la première mosquée située sur le sol africain. L’un des plus anciens et des plus vaste édifices de la ville est la mosquée Ibn Tulun datant du IXe siècle, dont le minaret, en spirale, rappelle celui de la mosquée de Samarra en Irak. La visite de ce lieu au style dépouillé devra bien sûr être complétée par celle d’al-Azhar (970-972), véritable havre de paix dans la bouillonnante capitale égyptienne. Al-Azhar est l’une des principales et des plus anciennes universités de l’islam. Toujours au cœur du Caire islamique, s’étend le Khan al-Khalili, un souk mondialement connu, qui vient lui aussi témoigner de la splendeur de l’ère fatimide (909-1171) et du rayonnement commercial, culturel et stratégique que connut la ville jusqu’à la période mamelouke.
Samarcande
Samarcande est la capitale de la région administrative homonyme ouzbeke. Son nom signifierait «lieu de rencontre» ou «lieu de conflit», comme pour sa position, à la limite des mondes turc et persan. Samarcande a été proclamée en 2001 par l’UNESCO carrefour des cultures et site du patrimoine mondial. Celle qui s’est aussi appelée Afrasiab, à l’ère antique, fut conquise par les Arabes en 712 et brilla sous le règne des Samanides. Les monuments édifiés par les Timourides font la gloire de la cité. Oulough Beg, petit-fils de Tamerlan, prince et astronome, y a fait d’ailleurs construire un observatoire. La structure timouride de ses mosquées, de ses medersas et de ses mausolées est fondamentale dans l’art et l’architecture de l’islam. A travers les âges, la ville fut traversée par nombre de civilisations : arabe, chinoise et persane. Samarcande conserve en héritage des monuments et œuvres d’art parmi les plus beaux d’Asie occidentale mais aussi des infrastructures scientifiques de renom comme l’observatoire d’Oulough Beg.
Emmanuelle Grimaud,
Zaman France, le 26 juillet
2012