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22 novembre 2006

Après l'assassinat de Pierre Gemayel : terreur sur le Liban

L'ancien président libanais Amine Gemayel et son fils Pierre.
Pierre Gemayel, ministre de l'industrie, a été
assassiné mardi 21 novembre
(photo tirée du site www.meib.org)

Il y a quelques semaines, je recevais le journaliste franco-libanais Chawki Freiha et nous avions parlé de son pays (voir post du 31 octobre). Échangeant des mails il y a quelques jours, je lui faisais remarquer que notre émission avait peut-être été programmée trop tôt, car l’Histoire s’est accélérée depuis - Hassan Nasrallah, le redoutable chef du Hezbollah, venait de commencer une campagne de chantage, disant en gros : « ou bien vous nous donnez une minorité de blocage dans le gouvernement, ou bien il n’y aura plus de gouvernement possible ». Et, dans la foulée, les cinq ministres chiites démissionnaient du cabinet Siniora. Avec le départ d’un ministre chrétien favorable à la Syrie, et après l’assassinat hier de Pierre Gemayel, jeune ministre de l’industrie de 34 ans, le gouvernement risque très vite de tomber pour des raisons d'arithmétique constitutionnelle. Ainsi, qu’il s’agisse d’une initiative du redoutable Nasrallah, d’une action téléguidée de Damas, de Téhéran ou des deux à la fois, le cauchemar d’une gouvernement pro-occidental renversé et d’un Liban satellisé par les plus extrémistes du monde musulman risque de devenir réalité !

Je vous parlais ici la semaine dernière du site http://www.mediarabe.info/ que venait de lancer Chawki Freiha avec des amis journalistes, et je vous invite à le suivre en ces jours terribles : faisant preuve de beaucoup de lucidité, il titrait déjà mercredi dernier de manière prophétique : "le Liban au bord du précipice" ! Pour lui, les choses sont claires : la Syrie est en train de reprendre la main à Beyrouth, après en avoir été chassée suite à l’assassinat de l’ex-premier ministre Rafic Hariri et au « mouvement du 14 mars ». Parlant des tentatives américaines et européennes d’amadouer Damas, il avait dit - de façon très imagée - à mon micro qu’il ne fallait pas chercher à « appâter » ce pays : « la Syrie, elle mange l’appât et elle pisse sur l’hameçon ! ».
A propos des menaces syriennes, je me souviens de l'interview de Walid Joumblat au « Wall Street Journal » en pleine guerre entre Hezbollah et Israël, interview dont je vous avais donné une traduction partielle sur le blog. Le leader druze y disait en particulier :
« J’ai peur qu’à cause du chaos au Liban aujourd’hui, la Syrie essaye d’assassiner des gens ici, moi y compris, mais aussi le Premier Ministre Siniora (...) Ou il survivra, ou nous devrons accepter le coup d’état fomenté par la Syrie et l’Iran ».
Dans ce même post, je vous donnais aussi un lien sur les biographies des principales personnalités politiques libanaises : je vous invite à vous y référer à nouveau, alors que la famille Gemayel vient à nouveau d’être durement frappée. Et je me souviens comme d’hier de l’assassinat de Béchir, assassiné déjà par les pro Syriens qui ne l’ont pas laissé signer la Paix avec Israël au lendemain de la campagne du Liban à l’été 1982. Le jeune Pierre a été tué à peu près au même âge que son oncle. Il portait le prénom de son grand-père, « Cheikh Pierre », le fondateur du grand parti chrétien des Kataeb. L’orientaliste franco-libanais Antoine Sfeir m’avait confié que l’héritier Gemayel était particulièrement brillant ... encore une dynastie brisée, et les biographies que vous lirez retracent en lettres de sang l’Histoire contemporaine du « Pays du Cèdre », avec le lugubre cortège des personnalités assassinés appartenant aux grandes familles Chamoun, Gemayel, Frangié et Joumblat. Plus près de nous, l’année 2005 avait déjà été marquée par d’autres évènements tragiques sur la scène libanaise, qui ont été rapportés sur le blog : l'attentat contre May Chidiac, journaliste vedette de la télévision libanaise ; et l'assassinat de Gebrane Tueni

Enfin et parmi les condamnations unanimes de cet assassinat, j’ai relevé dans le journal « Haaretz » les propos de Tzipi Livni, ministre israélien des affaires étrangères, propos tenus lors d’une conférence de presse conjointe avec son homologue à Londres, où elle était en visite : « Ce meurtre illustre le combat en cours entre modérés et extrémistes dans la région » (...) « Ces nouvelles du Liban sont un exemple de ce que nous avons en face de nous (...) le rôle négatif de la Syrie n’est ni nouveau, ni top secret ».

J.C