Pascal Bruckner
«Ce que les agents d'influence de l'islamisme ne
tolèrent plus des curés ou des pasteurs, ils l'acceptent des mollahs ou des
imams. Et veulent imposer à tous ce point de vue», écrit le philosophe
Les uns par anticapitalisme, les autres par
tiers-mondisme, les troisièmes par haine de la France, d'autres par aversion
d'Israël ou des juifs: autant de motivations qui structurent ce qu'on appelle
l'islamosphère. Laquelle n'a rien à voir avec cette «fascination de l'islam»
dont parlait l'orientaliste Maxime Rodinson et qui a touché les grandes figures
de notre culture, Montesquieu, Voltaire, Napoléon ou Michelet, admiratifs de
Mahomet ou éblouis par les fastes de l'Empire ottoman. Dans cette famille, il faut
distinguer entre les idiots utiles et les esprits forts répétant à l'envi que
l'islamisation est un faux problème: c'est la position depuis toujours d'un
Olivier Roy, écrivant en 2014 que «le bla-bla pseudo-érudit sur les racines
coraniques du terrorisme n'a aucun intérêt», ou accusant le philosophe Robert
Redeker, menacé de mort en 2006 après un article dans Le Figaro, d'avoir
«chatouillé la fatwa». Il y a enfin les vrais complices, les agents d'influence
aux ordres des Frères musulmans ou des wahhabites, Edwy Plenel, capo dei capi,
Vincent Geisser, François Burgat et autres. L'islamosphère entend contrôler
toute parole sur la religion du Prophète pour l'exonérer de ses responsabilités
dans les crimes djihadistes et les imputer aux seules nations occidentales,
coupables par essence.
«Ils haïssent la
France non parce qu'elle opprimerait les musulmans, mais parce qu'elle les
libère»
La gauche
extrême qui a tout perdu, l'Union soviétique, le tiers-monde, la classe
ouvrière, voit dans l'islam radical un prolétariat de substitution à mobiliser
contre les forces du marché. Ce que l'on ne tolère plus des curés ou des
pasteurs, on doit l'accepter des mollahs ou des imams, incarnation d'une
religion «opprimée». Ainsi ce «progressisme halal» n'hésite-t-il pas à piétiner
ses propres valeurs, à tomber dans une idolâtrie sans faille pour le voile
islamique, à s'enticher de toute la vêture des barbus comme on s'extasiait au
XIXe siècle sur les odalisques et les harems. Le sociologue Raphaël
Liogier ne compare-t-il pas les salafistes aux amish, cette pittoresque tribu
d'Amérique du Nord abonnée aux carrioles à cheval et aux robes à crinoline?
Dénoncer le
viol, s'il est commis par des immigrés, est un acte raciste comme l'explique
Caroline de Haas. D'autant que ces agressions, confirme le sociologue Eric
Fassin, sont des actes politiques dirigés contre des femmes blanches
dominantes. Quel spectacle cocasse de voir des intellectuels faire la leçon
dans les médias à des Françaises musulmanes soucieuses de se dévoiler et de vivre
comme des personnes libres! Comment osent-elles? A nous les affres de la
liberté, l'égalité entre les sexes, le droit de déserter des vérités admises. A
vous la soumission aux hommes, la religion imposée, le blasphème sanctionné, le
crime d'apostasie.
Ex-communistes,
trotskistes, maoïstes rivalisent dans leur allégeance à la bigoterie pourvu
qu'elle soit portée par les adeptes du Coran. Ils haïssent la France non parce
qu'elle opprimerait les musulmans, mais parce qu'elle les libère. Dès lors,
l'ennemi à leurs yeux devient la laïcité et surtout les dissidents de l'islam
qui veulent en finir avec la chape de plomb cléricale, avoir le droit de croire
ou de ne pas croire, de vivre comme
ils l'entendent.
Ces récalcitrants, il faut les punir, les clouer au pilori, tel Alain Gresh
fustigeant devant des sénateurs l'imam Chalghoumi, dit «l'imam des juifs»,
lui-même sous le coup d'une fatwa, ou Pierre Tevanian traitant le philosophe
Abdennour Bidar de fasciste…
L'Histoire
retiendra que, face à la Peste verte, les islamo-poujadistes, de Mediapart à
Alain Soral, du Bondy Blog et du NPA à Dieudonné, se sont prosternés comme
leurs prédécesseurs du XXe siècle face au nazisme et au communisme. Dans
notre belle République, les collabos aiment à se parer du masque des rebelles.
Pascal Bruckner,
Le Figaro, 6 octobre
2017
Auteur d'Un racisme
imaginaire, Grasset, 257 p., 19 €.