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29 juin 2008

Nicolas Sarkozy sur les conditions d’une paix israélo-palestinienne : deux phrases importantes et qui n’ont pas été relevées

J’ai publié il y a deux jours l’hommage d’André Nahum au discours de Nicolas Sarkozy, avec lien sur le texte complet et la vidéo. Ne revenons pas sur les éloges appuyés au peuple juif et au Sionisme - autant d’amabilités qui ont du donner de l’urticaire aux pourfendeurs professionnels de l’État hébreu, se recrutant dans toutes les corporations et dans tout le spectre politique, de l’extrême gauche à l’extrême droite ... M° Gilles William Goldnadel, président de l’Association France Israël et que l’on ne peut accuser, sans rire, de complaisance lorsqu’il s’agit de juger la diplomatie française, a dit ce vendredi 27 juin au micro de mon confrère Michel Zerbib de Radio J, qu’au final on pouvait parler de « verre à moitié plein » en raison des marques de soutien aux Palestiniens exprimées dans le même discours : « Il ne peut y avoir de paix sans l’arrêt total et immédiat de la colonisation » ; « Il ne peut y avoir de paix, même si je sais combien le sujet est douloureux, sans la reconnaissance de Jérusalem comme capitale de deux États et la garantie de la liberté d’accès aux Lieux Saints pour toutes les religions ». Mais, ajoutait-il aussitôt, on peut juger le verre plus à moitié plein qu’à moitié vide, en raison de la forme, qui justement a tellement d’importance au Moyen-Orient.
Je me permettrai, cependant, d’aller un peu au-delà de cette appréciation, en vous invitant à lire et à interpréter les sous-entendus de deux phrases, aussi importantes que négligées par les commentateurs.

1. Sur les réfugiés palestiniens.« Il ne peut y avoir de paix sans que soit résolu le problème des réfugiés palestiniens dans le respect de l’identité et de la vocation d’Israël. »
Un petit rappel : la position de tous les négociateurs palestiniens, depuis les négociations de Camp David à l’été 2000 jusqu’à aujourd’hui et d’Arafat jusqu’à Mahmoud Abbas, est que tous les « réfugiés palestiniens » (comprendre les survivants de l’exode de 1948 et toutes les générations nées ensuite en dehors d’Israël, et qui constituent la quasi-totalité des 4 millions concernés) doivent avoir le droit de retourner tous dans l’État juif. Donc, et ainsi, de le détruire tranquillement par simple effet démographique.

En parlant du respect de « l’identité et de la vocation d’Israël », Nicolas Sarkozy a dit, en creux, qu’il avait été crée pour être un État juif et qu’il devait le rester. Là-dessus, ce n’est pas la première fois qu’il aborde cette question de fond et qui fait plus que douter de la volonté de paix de la partie palestinienne : j’avais d’ailleurs relevé sur mon blog un important article du « Haaretz » il y a quelques mois - voir en lien ici -, où il s’exprimait encore plus nettement. Et puis, on rappellera que le fait qu’Israël est et doit rester un État juif, a été à maintes fois souligné par d’autres chefs d’état occidentaux ; ou que les « paramètres de Clinton », en décembre 2000, disaient clairement que le fameux « droit au retour » des réfugiés palestiniens n’était pas possible (Arafat lança une Intifada sanglante justement parce qu’il ne pouvait pas l’accepter) ; ou que dans sa fameuse « lettre à Ariel Sharon » du printemps 2004, Georges W. Bush le mentionnait aussi. Il n’empêche : aucun responsable politique français, ni de droite ni de gauche, n’avait dit franchement ce qu’il pensait de cette revendication palestinienne ; et nos médias nationaux - je l’évoquais déjà dans mon article précité - ne veulent pas en parler !

2. Sur les frontières définitives.« Il ne peut y avoir de paix sans une frontière négociée sur la base de la ligne de 1967 et des échanges de territoires qui permettront de construire deux États viables. »
N’en déplaise, malheureusement, à une majorité de blogs et sites communautaires, la « ligne de 1967 » (à noter que Sarkozy ne parle pas de « frontières » mais de « ligne », car il s’agissait bien d’une ligne de cessez-le feu avec la Jordanie) est prise comme référence pour les négociations sur les frontières finales ; et cela, aussi bien dans les fameux « paramètres de Clinton » rappelés ci-dessus, ou dans la déclaration d’Annapolis, ou dans le fameux « Plan de paix saoudien », etc. Seulement - et depuis les négociations de l’été 2000 à Camp David -, il y a eu introduction d’une notion neuve et qui apporte - enfin - de la souplesse aux négociateurs, pour peu que les deux parties fassent preuve de bonne volonté : celle « d’échanges de territoires », qui permettrait de résoudre une ambiguïté redoutable de la résolution 242 du Conseil de Sécurité de l’ONU, vraie pierre angulaire de l’infiniment lent « processus de paix » : une résolution qui, à la fois, ne se réfère pas aux lignes de 1967 comme frontière légale, et en même temps considère comme inadmissible « l’acquisition de territoires par la force ».

Mais pourquoi de tels échanges sont-ils absolument vitaux, du point de vue israélien ? Rappelons que la 80 % des habitants des implantations en Cisjordanie vivent à proximité immédiate de la ligne de 1967, dans des grands « blocs » qui pourraient donc être échangés contre des territoires se situant à l’intérieur d’Israël ; idem à Jérusalem Est. Arriver à un accord, c’est éviter le déracinement de centaines de milliers d’habitants dont le « retour », brutal, risquerait de créer une grave crise à la fois de logement et économique dans le pays - sans parler du risque de guerre civile ! Le refuser de façon butée, comme le fait, hélas et à nouveau, l’Autorité Palestinienne qui n’accepterait aux dernières nouvelles de négocier que ... 0,4 % de la superficie des territoires disputés, revient à réclamer une solution mortifère pour l’État juif. A nouveau, Nicolas Sarkozy s’est exprimé « en creux » : il ne parle pas - comme le président Bush dans sa fameuse lettre rappelé ci-dessus - du « maintien des grands blocs d’implantations » dans les frontières définitives d’Israël ; mais il ne dit pas non plus « corrections mineures des frontières » ; et on peut même, à propos de la mention de « deux États viables », y voir une acceptation, en creux, du refus d’Israël de rapatrier, contraint et forcé de manière brutale, des centaines de milliers de ces citoyens !

Jean Corcos