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18 août 2006

Walid Joumblat : « Si Nasrallah s'en sort par une victoire, il dictera ses conditions à l’état libanais – s’il accepte encore l’Etat »

Walid Joumblat
(photo tirée du site www.warsoflebanon.com)
 
Suite aujourd'hui de mon reporting sur les médias internationaux et la guerre du Liban. Dans le grand hôtel andalou où j’ai eu la chance de séjourner, je pouvais aussi suivre l’actualité en consultant la sélection (un peu bizarre) de journaux mis à disposition. J’y reviendrai dans de futures publications.
 
Premier quotidien découvert, le "Wall Street Journal". Sympathisant d’Israël - mais à la mode anglo-saxonne, c'est-à-dire de façon sérieuse -, publiant des « libres opinions » diverses et permettant au public d’apprendre des faits et non pas de communiquer des sentiments passionnels. Le numéro du 31 juillet publiait ainsi deux témoignages d’acteurs libanais de premier plan, le leader druze Walid Joumblat (interviewé dans son « palais forteresse » de Moukhtara), et le leader chrétien Michel Aoun. Je ne parlerai pas du deuxième, qui a opéré un revirement à 180 ° à son retour au pays l’année dernière, en concluant un « pacte » avec le Hezbollah : sa tribune libre défendait une ligne politique en faveur d'un « apprivoisement » des « Fous d’Allah » ; c’est bien (pour le principe) que le « Wall Street Journal » lui permette de s’exprimer ; sur le fond, je ne crois pas du tout à l’intégration d’une milice fanatique dans une armée régulière - dont la troupe est déjà à majorité chiite.
 
Mais revenons à Joumblat, qui est une figure bien originale de l’échiquier politique locale, et je recommande vivement la lecture des biographies en lien, sur le site d’où est tirée sa photo. Fils d’une autre figure historique, Kamel Joumblat, assassiné par El Assad père pour « trahison » au début de la guerre civile libanaise (faut-il rappeler le caractère féodal des société arabes, avec leurs leadership héréditaires obligés ?), il a débuté tout jeune sa carrière de « dauphin » en jouant la carte syrienne. D’abord en combattant les Palestiniens d’Arafat, et en conservant une neutralité de Sioux pendant l’invasion israélienne de 1982. Après le départ de Tsahal de Beyrouth, il a joué à fond et à nouveau la carte de Damas, s’accommodant très bien (comme l’ensemble du personnel politique libanais, il faut le reconnaître) de l’occupation syrienne jusqu’au début des années 2000. Et puis, peu à peu, il fit un nouveau « virage sur l’aile », rejoignant les Maronites dans le groupe informel d’opposition dit de « Kornet Chehwan » ; opposition rejointe par la communauté sunnite après l’assassinat de son leader, l’ancien Premier Ministre Rafik Hariri : à partir de février 2005, Walid Joumblat est peut-être devenu le leader libanais le plus virulent contre Damas, au point de craindre pour sa vie ... c’est alors que nous avions évoqué sa personnalité complexe et ses virages politiques lors d’une intéressante émission en juin de l’année dernière où j’ai eu comme invité à Judaïques FM, Khatar Abou Diab, politologue libanais lui aussi d’origine druze.

Michaël Young, éditorialiste du journal « Daily Star » de Beyrouth, l’a donc interviewé alors que la nouvelle guerre du Liban venait de commencer. Traduction d’extraits choisis :

« Comme je l’ai dit aux Américains, aussi longtemps que la Syrie pourra envoyer des armes au Hezbollah, il n’y aura pas de changement de la situation. Pas avec ce régime à Damas. Nous avons besoin d’une force internationale qui couvre l’ensemble du Liban, comme au Kosovo. Surveillez la frontière syrienne, et parlez ensuite. »
« Si le Hezbollah refuse de désarmer, nous allons entrer dans une phase de guerre sans limites, avec le risque d’affaiblissement de l’État libanais (...) Je doute que l’on voit une force multinationale s'il continue de résister à Israël. Si Nasrallah s’en sort par une victoire, il dictera ses conditions à l’État libanais - s’il accepte encore l’État. »
« Nasrallah attend, comme le Président de l’Iran Ahmadinejad, le 12ème Imam, le « Mahdi ». Cet aspect de la mobilisation religieuse chiite est effrayant. »
« Les destructions que nous avons supportées ne valaient pas la capture de deux israéliens, le fait d’avoir une armée privée, de décider de déclarer la Paix ou la Guerre. Mais il faudrait que cela soit un chiite qui le dise à Nasrallah ».

« Oui, j’ai entendu des rumeurs sur des Iraniens combattant aux côtés du Hezbollah. Je crois à ces histoires ».
« J’ai peur qu’à cause du chaos au Liban aujourd’hui, la Syrie essaye d’assassiner des gens ici, moi y compris, mais aussi le Premier Ministre Siniora (...) Ou il survivra, ou nous devrons accepter le coup d’état fomenté par la Syrie et l’Iran ».



« The Wall Street Journal », 31 juillet 2006, 
traduction Jean Corcos

J.C