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29 janvier 2019

Une association musulmane pour une « intégration sereine de l’islam en France »


L’essayiste Hakim El Karoui a présenté son projet d’Association musulmane pour l’islam de France, destinée notamment à réguler les secteurs du pèlerinage et du halal.
D’ici à « quelques jours », le projet porté par l’essayiste et consultant Hakim El Karoui pour favoriser « une intégration sereine de l’islam en France » entrera dans une phase concrète. 

Les statuts de l’Association musulmane pour un islam de France (AMIF), un instrument destiné à organiser et certifier les flux financiers liés au culte musulman, seront déposés. Accompagné de plusieurs des participants à l’aventure, il a présenté, lundi 21 janvier à Paris, le détail du futur dispositif dont il veut faire « un tiers de confiance au service des fidèles, sans conflit d’intérêts ».
Cette initiative répond au souhait exprimé par Emmanuel Macron dès le début de son quinquennat de voir émerger une meilleure organisation du culte musulman. « Auparavant, à mes yeux, la question religieuse était du domaine privé, a fait valoir M. El Karoui. Depuis les attentats [de 2015], ce n’est plus seulement une question privée, mais aussi politique ». Le dispositif en gestation est censé dégager le culte musulman des « ingérences étrangères », apporter transparence, « professionnalisme » et régulation aux marchés du pèlerinage et du halal, permettre à un conseil théologique de produire un discours religieux « conforme aux valeurs de la République » et étendre l’offre de formation pour les cadres religieux.

 « Notre projet s’inscrit dans la logique d’un islam indépendant financièrement et théologiquement », a résumé Tareq Oubrou, recteur de la mosquée de Bordeaux. « Nous voulons faire en sorte que nos enfants n’aient pas à se demander si leur islamité cadre avec leur francité », a ajouté Mohamed Bajrafil, imam à Ivry. Tous deux feront partie du futur conseil théologique de l’AMIF.

Pour couvrir le champ de ses missions, l’AMIF comportera en réalité deux associations. L’une, chargée des questions cultuelles, sera sous le régime de la loi de 1905, ce qui lui permettra de recueillir des dons défiscalisables et « traçables » destinés soit à l’AMIF elle-même, soit à des projets de construction de mosquée. C’est aussi elle, à terme, qui pourra allouer des financements aux questions directement cultuelles (formation et soutien aux imams). Une seconde association, loi de 1901 celle-là, interviendra sur le terrain de « la lutte contre la radicalisation, la représentation de l’islam dans les médias et sur Internet, la lutte contre l’islamophobie ».

Des agences accréditées pour le pèlerinage

Un conseil théologique composé d’imams conseillera les acteurs de ces deux associations. Il sera aussi chargé d’offrir un discours religieux « apaisant, alors que nous sommes noyés par un discours haineux de rupture », notamment sur Internet, a indiqué le théologien Tarik Abou Nour. « Nous ne cherchons pas à avoir un monopole, a précisé Mohamed Bajrafil. Nous n’avons aucun intérêt personnel dans cette affaire. Nous voulons juste travailler pour l’intérêt d’une communauté musulmane de France sans exclusion ni ingérence et pour la cohésion nationale ». Plusieurs participants ont évoqué l’idée d’un séminaire pour la formation des cadres religieux.

Comment l’AMIF compte-t-elle s’imposer dans le paysage ? En commençant par intervenir dans l’organisation du pèlerinage. Alors qu’aujourd’hui les pèlerins se heurteraient à une certaine opacité dans la formation du prix demandé par les agences et les intermédiaires mais aussi dans les prestations obtenues sur place, l’AMIF voudrait obtenir une fonction de certificateur : seules les agences accréditées par elle pourraient obtenir des visas de l’Arabie saoudite. Elle vérifierait que les agences respectent bien un référentiel d’accréditation.
Ces agences rémunéreraient l’AMIF pour cette fonction. Celle-ci offrirait par ailleurs aux fidèles des aides à la préparation du pèlerinage, des enquêtes sur les prix pratiqués, etc. Elle assisterait les agences pour négocier les tarifs d’hôtellerie et de transports. Ce schéma suppose que les autorités saoudiennes soient d’accord pour réserver les visas aux agences certifiées par l’AMIF. Cette négociation reste à conduire. Si cette étape est franchie avec succès, l’AMIF projette ensuite de se définir un rôle semblable de certificateur sur le marché du halal.

Cécile Chambraud

Le Monde, 21 janvier 2019