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06 mai 2010

Le collet de l’islamophobie, par Bernard Botturi

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Cet article bien entendu sera disqualifié par les islamistes et les idiots utiles comme islamophobe. Mais qu’est-ce que l’islamophobie ?
Ce mot est la combinaison de deux mots islam et phobie. Qu’est-ce que la phobie ? La phobie est un mot qui relève de la psychopathologie, elle désigne la peur d’un objet, d’une situation, d’un animal, d’un lieu, d’une situation sociale, etc. Cette peur atteint un degré d’angoisse si intense que la personne se trouve émotionnellement débordée, et peut être ainsi sujette à une attaque de panique. Des sentiments d’aversion de dégoût viennent colorer l’objet de la phobie. Enfin les crises phobiques étant insupportables pour la personne, celle-ci va adopter des conduites d’évitement pouvant à des degrés divers invalider sa socialisation.
Question : qui a la phobie de l’islam ? Une infime minorité de personnes névrosées, mais dont le cas relève du cabinet psy.
Le moins que l’on puisse dire est que l’expression dans son étymologie est on ne peut plus maladroite, pourtant elle est utilisée aussi bien par des musulmans intégristes qui traitent, par exemple, les jeunes femmes refusant le voile d’islamophobes, que par des universitaires dits « progressistes » qui traquent l’islamophobie dans tout discours mettant en cause l’islam. Si les islamophobes au sens strict du terme sont infimes, en revanche les termes « d’islamophobe », « islamophobie » etc. servent surtout à disqualifier tout discours critique sur l’islam. De plus, des islamistes ont réussi à faire des amalgames redoutables, tel qu’assimiler la critique de l’islam (donc islamophobe) à du « racisme ». Cela laisse rêveur, l’islam comme toutes les religions (christianisme, judaïsme, bouddhisme) est adopté par des ethnies diverses : arabes, berbères, perses, malais, indonésiens, chinois, africains, etc. Si l’islam est une race, si tant est que le terme de race ait un sens, alors il faut expliquer : visiblement nous sommes dans une guerre des mots qui tend à vouloir bâillonner toute critique de l’islam en la faisant tomber comme délit.
Nous atteignons le sommet du ridicule (ou de la manipulation) lorsque des musulmans tels Mohammed Sifaoui, Fehti Benslama, Malek Chebel, Aziz Sahiri, Ibn Warak, Mina Ahadi, Talisma Nasreen, osant dénoncer le côté réactionnaire du salafisme, prôner un Islam libéré, intégrant les valeurs démocratiques, républicaines, laïques, reclamer le droit à l’apostasie, sont accusés d’être des « facilitateurs d’islamophobie ».
L’islamophobie est un terme qui n’est ni un concept, ni même une notion, c’est un mot « container » où il est aisé de mêler dans un tout indifférencié aussi bien les vitupération d’un illuminé d’extrême droite que les prudentes critiques des dérives salafistes menées au nom de l’humanisme. Un mot dénué de toute signification, car n’importe qui peut lui faire dire n’importe quoi, n’importe comment. Il serait bon d’abandonner un terme confus qui surtout empêche tout dialogue constructif par un duel suicidant et suicidaire : islamophobes versus islamistes. Situation bloquée et bloquante.
Examinons de plus près les diverses attitudes envers l’islam. Celles-ci vont du rejet viscéral au dialogue constructif.
Tout d’abord il y un rejet de l’islam lié à l’ignorance et à la méfiance : « ce n’est pas de chez nous », rejet propre à toute société qui voit dans l’émergence d’une pensée autre une menace plus ou moins grande quant à ses identités, ses liens d’appartenance.
Il y a également ceux qui rejettent l’islam comme idéologie radicalement hétérogène aux valeurs occidentales. Ce rejet peut venir aussi bien de droite que de gauche au nom de valeurs bien différentes, car là encore les valeurs occidentales des uns ne sont pas celles des autres.
Il y a ceux qui considèrent l’islam comme une pensée de barbares conquérants, sexistes, obscurantistes.
Ceux qui voient dans l’islam une idéologie de terroristes, de subversifs qui veulent imposer un Califat mondial.
Ceux qui utilisent l’islamisme comme moyen de continuer un racisme anti-arabe au nom de la lutte contre l’islamisme, tout comme l’antisionisme est le faux nez de l’antijudaïsme.
Ceux qui prennent en compte l’émergence du fait musulman et qui s’interrogent légitimement sur comment intégrer cette nouvelle composante au sein de la communauté Europe, qui par delà un multiculturalisme plus ou moins cynique militent pour l’inter-culturalisme.
Ceux qui instrumentalisent l’islamophobie pour remettre en cause la loi de 1905 et rêvent d’un nouveau concordat.
Ceux qui s’interrogent sur un islamisme non pas fantasmé ou imaginaire mais aux effets bien réels : attentats, massacres de masses au Soudan, en Somalie, les fureurs sanglantes du GIA, fatwa contre Rushdie, Redecker, assassinat de Theo van Gogh, discours d’imams vomissant l’occident, les croisés, le sionisme ... ces mêmes personnes s’interrogent aussi sur un probable « feed back » redoutable, dont tous les musulmans ou supposés tels feraient les frais.
Il y a des musulmans militants pour un islam réformé, libéral, tout comme les chrétiens et les juifs ont connu leurs réformateurs et libéraux.
Enfin, il y a tous les autres ...
Les rapports à l’islam sont multiples, vouloir les cataloguer, les étiqueter sous la case « islamophobie » est absolument non productif, car c’est agréger des attitudes aux motivations totalement différentes :
- Celles de la méfiance populaire (répandue dans le monde entier) envers tout élément qui pourrait remettre en cause une certain consensus social.
- Celles d’un laïc, qui mesure le long travail de libération de l’emprise bien réelle du cléricalisme, et voit d’un mauvais oeil l’émergence d’un fait religieux néo-clérical qu’il croyait éradiqué.
- Celle de l’humaniste qui oeuvre à l’inter culturalisme.
Etc.
Donc nous récusons le terme d’islamophobie, pré-notion abstraite car vide de toute définition concrète. Cela dit nous ne pouvons pas empêcher l’utilisation de ce terme par les tenants de « l’islamiquement correct », de vitupérer, de m’accuser d’être un « valet du sionisme et de l’impérialisme », je connais déjà leur noms, leurs officines donc pas de surprise !
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Bernard Botturi
4 décembre 2009, publié dans « le courrier des lecteurs » du Figaro.