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07 décembre 2009

Au nom de la fraternité arabe : comment les Algériens ont fui l’Egypte

Joueur algérien après son agression en Égypte

Introduction :
Je publie avec un peu de retard cet article envoyé par mon ami de Tunis, Souhail Ftouh, après les incidents très violents entre Egyptiens et Algériens, au moment du premier tour de qualification pour le « Mondial » de football 2010. On se souvient, en effet, que l’équipe d’Algérie et ses supporters avait été agressés à coups de pierres lors de leur déplacement au Caire. La défait algérienne, le samedi 14 novembre, avait ensuite donné lieu à des manifestations violentes et à des destructions dans notre pays, surtout à Marseille, avant que le sort ne bascule à nouveau avec une victoire algérienne au Soudan - ce qui allait inspirer, à nouveau, à des manifestations de rue et des embouteillages monstres de supporters dans les villes françaises : manifestations avec drapeaux algériens que je trouve bien maladroites à l’heure où « l’identité nationale » fait débat, mais c’est un autre sujet ... Ne pensons ici qu’à l’hypocrisie de la « fraternité arabe », courageusement dénoncée par l’auteur de l’article !
J.C

Une centaine d’étudiants algériens résidant en Égypte ont décidé de fuir, traumatisés par les vexations et les menaces dont ils font l’objet depuis la qualification, au détriment de la sélection égyptienne, de l’Algérie pour la prochaine Coupe du Monde de football, rapporte le quotidien algérien El-Watan. Le 12 novembre, les supporters locaux avaient accueilli avec des pierres les joueurs de l’équipe d’Algérie venue disputer un match décisif au Caire. Une rencontre supplémentaire, organisée au Soudan, a finalement vu les « Fennecs » se qualifier.
Depuis, les Algériens installés en Égypte en subissent les conséquences. Selon le journal, des ressortissants algériens ont également été humiliés au moment de leur départ à l’aéroport. Certains racontent avoir subi deux séances de fouille corporelle d’affilée avant de pouvoir monter dans l’avion. Déshabillées et laissées nues pendant plusieurs minutes, des femmes auraient été « tripotées » par des policiers égyptiens. Et le personnel de l’aéroport aurait refusé d’acheminer les bagages des passagers algériens jusqu’à l’appareil, en les obligeant à les porter eux-mêmes sur le tarmac.

Néanmoins, une centaine d’étudiants qui se trouvaient en Égypte sont arrivés lundi à l’aéroport Houari Boumediene, à bord d’un vol de la compagnie nationale Air Algérie, à 21 heures. Les familles des étudiants ont fait le déplacement à l’aéroport pour accueillir leurs proches. Des femmes ont lancé des «youyous» en voyant leurs enfants sains et saufs. Les étudiants étaient encore sous le choc de ce qu’ils venaient de vivre en terre égyptienne.
Ils en avaient gros sur le cœur, depuis le fameux match Égypte - Algérie du 14 novembre dernier. Aïcha et Malika, deux étudiantes à l’institut d’études arabes et de la recherche du Caire, racontent leur calvaire et celui vécu par tous les étudiants qui sont actuellement en Égypte :
«Les étudiants algériens sont interdits d’accéder aux universités égyptiennes», témoigne Aïcha, en ajoutant que des chercheurs algériens en stage en Égypte ont été pourchassés par les responsables des instituts et des universités. Malika raconte que même les propriétaires de logements loués n’ont pas hésité à se joindre à l’hystérie collective en Égypte, en procédant à l’expulsion de leurs clients algériens sans aucun remboursement. «Même les commerçants refusent de vendre quoi que ce soit aux Algériens », relate encore Malika, en soulignant que ce sont des étudiants palestiniens qui ont volé au secours des étudiants algériens, notamment pour les achats ou pour les déplacements. «Ce sont nos amis palestiniens qui nous ont assuré le déplacement du lieu Maâdene jusqu’à l’aéroport». Selon certains témoignages, les étudiants algériens changent de quartier et se faisant passer pour des Tunisiens, Marocains, Palestiniens pour ne pas être agressés. B.Zerzour, un autre étudiant, a affirmé qu’il a été contraint de fuir l’Égypte en raison des pressions. Pourtant, dit-il, «je devais soutenir mon mémoire juste après l’Aïd El-Adha».
Ne supportant plus les comportements de certains Égyptiens et les humiliations, un maître assistant de l’université Ahmed Khider de Biskra, de retour à Alger, a juré de ne plus remettre les pieds en Égypte. «Si on déplace La Mecque en Égypte, je n’accomplirai pas le Hadj», a-t-il indiqué en affirmant qu’il a été jusqu’à parler le dialecte égyptien de la rue Abdine jusqu’à l’aéroport pour sauver sa peau. Une étudiante résidant au Caire a affirmé avoir reçu des appels anonymes, avec menaces de mort et injures contre sa personne et contre l’Algérie, et ce avant le match du samedi 14 novembre. Les différents témoignages recueillis auprès des étudiants font état de harcèlement moral, d’escroquerie et d’humiliations de chercheurs algériens par des responsables des universités égyptiennes.

Le comble, selon nos interlocuteurs, est que les services de sécurité égyptiens se contentaient de les recenser seulement en affirmant qu’ils maîtrisaient le situation. Pour ce qui est des agressions physiques, les étudiants rencontrés, avant-hier, ont affirmé que certains ont été agressés à El Djiza, à El Maali, mais sans gravité. Ils ont affirmé que les cas les plus graves sont ceux de deux étudiants agressés à l’arme blanche par des Égyptiens au Caire. «Ces derniers sont pris en charge par notre ambassade en Égypte», ont-ils affirmé.

Les étudiants ayant fui l’Égypte sont porteurs d’un message, plutôt d’un appel aux autorités algériennes pour aider des étudiants sans ressources à rentrer au pays. «Une quarantaine d’étudiants sont coincés au Caire et en Alexandrie », témoigne une étudiante. Elle explique que certains étudiants n’ont pas les moyens de se payer un billet pour le moment vu que leur bourse est bloquée pour des procédures de routine. Elle ajoute que ces étudiants sont dans l’incapacité de se rendre jusqu’à l’ambassade par peur d’être attaqués. Nos interlocuteurs ont également fait état d’étudiants coincés à El Maali. «Ils sont à 9 et 10 dans des appartement loués, après avoir été chassés par certains propriétaires qui leur avaient loué des appartements. Et avec la peur d’être encore une fois expulsés», relatent des étudiants encore sous le choc. Et d’affirmer que les étudiants qui sont encore coincés en Égypte demandent l’intervention des autorités algériennes pour qu’ils rentrent au pays.

Humiliations à l’aéroport du Caire

Les étudiants arrivés avant-hier ont affirmé par ailleurs avoir été humiliés par des agents de sécurité de l’aéroport du Caire : «On a été fouillées, nous et nos bagages à deux reprises», ont affirmé Aïcha et Malika en ajoutant que «des agents ont pris nos parfums, déodorants, dentifrices et même nos brosses à dents».
Une mère de famille ayant accompagné son mari en stage de deux ans a affirmé que des agents de l’aéroport ont vidé le sac à dos, contenant du chocolat de sa petite fille en la laissant hurler devant tout le monde, sous prétexte que c’est du chocolat produit en Égypte ! Une étudiante a témoigné qu’un magasin d’artisanat au sein de l’aéroport a affiché une pancarte sur laquelle est écrit: «les Algériens sont interdits d’entrer au magasin». Un entrepreneur syrien arrivant du Caire à Alger, a connu le même sort que les Algériens. «Ils m’ont demandé que vas-tu faire dans ce pays de chiens ? J’ai répondu que l’Algérie est le pays d’un million et demi de chahids». Il poursuit: «Ils m’ont traité comme les étudiants algériens en me fouillant. Ils ont même jeté mes bagages et ils m’ont piqué les objets qui étaient dans ma trousse de toilette». Étonné, il poursuit, «ils ont même pris mon dentifrice !». Le Syrien a affirmé que «une fois qu’on a franchi les postes de contrôle, nous avons tous répété « Tahya El Djazaïr».

Cette chasse aux Algériens n’a pas épargné aussi un joueur d’origine algérienne (pourtant lié par un contrat avec un club égyptien), qui a quitté l’Égypte sous des menaces de morts
Finalement, le Ahly du Caire a consenti à laisser partir son jeune joueur d’origine algérienne, Amir Saâyoud. En effet, la section football du club égyptien, qui s’est réunie le 24 novembre, a finalement décidé de se séparer de son joueur sur demande de celui-ci, après les menaces de mort dont il avait fait l’objet ces derniers jours. Il faut dire que cette issue était inévitable dès lors que la situation est devenue insupportable pour cet Algérien qui s’est recroquevillé dans son domicile depuis la qualification de l’Algérie par peur de représailles.
Des voix se sont levées pour exiger du Ahly la résiliation du contrat de son joueur algérien, recruté cet été, et son extradition en Algérie. Et il semble bien que l’offre du club belge du FC Lierse tombe à point nommé pour les deux parties qui n’ont pas hésité longtemps avant de convenir d’un transfert. Tout est donc fait pour que Amir Saâyoud rejoigne dans les jours à venir le club belge. Tout est aussi fini entre l’Algérien et son club : «Je ne pouvais accepter qu’on touche à ma dignité» a-t-il dit
Cette chasse aux Algériens, humiliation et agression montre bien que la fraternité arabe est une farce. Le paradoxe des pays arabes est que c'est dans les moments de crises hystériques (contre Israël par exemple) ils donnent l'impression d’êtres unis, alors qu’en réalité la fraternité arabe est une utopie. C’est une grosse utopie puisque en dehors de la haine d’Israël les Arabes ne partagent rien d'autre.

Ftouh Souhail,
Tunis