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07 septembre 2008

Le village de Ghajar: un cas d'école pour comprendre les conflits du Moyen-Orient


Le Haaretz a révélé dans son édition du 1er septembre qu'Israël avait récemment déclaré aux États-Unis son intention de se retirer du nord du village de Ghajar, se mettant ainsi en règle avec la résolution 1701 de l'ONU qui avait mis un terme a la seconde guerre du Liban.

Le village de Ghajar, peuplé par la minorité alaouite dont le groupe religieux et ethnique dirige la Syrie, est dans une situation particulière : le village ayant été défini comme appartenant au plateau du Golan, ses habitants ont reçu la nationalité israélienne au moment de son annexion ; cependant, lors du retrait des troupes israéliennes du Liban en 2000, l'ONU a spécifié que la frontière entre le Liban et la Syrie traversait le village, faisant basculer le nord de Ghajar au Liban et le sud en Israël ; mais les habitants du village s'identifient religieusement, culturellement et historiquement avec la nation syrienne.

D'après l'ONU, Israël, désormais présent dans le Golan, est donc autorisé à agir dans le sud du village, placé sous sa responsabilité, tandis que le nord doit être évacué.

En Juillet 2006, la résolution 1701 a rappelé qu'Israël devait revenir aux frontières internationales et restituer le nord du village au Liban appuyé de la force de stabilisation internationale déployée au sud -Liban (FINUL). Mais parce que Ghajar sert de base au Hezbollah et aux trafiquants de drogue, les terroristes utilisant à l'occasion ces réseaux pour s'infiltrer en Israël, Tsahal a continué d'intervenir dans le nord du village.

D'après le Haaretz, le cabinet israélien avait autorisé en mars 2007 un accord selon lequel Tsahal cesserait d'intervenir dans le nord de Ghajar quand l'armée libanaise appuyée de la FINUL y prendrait position pour garantir la sécurité de la frontière et lutter contre la criminalité. Tandis que l'armée libanaise et la force internationale se verraient confier les questions de sécurité, Israël garderait l'administration des citoyens ayant de toutes façons la nationalité israélienne. L'accord aurait été repoussé par l’État libanais à plusieurs reprises.

Haaretz a révélé que le commandant de la FINUL, le général Claudio Graziano, aurait transmis il y a deux semaines à Jérusalem une lettre indiquant que le gouvernement libanais avait finalement donné son accord pour partager la gestion du nord du village avec l'Unifil (ou FINUL), satisfaisant la plupart des conditions posées par Israël. Une source politique israélienne a confié au journal que les autorités compétentes - c'est-à-dire le ministère des Affaires étrangères et le ministère de la Défense - auraient finalement accepté de céder le contrôle militaire et civil du nord du village.

Le Haaretz a également indiqué que ces débats, et la décision à laquelle ils ont mené, ont été conduits en concertation avec l'administration américaine qui réclame d'Israël qu'il fasse des gestes pour apaiser les points de friction avec le Liban.

Le lendemain de la publication de l'information, celle-ci a été démentie par le bureau du premier ministre et par le département d’État américain. Le Jerusalem Post a annoncé que le porte-parole du bureau du premier ministre, Marc Regev, avait déclaré qu' "aucune nouvelle décision n'a été prise. Tout ce que vous pourriez ajouter n'est que pure spéculation". De son coté, un porte-parole du ministère des Affaires étrangères américain a nié avoir eu connaissance d'une position nouvelle d'Israël sur le sujet.

Cependant, la FINUL affirme que des discussions ont repris récemment sur le statut du nord du village, et que le Liban a manifesté la volonté de faire avancer ce sujet. Derrière la question de Ghajar se profile le statut des Fermes de Cheeba, ce petit territoire de 25 km2 dans le sud-Liban, qui empoisonne les relations entre Israël et le Liban. Le Liban en revendique la souveraineté, la Syrie ayant apparemment renoncé à ses prétentions. Mais Israël ne reconnait comme interlocuteur légitime que Damas.

En effet, si l'on fait un petit retour sur l'histoire des Fermes de Cheeba, leur appartenance est depuis le "début" vague et discutée (conf le découpage sous le mandat franco-britannique). En 1949, elles ne sont pas inclues dans le territoire libanais mais sont placées sous souveraineté syrienne jusqu' à ce qu'un comité libano-syrien décide en 1964 de les rattacher politiquement au Liban. Mais l'Onu continue de reconnaitre la frontière légale de 1949 quand elle réclame d'Israël d'évacuer le territoire libanais lors de l'invasion du sud-Liban en 1978, excluant les Fermes de Cheeba de l'injonction. On voit comment le cas du village de Ghajar est le symbole des problématiques de la région - que l'on parle de la Syrie, du Liban, ou du conflit israélo-palestinien. Il montre encore comment les frontières sont le résultat de constructions historiques, artificielles, politiques, le produit d'un jeu subtil entre rapports de force et volonté humaine.

Par ailleurs, le président français Nicolas Sarkozy est allé à Damas mercredi 3 septembre pour une visite de deux jours. Il devait y participer à un mini-sommet réunissant le président syrien Bashar El-Assad, le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan et l’Émir du Qatar. D'après l'AFP, l’Élisée a annoncé que ce sommet avait été organisé a l'initiative de la Syrie, et que le président Sarkozy y a participé en tant que président tournant de l'Union européenne. La Syrie, pour sa part, préside actuellement la Ligue arabe.

Mercredi, Sarkozy allait aborder avec Assad les points de tension entre le Liban et la Syrie, Israël et ces deux pays. Il s'est déclaré prêt à aider à débloquer la question des Fermes de Cheeba. Sarkozy a précisé dans une interview accordée au journal arabe Al Watan et publiée mercredi que la "France est disponible pour accompagner les parties, si elles le souhaitent, sur le chemin de la paix et de la réconciliation".

Israël et la Syrie sont intéressés par un parrainage des Français aux côtés des Américains et des Turcs pour soutenir la reprise du processus de paix interrompu pour des raisons internes a la politique israélienne.

Isabelle-Yaël Rose,
Jérusalem

Nota de Jean Corcos :
Hélas, et pour les naïfs qui auraient imaginé désamorcer le baril de poudre préparé par le Hezbollah à la frontière nord du pays, le cheikh Nasrallah est venu apporter une douche froide dans sa dernière déclaration, il y a quelques jours : il a indiqué que, même après la restitution des fameuses fermes de Cheeba, les comptes ne seraient pas réglés avec Israël, "la Résistance" trouvant toujours de nouveaux prétextes, même après la restitution du dernier mètre carré litigieux ... Remercions Nasrallah pour sa franchise : l'objectif du Hezbollah et de ses patrons iraniens est clair et toujours le même, à savoir la destruction totale de "l'entité sioniste" - pour parler leur langage !