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30 septembre 2015

La propagande apocalyptique de Daech (en Français), 1/2



Cet outil de propagande en anglais pour le djihad mondial est publié sur internet. Pour son premier numéro intitulé "Le retour du califat", Dabiq, le journal en PDF de Daech, donnait la parole à Abou Bakr Al-Baghdadi (chef de l'État islamique). Il déclare l'avènement d'une nouvelle ère pour l'Islam et renouvelle son appel aux musulmans du monde entier à venir soutenir le nouvel État islamique en Irak et en Syrie.
La maquette du journal ressemble fortement à celle d'Inspire (le magazine diffusé par Al-Qaïda dans la péninsule arabique, rédigé en anglais, apparu en 2010 et piraté par les services américains en 2013). A travers ses 10 numéros, Inspire dont le format était attrayant, présentait aux djihadistes isolés des méthodes pratiques pour commettre par eux-mêmes des attentats, comme par exemple comment "incendier une voiture, en dix étapes".
Mais, selon certains experts, la ligne éditoriale de Dabiq est plus centrée sur l'idéal de construction d'un Etat fondé sur la charia (loi islamique) que sur l'incitation à l'action. "L'objectif n'est pas de pousser les jeunes musulmans occidentaux radicalisés à mener des attentats mais de les faire venir en Syrie", explique Peter Neumann, directeur du Centre international pour l'étude de la radicalisation, basé à Londres (L'Expansion, 10 juin 2014).

Au-delà, quel est son fond idéologique?

Dabiq écrit le Washington Post, nous explique que le temps est venu de l'apocalypse, après des siècles de guerre sainte. Il décrit les combats en Irak et la Syrie et parle d'une guerre de civilisation. Objectif? " Envahir la péninsule arabique et Allah va nous permettre de la conquérir. Il sera alors temps d'envahir la Perse et Allah nous permettra de le faire. Enfin, il est temps d'envahir Rome, et Allah nous permettra de le faire. » Voilà en substance ce que l'on peut lire dans le deuxième numéro du magazine djihadiste intitulé "The Flood" ("L'inondation").
Dabiq: pourquoi ce titre? La bataille de Dabiq a tellement d'importance pour Daech qu'elle est en fait le titre de son magazine en ligne, édité en plusieurs langues. De quoi s'agit-il ? Dabiq est le nom d'un village situé près d'Alep au nord de la Syrie, proche de la frontière turque. Menacée par une horde "d'infidèles", l'armée des musulmans est décimée. Elle finit par triompher dans la cité syrienne de Dabiq, le 24 août 1516. Mais, comme nombre de hadiths, celui-ci compte plusieurs versions, dont l'une assure qu'après Dabiq (un jour) l'armée musulmane ira prendre... Constantinople, l'ancienne capitale de l'Empire chrétien d'Orient, de nos jours, Istanbul.
Le magazine de Daech est publié aujourd'hui en langue française. Son numéro 3 est particulièrement soigné, la maquette est très travaillée, aérée, on trouve des encadrés et des notes. Un travail qui a été probablement effectué par des maquettistes francophones. De grandes ou de petites photographies illustrent son contenu. En tout, elle fait 42 pages et selon certaines sources, elle circulerait de la main à la main dans certaines banlieues.

Une image vaut mieux que mille mots

D'après la ligne éditoriale de Dabiq, toutes éditions confondues, il existe deux mondes. "Le camp de l'islam et de la foi et le camp de l'incrédulité et de l'hypocrisie". La propagande d'Abou Bakr Al-Baghdadi (qui prend également le titre de Commandeur des croyants, Amir al-Mu'minin) est abondamment citée: "Ô Communauté Islamique, le monde est divisé en deux parties, en deux tranchées, il n'y en a pas de troisième, le camp de l'Islam et de la Foi, et le camp de la Mécréance et de l'Hypocrisie; le camp des Musulmans et des Moudjahid là où ils sont, et le camp des juifs, des croisés, de leurs alliés et, avec eux, toutes les nations de la mécréance et de ses religions dirigée par l'Amérique et la Russie et gouverné par les Juifs"
Et, pour Baghdadi, une nouvelle ère est arrivée "Un jour viendra où le musulman sera le maître, noble, respecté en tout lieu, il lèvera la tête et son honneur sera préservé et personne n'osera s'attaquer à lui sans être châtié et toute main qui s'approchera de lui sera coupé. Que le Monde sache qu'aujourd'hui est le début d'une nouvelle ère." Et d'ajouter aussitôt: "Alors écoute, Ô Communauté islamique, écoute et comprend, lève-toi et réveille-toi, le temps est venu de se libérer des chaînes de la faiblesse et de se soulever devant la tyrannie, devant les gouverneurs traîtres, les agents des croisés, des athées et les protecteurs des juifs."
Et comme une image vaut mieux que mille mots, le magazine regorge d'images. Pèle mêle: photos d'habitants souriants, récits multiples d'expériences et de combats, articles promettant un avenir meilleur... Il n'y a d'ailleurs pas une seule photo dans ces pages sans que n'apparaisse le drapeau de l'État islamique. C'est ainsi que Dabiq publie des photographies de moudjahid de l'EI, ils paradent avec leur drapeau noir sur des chars ou des véhicules blindés, devant une ou des foules en liesse, en Irak comme en Syrie. Dabiq publie aussi des cadavres de civils sunnites qui auraient été massacrés par des chiites ou de djihadistes tombés lors de combats.
Le numéro 3 de Dabiq en langue française s'ouvre sur une photographie atroce, celle du journaliste américano-israélien Steven Sotloff, juste avant qu'il n'ait été décapité, en septembre 2014. La terreur se lit sur son visage. Dans son avant-propos, Dabiq explique qu'après que les attaques aériennes américaines aient été officiellement commencé en Irak, l'Etat islamique aurait envoyé un message de mise en garde en menaçant d'exécuter James Foley (reporter-photographe américain assassiné le 19 août 2014), en réponse à ces attaques.
Dans les quelques lignes de propagande conspirationniste et délirante qui suivent, il est écrit : "Dans son discours du 20 août 2014, Obama a volontairement omis de mentionner Steven Sotloff, en montrant à nouveau à son peuple que l'intérêt numéro un du gouvernement américain est la notoriété d'Israël ainsi que de ses alliés, y compris les forces sionistes peshmergas (kurdes). Ils sont donc plus importants que les vies de ses citoyens."

Marc Knobel,

Le Huffington Post, 13 octobre 2014