La frégate française "Chevalier Paul" envoyée au large de la Syrie
"Les choses ne se
passent - souvent - pas comme prévu" écrivais-je dans mon article
impromptu de rentrée. En fait, l'affaire syrienne ressemble maintenant à un
train lancé à toute allure dont on pressent vaguement la direction et les
passages en gares mais dont on ignore s'il va dérailler ou quand. Rien ne dit
que le 2 septembre, ce fameux jour d'une rentrée vraiment contrariée, les
frappes n'aient pas déjà commencé ; et, qu'en représailles et à son corps défendant,
Israël ne soit pas engagé dans une guerre généralisée concernant tout le
Moyen-Orient. Trop tard alors pour planter le décor, rappeler les enjeux,
analyser le pour ou le contre des choses ... il fallait donc que je vous
propose une synthèse publiée avant,
soit en ce soir du 31 août juste après Shabbat.
Cette synthèse comprend un
grand nombre de liens - sur des sites de médias français ou étrangers - vous
permettant de vous faire "une religion" sur ce qui va se passer,
alors qu'au moment où je tape ces lignes il ne fait plus guère de doutes que
les Etats-Unis lanceront une "frappe punitive" sur le régime syrien.
Frappe qui n'aurait qu'une "fenêtre de tir" limitée, pour reprendre ce
qu'écrivait Stéphane Juffa dans son article du 30 août sur la "Metula News
Agency" (lien ici) :
"il
ne dispose que d’une courte fenêtre de temps pour donner une leçon à Assad. En
effet, c’est au milieu de la semaine prochaine que se tiendra un sommet du G-20
à Saint Petersbourg. Lors, on imagine mal que l’opération prévue se déroule
pendant ou après cette rencontre à laquelle participera évidemment Vladimir
Poutine." Ceci étant, la dernière conférence de presse de Barack Obama a évoqué l'accord du Congrès, ce qui risque de retarder notablement les opérations ...
Soyons clair et précis : alors que les réseaux
sociaux se renvoient en écho des arguments passionnés pour ou contre cette
action militaire, je ne suis pas parvenu à prendre position, car ce qu'on dit
dans un sens ou dans un autre me semble également fondé. Commençons par le
point de vue d'Israël, directement menacé par des représailles syriennes, de
l'Iran ou par Hezbollah interposé. Mardi dernier, j'évoquais l'impréparation de
la défense passive, et les scènes de panique pour obtenir des masques à gaz
ont, hélas, confirmé cette impression. Et bien les analystes du pays sont très
partagés, entre les optimistes et les pessimistes :
-
Déjà cité, Stéphane Juffa écrit : "en fait, Obama implique l’Etat hébreu dans un
affrontement qu’il ne souhaite pas, dans lequel il ne voit aucun bénéfice et
dans lequel il est privé de l’opportunité prépondérante en matière stratégique
de pouvoir prendre des initiatives. En
conséquence de son mode opératoire, ou plutôt de l’absence de toute forme de
méthode à la tête du gouvernement US, ce sont les intérêts sécuritaires
d’Israël, mais aussi de la Jordanie, du Liban et de l’Arabie Saoudite, sans
oublier l’insurrection syrienne, qu’Obama fragilise." ;
-
Doutes sur le bien fondé de l'intervention
américaine également exprimés par Jacques Benillouche (voir
sur Slate.fr), qui écrit en conclusion de son article : "Israël
a donc décidé de rester en dehors d’une action vouée, selon lui, à l’échec et
préfère choisir le jour et le lieu de son intervention s’il estime que sa
sécurité est en jeu. Le problème syrien prouve, après le problème nucléaire
iranien, l’écart de plus en plus croissant entre les positions israélienne et
américaine dans la stratégie géopolitique et militaire au Moyen-Orient." ;
-
Souvent orienté dans ses reportages, le
journal "Le Monde" proposait hier soir (lire
ici)
une analyse plutôt objective du point de vue israélien, écrivant qu'était
souhaitée - une quadrature du cercle - "une intervention "aussi limitée que possible"
en Syrie. Selon les experts israéliens, les éventuelles représailles sur l'Etat
juif dépendront directement du bon "dosage"
des frappes aériennes sur Damas"; mais en même temps il s'agit surtout d'adresser un avertissement à l'Iran : "S'il n'y a pas de sanctions
fortes à l'utilisation d'armes chimiques à Damas, Téhéran pourrait penser qu'il
a totalement les mains libres avec son programme nucléaire" ;
-
Un point de vue que ne partage pas Amos Yadlin, ancien responsable du
renseignement militaire, qui pense qu'une frappe limitée laissera Assad jouer
aux vainqueurs après l'orage, et serait donc négatif pour Jérusalem : lire
ici sur le "Times of Israël" ;
-
Et à nouveau, c'est un autre analyste, à la fois prudent et souvent sûr
dans son jugement, qui vient nous donner un point de vue opposé ... Ron Ben
Yishai, sur
le site Ynetnews,
ne craint rien pour son pays sous réserve que le régime Assad ne risque pas de s'écrouler
; et il pense que cette frappe enverra un bon message aux Ayatollahs iraniens !
Laissons Israël maintenant pour nous placer
du point de vue américain. Là encore, les analyses divergent, et curieusement
ce sont les plus "va-t-en-guerre" d'il y a 10 ans contre l'Irak de
Saddam Hussein, qui freinent des quatre fers contre une opération en Syrie ...
le monde à l'envers, Obama "la Colombe" étant maintenant critiqué sur
sa droite. Mais peut-il vraiment reculer ?
-
Les arguments "pour" et
"contre" peuvent tous se discuter, et il faut rendre hommage au site "Francetvinfo.fr"
pour avoir résumé - et critiqué - les arguments contre une intervention
américaine ;
-
Ceci étant, et même s'il y a de très bonnes
raisons pour ne pas lancer l'attaque annoncée, une reculade maintenant
décrédibiliserait durablement la puissance américaine : Anne
Solesne Tavernier l'explique très bien dans les colonnes du
"Monde" ;
-
Mais les Américains n'ont-ils pas, déjà,
commencé à se retirer du Moyen-Orient ? Dans le même journal, Alain Frachon nous
rappelle des réalités stratégiques, inquiétantes à la fois pour les Occidentaux
et pour Israël ; dans un article intitulé "Le
paradoxe américain", il écrit en particulier : "D'éventuelles
frappes sur la Syrie ne doivent pas tromper. Le 44e président des Etats-Unis
veut se désengager de la région. Il estime qu'elle est aujourd'hui de moindre
intérêt stratégique et économique pour l'Amérique. Il laisse presque
transparaître comme une lassitude devant la malédiction proche-orientale – cette
succession ininterrompue de guerres et de massacres, quand le reste du monde
paraît intelligemment occupé au développement économique."
-
Oui mais, on se dit aussi que "les
mêmes" étaient contre l'intervention en Irak en 2003 ; et que l'Histoire
leur a donné raison, d'un simple point de vue "coûts-bénéfices" pour
les USA et pour Israël et sans parler des malheurs subis par le peuple irakien
depuis 10 ans ;
-
On se dit aussi que les mensonges sur les
armes de destruction massive de Saddam ont durablement décrédibilisé la parole
américaine, et que ceci explique le "pacifisme" de la majorité des
Européens (lire
ici)
;
-
Oui mais et enfin, en pensant à
l'opposition syrienne et à ses représentants que j'avais reçus sur mon plateau
l'année dernière, je suis frappé par une chose : les plus
"présentables", les plus démocrates et éloignés des Djihadistes
combattant Assad - et qui nous font peur à juste titre - sont aussi les plus
dubitatifs, à la fois sur le fameux massacre à l'arme chimique du 21 août qui a
tout déclenché, et sur une solution militaire à la crise. Ainsi, le "Comité de Coordination nationale pour le changement démocratique"
dont j'avais reçu un représentant, Ferec Namir, en mars 2012, parle d'un
"coup monté" (voir
sur ce lien)
; tandis que la très active et très militante Randa Kassis, reçue en octobre
dernier, se montre très hostile à une frappe américaine ((la
voir et l'entendre sur I-télé).