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31 août 2013

Syrie : un point avant la tempête

La frégate française "Chevalier Paul" envoyée au large de la Syrie


"Les choses ne se passent - souvent - pas comme prévu" écrivais-je dans mon article impromptu de rentrée. En fait, l'affaire syrienne ressemble maintenant à un train lancé à toute allure dont on pressent vaguement la direction et les passages en gares mais dont on ignore s'il va dérailler ou quand. Rien ne dit que le 2 septembre, ce fameux jour d'une rentrée vraiment contrariée, les frappes n'aient pas déjà commencé ; et, qu'en représailles et à son corps défendant, Israël ne soit pas engagé dans une guerre généralisée concernant tout le Moyen-Orient. Trop tard alors pour planter le décor, rappeler les enjeux, analyser le pour ou le contre des choses ... il fallait donc que je vous propose une synthèse publiée avant, soit en ce soir du 31 août juste après Shabbat.
Cette synthèse comprend un grand nombre de liens - sur des sites de médias français ou étrangers - vous permettant de vous faire "une religion" sur ce qui va se passer, alors qu'au moment où je tape ces lignes il ne fait plus guère de doutes que les Etats-Unis lanceront une "frappe punitive" sur le régime syrien. Frappe qui n'aurait qu'une "fenêtre de tir" limitée, pour reprendre ce qu'écrivait Stéphane Juffa dans son article du 30 août sur la "Metula News Agency" (lien ici) : "il ne dispose que d’une courte fenêtre de temps pour donner une leçon à Assad. En effet, c’est au milieu de la semaine prochaine que se tiendra un sommet du G-20 à Saint Petersbourg. Lors, on imagine mal que l’opération prévue se déroule pendant ou après cette rencontre à laquelle participera évidemment Vladimir Poutine." Ceci étant, la dernière conférence de presse de Barack Obama a évoqué l'accord du Congrès, ce qui risque de retarder notablement les opérations ...
Soyons clair et précis : alors que les réseaux sociaux se renvoient en écho des arguments passionnés pour ou contre cette action militaire, je ne suis pas parvenu à prendre position, car ce qu'on dit dans un sens ou dans un autre me semble également fondé. Commençons par le point de vue d'Israël, directement menacé par des représailles syriennes, de l'Iran ou par Hezbollah interposé. Mardi dernier, j'évoquais l'impréparation de la défense passive, et les scènes de panique pour obtenir des masques à gaz ont, hélas, confirmé cette impression. Et bien les analystes du pays sont très partagés, entre les optimistes et les pessimistes :
-        Déjà cité, Stéphane Juffa écrit : "en fait, Obama implique l’Etat hébreu dans un affrontement qu’il ne souhaite pas, dans lequel il ne voit aucun bénéfice et dans lequel il est privé de l’opportunité prépondérante en matière stratégique de pouvoir prendre des initiatives. En conséquence de son mode opératoire, ou plutôt de l’absence de toute forme de méthode à la tête du gouvernement US, ce sont les intérêts sécuritaires d’Israël, mais aussi de la Jordanie, du Liban et de l’Arabie Saoudite, sans oublier l’insurrection syrienne, qu’Obama fragilise." ;
-        Doutes sur le bien fondé de l'intervention américaine également exprimés par Jacques Benillouche (voir sur Slate.fr), qui écrit en conclusion de son article : "Israël a donc décidé de rester en dehors d’une action vouée, selon lui, à l’échec et préfère choisir le jour et le lieu de son intervention s’il estime que sa sécurité est en jeu. Le problème syrien prouve, après le problème nucléaire iranien, l’écart de plus en plus croissant entre les positions israélienne et américaine dans la stratégie géopolitique et militaire au Moyen-Orient." ;
-        Souvent orienté dans ses reportages, le journal "Le Monde" proposait hier soir (lire ici) une analyse plutôt objective du point de vue israélien, écrivant qu'était souhaitée - une quadrature du cercle - "une intervention "aussi limitée que possible" en Syrie. Selon les experts israéliens, les éventuelles représailles sur l'Etat juif dépendront directement du bon "dosage" des frappes aériennes sur Damas"; mais en même temps il s'agit surtout d'adresser un avertissement à l'Iran : "S'il n'y a pas de sanctions fortes à l'utilisation d'armes chimiques à Damas, Téhéran pourrait penser qu'il a totalement les mains libres avec son programme nucléaire" ;
-        Un point de vue que ne partage pas Amos Yadlin, ancien responsable du renseignement militaire, qui pense qu'une frappe limitée laissera Assad jouer aux vainqueurs après l'orage, et serait donc négatif pour Jérusalem : lire ici sur le "Times of Israël" ;
-        Et à nouveau, c'est un autre analyste, à la fois prudent et souvent sûr dans son jugement, qui vient nous donner un point de vue opposé ... Ron Ben Yishai, sur le site Ynetnews, ne craint rien pour son pays sous réserve que le régime Assad ne risque pas de s'écrouler ; et il pense que cette frappe enverra un bon message aux Ayatollahs iraniens !

Laissons Israël maintenant pour nous placer du point de vue américain. Là encore, les analyses divergent, et curieusement ce sont les plus "va-t-en-guerre" d'il y a 10 ans contre l'Irak de Saddam Hussein, qui freinent des quatre fers contre une opération en Syrie ... le monde à l'envers, Obama "la Colombe" étant maintenant critiqué sur sa droite. Mais peut-il vraiment reculer ?

-        Les arguments "pour" et "contre" peuvent tous se discuter, et il faut rendre hommage au site "Francetvinfo.fr" pour avoir résumé - et critiqué - les arguments contre une intervention américaine ;
-        Ceci étant, et même s'il y a de très bonnes raisons pour ne pas lancer l'attaque annoncée, une reculade maintenant décrédibiliserait durablement la puissance américaine : Anne Solesne Tavernier l'explique très bien dans les colonnes du "Monde" ;
-        Mais les Américains n'ont-ils pas, déjà, commencé à se retirer du Moyen-Orient ? Dans le même journal, Alain Frachon nous rappelle des réalités stratégiques, inquiétantes à la fois pour les Occidentaux et pour Israël ; dans un article intitulé "Le paradoxe américain", il écrit en particulier : "D'éventuelles frappes sur la Syrie ne doivent pas tromper. Le 44e président des Etats-Unis veut se désengager de la région. Il estime qu'elle est aujourd'hui de moindre intérêt stratégique et économique pour l'Amérique. Il laisse presque transparaître comme une lassitude devant la malédiction proche-orientale – cette succession ininterrompue de guerres et de massacres, quand le reste du monde paraît intelligemment occupé au développement économique."

Je finirai pas d'autres éléments, découverts sur la Toile en ces jours de "surf" intense et qui sont plus, disons-le, du domaine de l'affectif que du rationnel.

D'un côté, quand on observe - sans surprise - la coalition des "anti-guerres", souvent faux pacifistes mais vrais extrémistes, de droite comme de gauche et unis dans la haine d'Israël, on a vraiment envie qu'ils perdent cette partie là déjà largement engagée sur Tweeter (voir sur ce lien) ;
-        Oui mais, on se dit aussi que "les mêmes" étaient contre l'intervention en Irak en 2003 ; et que l'Histoire leur a donné raison, d'un simple point de vue "coûts-bénéfices" pour les USA et pour Israël et sans parler des malheurs subis par le peuple irakien depuis 10 ans ;
-        On se dit aussi que les mensonges sur les armes de destruction massive de Saddam ont durablement décrédibilisé la parole américaine, et que ceci explique le "pacifisme" de la majorité des Européens (lire ici) ;
-        Oui mais et enfin, en pensant à l'opposition syrienne et à ses représentants que j'avais reçus sur mon plateau l'année dernière, je suis frappé par une chose : les plus "présentables", les plus démocrates et éloignés des Djihadistes combattant Assad - et qui nous font peur à juste titre - sont aussi les plus dubitatifs, à la fois sur le fameux massacre à l'arme chimique du 21 août qui a tout déclenché, et sur une solution militaire à la crise. Ainsi, le "Comité de Coordination nationale pour le changement démocratique" dont j'avais reçu un représentant, Ferec Namir, en mars 2012, parle d'un "coup monté" (voir sur ce lien) ; tandis que la très active et très militante Randa Kassis, reçue en octobre dernier, se montre très hostile à une frappe américaine ((la voir et l'entendre sur I-télé).

Voilà : un long article et une douzaine de liens ... cela vous aidera, je l'espère, à y voir plus clair lorsque le fracas des armes remplira toute l'actualité. Bonnes lectures, et rendez-vous lundi 2 septembre, cette fois pour de bon j'espère !

Jean Corcos