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26 novembre 2009

"Le voile, marqueur sexuel", par André Dumoulin

C'est un marqueur sexuel et un instrument de propriété. Considéré par Strasbourg comme le "symbole d'oppression de la femme", le voile renvoie à une mentalité patriarcale ancestrale, archaïque et machiste.
Au-delà des signes pluriels du voile islamique qui semble se neutraliser, des enjeux sociétaux et des interrogations autour de la séparation de l’église et de l’Etat, de la laïcité, de la neutralité de l’enseignement, se cache un dispositif en poupée gigogne, sorte de sarcophage à la Toutankhamon où la pièce finale recouvrant au plus près la momie est la plus importante, la plus signifiante. Que cache le voile? Que nous voile-t-il?
Le problème du voile demeure incompréhensible si on ne tient pas compte des règles qui sont associées à la pudeur. Le voile est alors obsessionnel, ne laissant rien apparaître, faisant en sorte qu’il devient un marqueur sexuel de femmes soumises consciemment ou inconsciemment aux hommes. A tel point d’ailleurs que le voile peut être porté comme protection afin d’éviter souvent d’être importuné ou agressé par la jeunesse machiste souvent d’origine immigrée pour des raisons culturelles et éducationnelles propre en cela au legs sociétal et culturel méditerranéen.
Qu’est-ce à dire? Que le voile est bien la métaphore de la virginité. Le voile semble d’ailleurs dire souvent à la fois une propriété (de l’homme) et une "non disponibilité" pour les non-musulmans. En fait, par un retournement de signe, le voile doit cacher la chevelure érotisée pour ne pas susciter le regard concupiscent de l’homme, le désir de l’homme. En d’autres mots, pour certains hommes, si elle ne se recouvre pas, la non-voilée musulmane va porter la responsabilité des éventuelles violences sexuelles, harcèlements verbaux ou opprobres dont elle pourrait être victime. Toute l’importance donc du "vu", du "non-vu" et de "l’entre-vu" (Chebel).
Ce port du voile "pour avoir la paix" et pour préciser une "indisponibilité sentimentale" est bel et bien le symbole de cette codification du regard, faisant finalement en sorte que c’est la femme qui est responsable du regard concupiscent de l’homme; sachant que la chevelure est considérée comme un appât séducteur. Le "camisolage" des femmes qui "protège d’une violence mâle" fait que la femme elle-même devient en quelque sorte responsable du comportement des hommes. Ce retournement de signe illustrant le patriarcat a ceci de problématique qu’il entérine l’inégalité des sexes, l’infériorité et la soumission des femmes mais aussi donne argument à ceux qui condamnent la mixité des lieux sociaux.Ceci tend à montrer que le voile n’a rien de religieux - la Sunna et le Coran ne l’imposent pas - mais est en définitive un marqueur sexuel et un instrument de propriété. Le voile n’a donc rien d’innocent et le plus généralement les adolescentes elles-mêmes "se voilent la face" quant au caractère résolument machiste du tissu.
C’est ce caractère inégalitaire entre les sexes qui fait que la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pourtant défenderesse de la liberté de religion, a condamné des plaignantes qui souhaitaient défendre le port du voile, car considéré par Strasbourg comme le "symbole d’oppression de la femme", en y associant l’idée que la manifestation d’une religion peut être restreinte afin de préserver des valeurs fondamentales.
Sachant les nombreuses années qu’il a fallu dans nos contrées pour tenter de réduire les inégalités hommes-femmes, toute dévalorisation juridique et sociale de la femme avec mise sous tutelle masculine subtile via le port du voile porte en définitive atteinte aux grands principes fondamentaux inscrits dans le traité de Lisbonne.
En définitive, l’argumentaire pour ou contre le port du voile ne réside pas, comme on l’entend souvent, autour de la liberté de croyance et de religion - prétexte et paravent - mais sur la dimension sexiste d’un tissu hautement signifiant aux multiples interprétations leurres.De même, lorsque le rapport intermédiaire de la Commission du dialogue interculturel (décembre 2004) considéra que l’on ne peut statuer a priori sur la symbolique plurielle du voile - estimant dès lors que le débat est sans fin -, elle plaçait les différents sens du voile comme des piliers égaux formant un temple, alors qu’en réalité il faut lire le voile comme des poupées russes : la poupée la plus "enfouie" et la plus petite étant l’explication première, primale, amenant et organisant les autres sens subordonnés. C’est ce vecteur explicatif initial qu’il faut mettre en évidence et dénoncer pour des raisons humanistes.
La dimension sexuelle du voile avec son rapport à la chevelure est d’autant plus avérée que l’on oblige les femmes occidentales non musulmanes à se voiler lors de visites dans certains pays musulmans. Qu’une élève à qui on avait interdit le voile à l’école s’était coiffée d’un béret basque, une autre d’un bonnet de ski, tandis qu’une autre encore s’était rasée le crâne pour effacer "l’objet impudique". Signes s’il en est du rapport étroit entre la chevelure, la pudeur, la propriété du mâle. Dans ce registre, ce n’est pas le voile qui est ostentatoire, mais le corps féminin lui-même.
Si nous connaissons la permanence des interdits sexuels et des discriminations sexistes dans toutes les religions monothéistes, force est de constater, à la lumière ces différentes interprétations gigognes du voile, que la question du port du voile est une thématique en apparence religieuse, stimulée et instrumentalisée par les fondamentalistes, mais dissimulant en réalité une dimension affective et sexuelle, renvoyant elle-même à une mentalité patriarcale ancestrale, archaïque et machiste.
La question du voile et la claustration vestimentaire ne peuvent donc se résoudre dans le segment religieux, quelle qu’en soit l’apparence, mais dans un argumentaire sur l’émancipation, l’égalité, les droits de la femme et la raison. Cette raison qui fait que l’on ne peut expliquer l’égalité des sexes à des jeunes si, dans la classe, ils se trouvent confrontés à une situation démontrant exactement le contraire.

André Dumoulin, 
Agrégé en philosophie morale. Politologue,
 « La libre Belgique », 10 novembre 2009