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08 juillet 2008

L'attentat de la rue Jaffa : une question de parole, d'images et de justice

Introduction :
Tout d’abord une information, publiée par nos excellents confrères de « Guysen » et qui est tout à fait officielle :
« Hossam Dawiyat, l'ouvrier palestinien qui a tué trois Israéliens et blessé des dizaines mercredi en fonçant sur des voitures avec un bulldozer dans la rue Yaffo, a agi seul et n'appartenait à aucune organisation islamiste radicale. C'est ce qu'a annoncé dimanche le porte-parole de la police Micky Rosenfeld, au terme de l'enquête ».
Le « massacre à la pelleteuse » du mercredi 2 juillet a donc été le fait d’un Palestinien isolé, ce qui n’enlève rien bien sûr à son caractère horrible. A ce sujet, il faut aussi signaler, hélas, les tentatives ahurissantes de le présenter comme l’innocente victime d’un assassinat, les voitures écrasées et le bus renversé étant le fait ... d’un accident de la circulation - lire l'article sur le site de l'UPJF. Quelles étaient les motivations de cet assassin improvisé ? Isabelle-Yaël Rose revient en détails sur cette affaire, sur laquelle elle avait commencé à enquêter dans les heures qui suivirent cette nouvelle tragédie ayant endeuillé Jérusalem. Établissant un parallèle hardi avec « l’affaire Al-Dura », elle réclame la même exigence de vérité dans les deux cas [*]. Et elle écrit, fort justement, que « c'est cet attachement à la vérité qui a probablement protégé Israël, en tant que société, pendant ces 60 ans de guerre ».
Bonne lecture !

J.C


Il a fallu sans aucun doute beaucoup de courage aux journalistes et citoyens qui ont exprimé leurs doutes quant à la version qui nous avait donné de ce qui est devenu « l'affaire Al-Dura ». Ils avaient contre eux le poids des mots - ceux de Charles Enderlin - celui des photos, montées par son cameraman, qui conditionnèrent non seulement les politiques, les opinions publiques, mais la quasi-totalité du monde. Pourtant, grâce à leur obstination, la vérité de « l'affaire » est peut-être en train d'apparaître. Et si elle n'apparaît pas encore dans toute sa clarté, qui est peut-être perdue à tout jamais tant la parole et les images matraquées peuvent déformer les faits jusqu'à produire une nouvelle et fausse réalité, le combat de ces quelques uns aura au moins eu pour mérite de poser les bonnes questions.
Sans doute la France et le monde médiatique n'ont-ils pas encore osé en tirer toutes les conclusions. Mais la justice française aura eu le mérite d'examiner le dossier en son âme et conscience. L'affaire Al-Dura aura ainsi mis en lumière les ressorts de ce qu'on ne peut appeler que propagande, qui est toujours détestable d'où qu'elle vienne. Et de montrer que si la cause des Juifs et des Israéliens est juste, c'est parce qu'elle ne badine pas avec la vérité des faits. C'est cet attachement à la vérité qui a probablement protégé Israël, en tant que société, pendant ces 60 ans de guerre. C'est cet attachement à la démocratie et à la justice, aux exigences d'une morale et d'une éthique non seulement universelles mais également profondément juives, qui justifient l'amour que les Israéliens - mais pas seulement eux - portent pour Israël : un peuple ne peut s'aimer, et n'est aimable, que si l'image que lui renvoie le récit qu'il fait de son histoire est conforme à la vérité. C'est pourquoi il faut souvent oser traverser les paroles et les images pour sinon dire la vérité, du moins pour s'interroger et se mettre à sa recherche. Dans le contexte passionnel et douloureux que tout le monde sait.


La semaine dernière, un résident de Jérusalem Est a provoqué un choc très profond en Israël - tant parmi les Arabes que parmi les Juifs - en lançant une pelleteuse contre des civils qui traversaient la rue Jaffa. Son acte a provoqué la mort de trois personnes. Depuis, un portrait de l'homme a été dessiné par les journaux : celui-ci était connu de la police pour des affaires de drogue, de vol, et de coups et blessures. Cependant, les services de sécurité intérieurs - le Shin Bet - ne sont pas parvenus à établir un lien entre le criminel et des organisations terroristes, qu'elles poursuivent des objectifs politiques ou religieux - voire les deux. Plus encore : l'homme, à ce niveau de l'enquête, a été décrit comme ne fréquentant ni mosquées ni mouvements palestiniens, ce qui semble indiquer une motivation - si l'on peut effectivement parler de motivation - personnelle derrière l'acte abominable qu'il a perpétré. En tous les cas, il ne semble pas avoir été mû par une idéologie ou des buts politiques déterminés.
L'obscurité qui entoure les motifs de l'acte a conduit la famille à envisager l'hypothèse d'un accident de la circulation qui aurait mal tourné. Ou d'une influence de la drogue. En gros, nous serions devant l'acte d'un déséquilibré. Certains ont également souligné l'influence perverse de la propagande islamiste et palestinienne qui plutôt que d'utiliser les écoles et les médias largement financés par l'Union Européenne pour propager des discours de réconciliation et de paix, fait usage de ces canaux formateurs d'opinions pour déverser, encourager, et cultiver la haine. Pour s'en convaincre, il suffit d'ouvrir un poste de télévision ou un manuel scolaire.


Juste après l'attentat, la Knesset a voté deux propositions de loi, soumises au parlement suite celui qui avait pris pour cible une école talmudique il y a quatre mois. Les deux propositions de loi ont été votées, mais doivent encore être examinées par la Cour suprême qui ne devrait vraisemblablement pas s'y opposer. La première loi vise à retirer la citoyenneté ou la résidence permanente à la famille de tout terroriste qui aurait agi contre Israël. La seconde propose de détruire la maison de la famille. Par ailleurs, une action est envisagée pour interdire l'érection d'une tente de deuil, tradition qui est souvent utilisée pour faire l'apologie du terroriste et de son acte. L’État envisage encore de supprimer tous les droits sociaux dont bénéficie la famille du terroriste. Les propositions de lois, si elles ont été motivées par l'attentat contre la yeshiva, ont été votées par la Knesset dans un contexte particulier, à chaud, qui plus est dans une atmosphère d'élections, sans qu'aucun débat véritable n'ait été initié par les députés, soucieux de ne pas déplaire à l'opinion. Rappelons à titre d'exemple que ce sont l'armée et le Shin Bet qui avaient eux-même recommandé de ne plus détruire les maisons de la famille des terroristes dans un rapport qui indiquait que cette mesure s'apparentait non seulement à une punition collective mais était surtout improductive pour décourager le terrorisme. Ces nouvelles lois sont peut-être justifiées. Mais le climat général dans lequel elles ont été votées, l'absence de débat public et de pluralisme, où un éventuel opposant aurait été dénoncé comme « collaborateur » et « traître» par certains partis qui instrumentalisent les émotions légitimes du public, doivent nous alerter. Il n'est pas bon de décider de telles choses, qui engagent notre sécurité en tant que peuple et nation, sans peser au préalable tous les aspects que comportent nos décisions.
Par ailleurs, l'homme qui a commis son attaque rue Jaffa a immédiatement été désigné comme terroriste. Alors même que les services de sécurité reconnaissent eux mêmes l'absence de liens avec des organisations et l'absence de motivations politiques. Ainsi, par exemple, la journaliste américaine Caroline Glick a signé un article dans l'édition du "Jérusalem Post" de Shabbat dans lequel elle désigne le tueur comme un « jihadiste » et un homme « qui revient à la religion ». Pour ce qui est du retour à la religion, personne d'autre que Caroline Glick - qui ne cite pas elle même ses sources - n'a décrit Husseim Dayat comme un pratiquant. C'est même tout le contraire : il n'a pas de barbe, ne fréquentait pas les mosquées, et était plutôt connu pour une vie dissolue, contraire aux principes de l'Islam. En ce qui concerne le terme de jihadiste, sans doute faisait-elle référence aux dernières paroles que l'homme a prononcé avant de mourir : « Allah Aqbar ». Mais de même qu'un Juif, même non religieux, dira sans doute le « shema Israël » dans un moment de panique, de crise, ou avant de mourir, dans une sorte de réflexe profondément culturel ; un musulman peut dire « Allah Aqbar » sans que cela signifie a priori qu'il est un « jihadiste ». Surtout quand les faits indiquent son absence de lien avec le monde religieux musulman et islamiste. Et si la mère - ou l'une des femmes de la famille - a bien dit devant la télévision : « c'est un Shahid ! Que Dieu prenne pitié de lui », en faisant les « youyou » réservés aux jours de joie, il s'est également trouvé de nombreuses personnes de la famille pour condamner cet acte. On pourra dire que ces condamnations sont fausses et motivées par la peur. Et cela est possible. Mais il est également possible que la famille de Dayat n'est point islamiste. Car Dayat, contrairement au terroriste qui avait attaqué la yeshiva, n'a pas prémédité son acte et n'a pas pris pour cible un lieu symbolique, juif. Est-ce que la douleur et le choc sont atténués pour autant ? Non. Mais cela montre que dès qu'il s'agit de Juifs et d'Arabes, chacun est enclin à interpréter immédiatement toute action sur fond politique et religieux. Et c'est cela qui est problématique.

D'abord, parce que les rapports entre Juifs et Arabes sont quotidiens et constants à Jérusalem - de nombreux Juifs israéliens travaillent avec des Arabes israéliens - les rapports sont également personnels, et pas seulement idéologiques. Dit autrement : un Arabe peut tuer des Juifs et un Juif peut tuer des Arabes pour des motifs qui n'ont rien à voir avec le conflit. L'acte peut ne pas viser l'identité culturelle et religieuse de l'autre. Il peut ne pas le viser en tant qu'Arabe ou Juif. Cependant, à cause du contexte politique, nous avons tous tendance à tout interpréter en fonction du conflit israélo-palestinien immédiatement. Non seulement cela est faux, mais cela est dangereux. Car en faisant ceci, nous enfermons précisément les personnes dans la logique du conflit, leur interdisant d'en sortir. C'est précisément ce qu'a fait le Hamas en récupérant immédiatement l'attentat, expliquant qu'il avait pour origine « l'occupation ». Mais les hommes sont plus riches et plus complexes. Ils ne sont pas tous des instruments au service d'une cause et c'est leur faire mauvaise justice que de les enfermer dans ce rôle. C'est ce que fait le Hamas en ne parlant jamais d'Israéliens mais « d'ennemis » ou « d'agents sionistes ». Et si Dayat a effectivement présenté ses condoléances à la famille du terroriste de la yeshiva, cet acte communautaire et social, entre gens de voisinage, dans une société où les liens familiaux voire tribaux sont très complexes, n'indique pas a priori qu'il ait nourri le même projet. Les reconstructions a posteriori peuvent déformer les faits.
Ensuite, le terme de terroriste doit être utilisé à bon escient. On parle de terrorisme quand un civil ou une organisation politique/religieuse/paramilitaire utilise la violence contre des civils pour accomplir des objectifs politiques. Tout ce qui ne correspond pas à cette définition tombe sous le coup des lois criminelles, et non pas des lois et des mesures exceptionnelles que chaque État a le droit et le devoir de mettre en œuvre pour se protéger. Il ne s'agit pas de chipoter sur les mots. De faire des distinctions conceptuelles bonnes pour la théorie et les philosophes. Le but est d'abord de savoir reconnaître un attentat et un terroriste de manière à savoir à quelle juridiction appartiennent son acte et sa personne : le droit public ou les mesures d'exception. Car si les lois votées par la Knesset entrent en effet en vigueur, il sera capital pour la démocratie israélienne de déterminer avec précision quand elle doit en faire usage et contre qui. Sans quoi la démocratie israélienne s'achemine vers le régime policier de l’Égypte et de la Syrie. Le but est également de maintenir avec clarté les règles du combat qu'Israël mène contre le terrorisme. Cette clarté est particulièrement importante au moment où Israël semble moins isolé. L'Union Européenne et les États-Unis ont en effet commencé à comprendre que cette guerre contre le terrorisme concerne le monde entier. C'est pourquoi la démocratie israélienne ne doit pas écouter les sirènes qui voient dans chaque crime arabe un acte terroriste : il y a les terroristes, il y a les criminels. Il y a aussi les déséquilibrés mentaux, comme dans toute société, plus encore en situation de guerre. Le passé de Dayat ne plaide pas en faveur de sa stabilité mentale. La distinction criminel/ terroriste est vitale pour la vérité de notre combat. Car pour pouvoir parler de terrorisme et d'attentat sans être obligés de mettre des parenthèses - comme trop souvent dans les médias dont l'usage confus des mots et des termes est un effet direct de la propagande palestinienne - encore faut-il utiliser ces termes comme il se doit.

Il est en effet plus confortable de voir dans tout crime commis par un Arabe un attentat. Plus encore quand le crime est épouvantablement spectaculaire. Comme il est plus confortable de voir dans tout crime commis par un Israélien un crime de guerre, un effet de « l'occupation ». Ce schématisme, qui commence par maltraiter la vérité et les mots, finit toujours immanquablement par martyriser les hommes. Enfin, les nouvelles lois votées par la Knesset laissent une question ouverte : seront-elles également appliquées aux terroristes juifs tels que Goldstein, ou pour le jeune homme déguisé en soldat qui avait fait irruption dans un bus bondé d'Arabes israéliens pour tous les massacrer ? Il n'est point de paix sans égalité. Israël doit être exigeant avec lui même s'il veut être Israël.

Isabelle-Yaël Rose
Jérusalem

[*] Nota de Jean Corcos :

En mentionnant l'affaire Al-Dura, loin de faire un parallèle qui n'a absolument pas lieu d'être, les deux histoires étant tout à fait différentes et donc incomparables - et a plusieurs titres - Isabelle-Yaël Rose a simplement souhaiter mettre en lumière une chose: alors que la presse internationale s'était empressée d'exploiter la mort de Mohammed Al-Dura dans un but de propagande contre l’État d'Israel, les médias israéliens ont immédiatement declaré - sur la base d'informations communiquées par le Shin Bet - que l'attentat a la pelleteuse n'avait pas été commis en vertu de mobiles politiques mais était plutot le fait d'un déséquilibré mental qui n'appartenait a aucune organisation palestinienne (voir le compte-rendu mis en ligne sur le blog le soir même, rédigé en fonction des informations diffusées a la télévision). Si certains partis politiques israéliens ont en effet tenté de récupérer l'attentat dans un but politique, les médias du pays auront été pour le coup exemplaires en disant immédiatement ce qu'il ne l'était pas, coupant l'herbe sous le pied de ceux qui auraient voulu en faire un épisode de la "lutte palestinienne", comme le Hamas s'est empressé de le déclarer. La référence a Al-Dura visait donc a faire remarquer la différence entre la presse internationale et la presse israélienne dans la couverture des violences hélas courantes en Israël et au Moyen-Orient. Indirectement, ma correspondante à Jérusalem Yael engageait les journalistes français a faire preuve de la même retenue et de la même objectivité - bref: du même sang froid - que leurs collègues israéliens, qui n'ont pas profité de l'attaque de la rue Jaffa pour livrer indistinctement en pâture à l'opinion publique israélienne et internationale tous les Arabes de Jérusalem Est.