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29 juin 2005

Latifa Ben Mansour : les Frères musulmans sont un parti d'extrême droite antisémite

Latifa Ben Mansour, docteur ès lettres et sciences humaines, est chercheur au CNRS. Née à Tlemcen en Algérie, elle a du renoncer à vivre dans son pays après avoir été menacée de mort par les intégristes du Front Islamiste du Salut (FIS). Réfugiée en France, elle n’a jamais cessé de dénoncer la barbarie de l’islamisme combattant. Utilisant les outils de la linguistique et de la psychanalyse, elle a décodé des centaines de discours enregistrés par les leaders du FIS Ali Belhadj et Abassi Madani, en faisant la matière première d’un livre magistral "Frères musulmans, frères féroces. Voyage dans l'enfer du discours islamiste" (Editions Ramsay, 20 E). J’ai pu avoir un entretien passionnant avec cette femme courageuse, dans l’émission « Rencontre » du 3 novembre 2002. Voici l’extrait de mon interview à propos de l’antisémitisme des « Ikhwan » (« frères »), sujet sur lequel nos journalistes sont trop souvent bien discrets. 

Jean Corcos :
Dans votre livre, vous dites donc que le parti islamiste est un parti totalitaire, d’extrême droite, se camouflant derrière la religion, et vous avez le mérite de souligner l’antisémitisme forcené des islamistes. Curieusement, la presse française reste relativement discrète sur ce dernier point qu’il s’agisse de l’assassinat abject de Daniel Pearl au Pakistan, ou de l’attentat contre la Ghriba en Tunisie. De même, il est rarement rappelé que la nébuleuse Ben Laden s’appelle le « Front islamique international contre les juifs et les croisés ». Vous êtes d’ailleurs assez claire sur ce sujet dans votre livre puisque vous dites que le terme « El Yahoud », les juifs, employé dans un contexte antisémite, est un référent de base des discours islamistes.

Latifa Ben Mansour :

Absolument, le terme « juif » comme celui d’ailleurs de « franc-maçon » est un référent que l’on retrouve dans les discours des mouvements totalitaires d’extrême droite. J’aimerais à ce sujet vous citer une phrase d’un grand linguiste nommé Klemperer : « Les mots peuvent être comme de minuscules doses d’arsenic qu’on avale sans y prendre garde et qui un jour font leur effet ». Il faut donc rester très attentif aux mots utilisés dans tout discours car ils ont tous des effets qui leur sont propres et qui peuvent avoir des conséquences importantes sur le comportement des personnes qui les écoutent.

Jean Corcos :

Justement. Prenons par exemple l’abbé Baruel, un des théoriciens de l’antisémitisme au XIXe siècle, qui avait inventé l’idée du complot judéo maçonnique et qui disait que les juifs étaient à l’origine de la révolution française, on remarque que Belhadj reprend les mêmes idées et tient les mêmes propos dans ses discours. Ce dernier dit d’ailleurs dans une de ses prêches que vous citez dans votre livre : « les juifs ont tué plus de 70 prophètes ». Cette affirmation qui ne figure pas dans le Coran, semble sortir de l’imagination de son auteur et non d’une quelconque interprétation d’un texte sacré. Est-ce que pour vous, le problème de l’antisémitisme est lié principalement au conflit israélo palestinien, ou est-il le pendant d’une idéologie d’un mouvement d’extrême droite ?

Latifa Ben Mansour :

Vous savez, ces mouvements extrémistes ont toujours besoin d’un ennemi potentiel qui leur permet de recourir à leur théorie du complot, théorie qui vise à faire croire en l’existence d’un soi-disant complot que cet ennemi fomenterait contre eux. Il n’y aurait pas eu de conflit israélo-palestinien, ces personnes auraient trouvé autre chose qui accréditerait leur idéologie et justifierait leurs actions. Je tiens à rappeler que ces personnes appartiennent à des formations d’extrême droite et qu’au sein de ces formations, elles n’ont rien de religieux, tant dans leur comportement que dans leurs pensées.

J.C