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31 octobre 2014

L’islamophobie et la manipulation médiatique du sacré



L’islamophobie est une notion polémique qui divise profondément. Certains revendiquent pleinement leur islamophobie, incluant dans un même rejet ce qui a trait à l’Islam et à ses fidèles. Cette islamophobie est bien davantage qu’une posture critique : elle est un combat à mener impérativement pour sauvegarder une civilisation européenne/chrétienne/occidentale menacée. D’autres affirment la pleine légalité d’un positionnement islamophobe mais tiennent à se dédouaner de toute intention raciste : la critique de l’Islam, comme des autres religions, est définie comme parfaitement acceptable – voire souhaitable – dans un pays de tradition rationaliste et laïque comme la France. D’autres encore assimilent l’islamophobie à un racisme pur et simple et la condamne vivement, la critique de la religion étant de nature à offenser l’essence même des individus : le « vivre ensemble », le « respect de la diversité », et donc l’équilibre social, se trouveraient ainsi menacés par de telles attaques.
Les prises de position, souvent passionnelles, ne manquent pas de déclencher, à chaque nouvelle déclaration émanant d’une source ou d'une autre, un torrent de réactions acerbes qui tendent à affermir les autres positions.

Des textes pousse-au-crime ?

À la suite de la tuerie du Musée juif de Bruxelles du 24 mai 2014, le président de la République tchèque Milos Zeman a ainsi souligné que la xénophobie et l’antisémitisme sont la nature même de l’idéologie des groupes fanatiques liés à l’islam radical. À l’appui de ses dires, l’homme d’État a cité un verset d’un des livres de Sahih Muslim, un des principaux textes de l’Islam sunnite : « Les pierres et les arbres diront Ô Musulmans, Ô Abdallah, il y a un juif derrière moi, viens le tuer ». Le 6 juin 2014, sur le plateau de i Télé, Éric Zemmour a été plus offensif encore : « Vous ouvrez le Coran à n’importe quelle page et il y a écrit ‘il faut tuer les juifs, il faut tuer les chrétiens, Dieu les maudit, il faut tuer les infidèles, etc.’ » Le journaliste a peut-être cru affiner son propos en ajoutant : « on peut rendre hommage à beaucoup de musulmans qui vivent pacifiquement alors qu’ils ont un texte aussi belliciste (…). La vraie distinction c’est entre les gens qui arrivent à vivre pacifiquement alors qu’ils ont un texte sacré qui les incite à tuer. Sauf que le texte sacré, il pousse certains à tuer. » La question qui se pose est dès lors celle du raisonnement susceptible de s’opérer dans l’esprit de ceux qui, ni musulmans, ni islamologues, ni géopoliticiens, sont en prise avec une actualité violente, anxiogène, qu’ils peinent à décrypter. À leur adresse, le Coran est désigné comme un texte qui, donc, « incite à tuer ». Ainsi faudrait-il comprendre qu’une parole antijuive « circonstancielle », c’est-à-dire rédigée il y a près de 1400 ans dans un contexte historico-politique particulier constituerait une clé d’appréhension des mentalités de toute une population, et qui plus est une clé quasiment indépassable.

Tact et méthode : sur l’art d’alerter d'un danger

Les liens existant entre les textes incriminés et les actes des djihadistes sont une indéniable réalité qu’il faut établir, le tout est de savoir comment : peut-on le faire en explicitant la nature particulière de certaines hadiths (communications orales du prophète Mahomet rapportées par ses compagnons) en faisant en sorte que le dégoût qu’elles inspirent ne rejaillissent pas sur l’ensemble de l’Islam, du Coran et des musulmans ? Faut-il au contraire prêter une influence déterminante à certains écrits sacrés comme s’ils suffisaient à eux seuls à déclencher des velléité criminelles, comme si chaque musulman pouvait un jour ou l’autre basculer du côté sombre du Coran (qui en obscurcit chaque page si l’on en croit E. Zemmour) ?
C’est la première direction qu’a choisie, par exemple, Dounia Bouzar dans un essai dénonçant courageusement l’instrumentalisation des versets coraniques et le procédé utilisé par les milieux radicaux consistant à abroger les versets de tolérance au bénéfice des versets de haine (Dounia Bouzar, Désamorcer l’Islam radical, Paris, Les Éditions de l’Atelier, 2014). L’anthropologue tient toutefois à vider cet Islam radical de toute substance religieuse, tant il instrumentalise sa source et la trahit.

De l’usage des écrits saints selon les circonstances

Dans les années 1930, un pamphlet circulait dans les milieux antisémites, intitulé Le Juif et le Talmud (le Talmud étant un des textes fondamentaux du judaïsme). Il nourrissait une pensée radicalement antijuive qui avait besoin d’homogénéiser ses ennemis. À cette fin, le recours à l’autorité de textes rédigés par des docteurs de la Loi juive s’avérait pratique : la méfiance et la haine à l’égard des goys pouvaient aisément y être soulignées. Ainsi le juif devenait-il fondamentalement et universellement nocif, puisque nécessairement nourri au sein de cette tradition littéraire sacrée. On ne s'étonnera pas à cet égard que le Talmud continue à inspirer certains propagandistes antisémites actuels.
À l’inverse, c’est également dans les années 1930 qu’une grande campagne de rapprochement judéo-musulman fut lancée en Afrique du Nord, et en Algérie en particulier. Elle fut l’œuvre de la Ligue internationale contre l’antisémitisme (LICA) dont les militants, majoritairement juifs, avait compris que la paix entre les communautés composant la société coloniale, passait par le soutien sans faille aux revendications politiques et sociales des indigènes. Cette campagne déboucha sur de nombreuses initiatives de solidarité et des démonstrations fraternelles tels que de grands meetings où, ostensiblement, juifs et musulmans manifestaient leur union. La référence à l’essence de l’Islam rappelait alors ce que l’on pouvait entendre à la même époque dans d’autres meetings antiracistes où des personnalités chrétiennes clamaient la franche incompatibilité entre les évangiles et le racisme.
Le 11 mars 1937, à la médersa (ici école religieuse) de Tébessa (Algérie) qu’il dirigeait, le cheikh Abdelhamid Ben Badis expliquait qu’ « un bon et vrai musulman ne peut pas être antijuif, car la doctrine de l’Islam impose à tous ses fidèles le respect de son prochain à n’importe quelle race qu’il appartienne. » Il faisait appel à tous les Sémites, Arabes et Israélites « pour relever la noble tradition de leurs ancêtres pour l’union, la fraternité et la justice entre toutes les races. » Le 20 mars de la même année, au Cercle musulman du progrès à Alger, le cheikh el-Oqbi déclarait à son tour en arabe que « l’Islam ordonne la solidarité et la sympathie entre les races. » Il ajoutait : « Le Coran dit que les hommes naissent frères et l’Islam ne fait pas de différences entre les races. Les vrais musulmans ignorent le mépris des races, ils doivent être contre la haine des peuples, l’injustice et l’iniquité. »

Mein Kampf et le Coran, « une opposition irréductible »

En septembre 1937, à l’occasion d’un rassemblement contre le racisme organisé à Paris par la LICA, le cheikh Zahiri, représentant des oulémas, déclarait lui-aussi en arabe que les musulmans nord-africains étaient « unis aux Juifs par les liens de sang » et que « le Coran n’[avait] jamais déféré aux doctrines d’intolérance. » Les exemples pourraient être ainsi multipliés. Je n’en citerai qu’un dernier, celui d'un philosophe musulman qui comparait fin 1939, alors qu'Adolf Hitler faisait les yeux doux au monde arabe, Mein Kampf et le Coran.  Si M’Hamdi Driss écrivait en effet : « Les deux conceptions raciste et musulmane aboutissent sur le terrain moral à une opposition irréductible. D’un côté un idéal mû par une passion de domination frénétique, de l’autre un idéal qui s’efforce à améliorer l’homme et à le conduire à plus de perfection. D’un côté, un monde d’où s’échappent dans une simultanéité tragique le cri de détresse de l’opprimé et la clameur joyeuse du dominateur, de l’autre un monde où s’élève dans une harmonie unique, une prière de paix et de concorde. » (« Mein Kampf et le Coran au point de vue moral », Annexe au Bulletin d'Information et de documentation de la Résidence générale de France au Maroc, n° 49 du 10 décembre 1939).
La référence aux écrits religieux peut servir les intentions les plus louables comme les plus viles et les plus belliqueuses. Cela n’est guère une nouveauté. L’étendue des champs couverts par les livres de religion est si vaste que l’on y trouvera sans peine ce que l’on y cherche : de quoi nourrir la haine ou la réconciliation entre les hommes. Ce sont pourtant bien les contextes et leurs dynamiques propres, les rapports de force et les aspirations du moment qui incitent prédicateurs et critiques à privilégier telle image du Coran sur telle autre. Il faut avoir conscience de cette relativité, où l’intention est reine, à une époque où le prêt-à-penser cristallise et électrise si facilement les esprits. La religion est d’abord ce que les hommes en font et le champ religieux peut s’avérer un piège - sinon un tombeau - pour la pensée. Elle peut en tout état de cause, dans la bouche de certains commentateurs, abandonner le statut de clé d’analyse pour devenir une expression de mépris.

Emmanuel Debono

Blog Le Monde "Au coeur de l'antiracisme", 11 juin 2014

29 octobre 2014

Encore un article publié sur "Temps et Contretemps" : les prochaines guerres d'Israël

Sur  le blog israélien francophone de mon ami Jacques Benillouche, un nouvel article publié dimanche 26 octobre sous ma signature : intitulé "Les prochaines guerres d'Israël", il s'agit du résumé de mon entretien du 19, avec mon invité Stéphane Juffa.

Bonne lecture, et n'oubliez pas que vous pouvez aussi avoir accès à l'ensemble des archives de mes articles sur "Temps et Contretemps", en cliquant sur l'icône correspondante en haut de la colonne de gauche.

Vous trouverez l'article  sur ce lien

J.C


28 octobre 2014

Elections législatives en Tunisie : Ennahda au tapis !


Résultats préliminaires des élections législatives tunisiennes selon un décompte exclusif de Anadolu Press #TnElec2014 #TunisiaVotes #تونس_تنتخب #TnElec
Résultats préliminaires quasi-complets des élections législatives tunisiennes selon un décompte exclusif établi par l'agence Anadolu après le dépouillement de la majorité des voix : Les 214 sièges du prochain Parlement sur 217 sont répartis comme suit : Nida Tounes 83 sièges, Ennahdha 68, L’Union Patriotique Libre 17, Le Front Populaire 12, Afek Tounes 9, Le Courant Démocratique 5, Le Congrès pour la République 4, Al-Moubedra 4, Le Mouvement du Peuple 2, Le Front Démocratique pour le Travail et les Libertés 2, Le Parti Républicain 1, Le Courant al-Mahabba, 1 La « Fidélité » au Projet 1, La Voix des Agriculteurs 1, Le Mouvement des Démocrates Socialistes 1, « Al-Majd » au Jérid 1, Indépendants 2.
Agence Anadolu (Turquie), 
27 octobre 2014

Nota :
Le principal parti opposé aux islamistes d'Ennahda ("Nida Tounes", du vieux leader Béji Caïd Essebsi) est la force dominante autour de laquelle se composera la majorité. On note le laminage complet des alliés des islamistes lors de la première assemblée constituante, Ettakatol qui disparait complètement du paysage ; et le "Congrès pour la République" de l'actuel président Moncef Mazourki, dont le score minable augure de sa certaine défaite à la prochaine élection présidentielle.
J.C 

27 octobre 2014

La pendaison d'une jeune Iranienne horrifie la communauté internationale

Reyhaneh Jabbari, lors de son premier procès en 2008 
 © GOLARA SAJADIAN / AFP

Reyhaneh Jabbari, condamnée à mort pour le meurtre d'un homme qui l'avait, selon elle, agressée sexuellement, a été pendue samedi matin. 
 
Une jeune Iranienne, Reyhaneh Jabbari, condamnée à mort pour le meurtre d'un homme qui l'avait, selon elle, agressée sexuellement, a été pendue ce samedi matin. Une exécution qui a déclenché l'indignation de plusieurs pays. Elle a immédiatement suscité la condamnation d'Amnesty International, qui l'a qualifiée de "nouvelle tache dans le bilan des droits de l'homme de l'Iran" et d'"un affront à la justice". Les États-Unis et le Royaume-Uni ont également vivement condamné l'exécution de la jeune femme.
Reyhaneh Jabbari, une décoratrice d'intérieur âgée de 26 ans, a été condamnée à mort en 2009 pour le meurtre en juillet 2007 de Morteza Abdolali Sarbandi, un chirurgien et ancien employé du ministère des Renseignements, au terme d'un procès "partial", selon Amnesty. Un expert de l'ONU avait également affirmé en avril que la cour n'avait pas pris en compte toutes les preuves, et que les aveux de la décoratrice avaient été obtenus sous la contrainte. Selon des "sources fiables" citées par cet expert, Morteza Abdolali Sarbandi aurait agressé physiquement et sexuellement la jeune femme qui, cherchant à se défendre, l'aurait poignardé avant de s'enfuir et d'appeler une ambulance.
Pour Téhéran, "le meurtre était prémédité"
Mais la justice iranienne a balayé ces critiques : les éléments du dossier ont montré que "le meurtre était prémédité", a assuré le bureau du procureur de Téhéran dans un communiqué publié samedi. Reyhaneh Jabbari a avoué "avoir acheté un couteau de cuisine (...) deux jours avant le meurtre" et l'a utilisé pour commettre le meurtre, selon le communiqué, ajoutant qu'elle avait frappé Sarbandi dans le dos, "ce qui montre qu'elle n'était pas en légitime défense". Enfin, elle a "envoyé un SMS à un ami dans lequel elle dit je vais le tuer ce soir, ce qui montre que le meurtre était prémédité et que l'affirmation de défense contre un viol est sans fondement", poursuit le texte.
Au cours des dernières semaines, la justice iranienne avait accordé plusieurs délais pour obtenir de la famille de la victime qu'elle accorde son pardon, ce qui, selon la charia (loi islamique), en vigueur en Iran, permet à un condamné à mort pour meurtre d'échapper à l'exécution et de purger une peine de prison. La famille de Sarbandi a exigé, selon les médias iraniens, que Reyhaneh Jabbari dise "la vérité" sur l'identité d'un autre homme présent au moment du meurtre pour accorder son pardon.
"Dans ses aveux, elle a déclaré qu'un homme était dans l'appartement au moment où mon père a été poignardé, mais elle refuse de donner son identité", avait déclaré Jalal, le fils de Morteza Abdolali Sarbandi, à la presse en avril. "Si elle dit la vérité, elle sera pardonnée, sinon elle subira la loi du talion" et donc la pendaison, avait-il poursuivi.
Les appels à la clémence pas entendus
Des artistes et des personnalités de la société civile avaient appelé à la clémence, tout comme des organisations internationales des droits de l'homme. Sur la page Facebook créée en soutien à Reyhaneh Jabbari apparaissent désormais le message "Repose en paix" et des photos de la jeune fille lorsqu'elle était encore enfant. "Nous condamnons l'exécution ce matin en Iran de Reyhaneh Jabbari", a indiqué la porte-parole du département d'État américain, Jennifer Psaki, dans un communiqué. "Il y a de sérieux doutes sur l'équité du procès et les circonstances entourant ce dossier, dont des rapports faisant état de confessions recueillies sous de sérieuses contraintes."
"Nous joignons notre voix à celles qui demandent à l'Iran de respecter l'équité des procès garantie à son peuple par la loi iranienne elle-même ainsi que ses obligations internationales", a conclu Psaki. À Londres, le ministre chargé du Moyen-Orient Tobias Ellwood a "vivement regretté le recours à la peine de mort dans le cas de Reyhaneh Jabbari", réitérant la "ferme opposition" du Royaume-Uni à cette sentence. En 2013, au moins 500 personnes ont été exécutées en Iran, en majorité pour des affaires de drogue, selon l'ONU.

Le Point, 26 octobre 2014
Source : AFP

26 octobre 2014

L'Alliance Israélite Universelle, entre Orient et Occident : Jean-Claude Kuperminc et Ariel Danan seront mes invités le 2 novembre

Ecole mixte de Oued-Zem (Maroc), 1949
Photo tirée du site www.aiu.org

Dimanche prochain, nous allons à nouveau laisser de côté l'actualité brûlante pour parler d'une vieille Institution de notre Communauté que sans doutes la majorité de nos auditeurs connaissent, mais en partie probablement, en tout cas ce sera l'ambition de ce numéro de "Rencontre" de vous la faire mieux connaitre. Notre sujet sera en effet : "l'Alliance Israélite Universelle, entre Orient et Occident", et j'aurai le plaisir de recevoir deux invités parfaitement qualifiés pour en parler. Tout d'abord Jean-Claude Kuperminc, qui est le Directeur de la bibliothèque de l'Alliance, la plus importante bibliothèque d'Europe dans le domaine des archives juives. Deuxième invité, Ariel Danan, Directeur adjoint de la Bibliothèque de l’Alliance israélite universelle, responsable de la Médiathèque Alliance baron Edmond de Rothschild. Docteur en histoire,  il vient de publier un livre issu de sa thèse : "Les Juifs de France et l’Etat d’Israël (1948-1982)"(Editions Honoré Champion). Quelques précisions avant cette émission. Ma série n'est pas consacrée aux évènements ou aux institutions de la communauté juive, et sa thématique est bien précise, puisqu'il s'agit à la fois de traiter du monde musulman et des associations qui - malgré les difficultés - tentent de garder des passerelles entre Juifs et Musulmans. Or cette Institution œuvre justement pour cet idéal de dialogue : éducation, promotion de la langue et de la culture françaises à l'étranger, défense des droits de l'homme, dialogue interreligieux et cela dans le monde entier, tels sont les buts qu'elle a eu dès le départ. Et puis bien sûr, j'ai souhaité que l'on reste dans la thématique de ma série, et ce n'était pas difficile car l'histoire des écoles de l'Alliance s'est confondue, au moins pendant les premières décennies, avec celle de l'entrée dans la francophonie et dans la culture occidentale d'une grande partie des juifs vivant en Terre d'Islam. De ces écoles, il ne reste presque rien, mais beaucoup d'archives, beaucoup de mémoire partagée aussi avec certains Musulmans, bref il y aura aussi matière à en parler.

Parmi les questions que je poserai à mes invités :

-         L'Alliance Israélite Universelle a été fondée en 1860, pourriez-vous dire dans quelles circonstances ? Quels étaient les fondateurs ? Quels était son but principal ? Est-ce que c'était une vraie organisation juive internationale ou est-ce qu'elle était essentiellement française ? Enfin, quelle fut l'attitude des Autorités françaises par rapport à son action ?
-        Est-ce qu'on ne peut pas dire que, finalement, avec son idéal républicain d'émancipation des Juifs au sein des société où ils vivaient, l'Alliance n'a pas été, par idéologie, antisioniste au moins au début ? Dans ce contexte, pourquoi avoir créé le lycée agricole de "Mikvé Israël" en Palestine, en 1870 donc plusieurs années avant le premier congrès sioniste ?
-        A propos du réseau scolaire de l'Alliance Israélite Universelle en Terre d'Islam avant les bouleversements de l'Indépendance de l'état d'Israël puis des ex-colonies : quels étaient les pays où il y avait ces écoles ? Combien d'élèves scolarisés au total ? A t'on une idée du pourcentage d'élèves non juifs dans ces écoles ? Dans quels pays musulmans reste-t-il des établissements de l'Alliance ?
-        A propos de la fabuleuse bibliothèque de l'Alliance Israélite Universelle, j'ai lu que les nazis, dès leur occupation de Paris, avaient pillé toutes vos archives, est-ce que vous êtes arrivés à récupérer ces fonds ? Deuxième question, il y a eu, on le sait, le départ massif des Juifs des pays musulmans, cela s'est fait parfois de façon très précipitée comme en Egypte ou en Algérie : est-ce que l'Alliance est arrivée à rapatrier toutes ses archives, est-ce qu'il en reste là-bas, sont-elles consultables ou détruites en partie ? Quels historiens de ces Diasporas utilisent vos fonds documentaires ?
-        Que trouve-t-on dans la médiathèque baron Edmond de Rothschild ? Quelles sont les manifestations prévues prochainement et qui tournent autour du patrimoine des juifs d'Orient, et de toutes ces communautés disparues ?
-        Que fait l'Alliance Israélite Universelle pour conserver des passerelles et un dialogue avec les musulmans les plus ouverts ?

L'A.I.U mérite vraiment notre intérêt et notre soutien : soyez nombreux à l'écoute dimanche prochain !

J.C

23 octobre 2014

L'alliance des frustrés et des déshérités annonce le retour des fascismes



Les totalitarismes et les fascismes du XXe siècle ont été vaincus, mais l'esprit totalitaire et fasciste reste présent et même conquiert aujourd'hui de nouveaux adeptes.

C'est dans le monde arabo-musulman que se manifestent de la façon la plus visible ces nouvelles formes de fascisme. C'est dans ce monde que l'on trouve tous les ingrédients qui peuvent caractériser cette conception du monde qui fut celle de tous les mouvements fascistes:

- issu de la défaite et de l'humiliation, le besoin de revanche et même de domination mondiale
- l'obsession du complot conduit par "les autres", sionistes et impérialistes américains, aujourd'hui comme hier
- le sexisme, le machisme et la peur de la critique et de la remise en cause d'une vérité considérée comme absolue
- la glorification de la guerre et l'acceptation du sacrifice ultime des martyrs de la cause.

Les causes à l'origine de ces dégradations de la vie démocratique sont quasiment identiques:

Dans le monde arabo-musulman comme dans l'Europe des années 30, l'irruption de la modernité dans une société restée patriarcale et autoritaire; l'humiliation vécue ou imaginée d'une communauté autrefois puissante; l'absence de dirigeants responsables, honnêtes et valeureux; la crise sociale engendrée par la corruption et l'absence de stabilité collective et enfin la fabrication de boucs émissaires qui représentent le mal qu'on doit expurger pour aboutir à la réalisation de la société parfaite, garante pour toujours de la paix et de l'harmonie sociale.

Aujourd'hui dans le monde arabo-musulman mais aussi à un moindre degré en Occident, la tentation totalitaire existe et se renforce. Elle a pour partisans et acteurs deux groupes d'individus: les déshérités et les frustrés.

Comment ce totalitarisme séduit il les frustrés et les déshérités?

Il permet d'expliquer les difficultés de la vie sans en donner la responsabilité aux individus eux-mêmes. Il promet une revanche à ceux qui vivent dans l'échec. Il joue sur le sentiment de culpabilité (qui est différent de la responsabilité), car il est différent de reconnaître qu'on s'est mal conduit en ne suivant pas des préceptes extérieurs à soi-même plutôt que d'examiner avec sa raison critique l'ensemble complexe des causes qui ont provoqué la situation d'échec.

Le totalitarisme promet le salut, si on suit les commandements qu'il préconise. Il exclut la part de hasard dans la vie individuelle et collective. Dans un sens, il apporte une sorte de sentiment de sécurité intérieure en faisant croire qu'il existe une solution parfaite, un comportement parfait pour assurer le bonheur dans cette vie et même dans l'au-delà. Il donne du grain à moudre à l'appétit de pouvoir et à la soif de combattre. Il donne du sens et unit contre un ennemi commun qui est diabolisé, qui devient le mal incarné. Dans l'île de Crète, les villageois brûlent le jour de Pâques un immense mannequin représentant Judas, le traître, le maudit. Ce feu de joie délivre l'âme inquiète et affolée par les changements du monde et donne l'assurance que l'avenir peut être bénéfique et même radieux.

Cette alliance des frustrés et des déshérités est réellement explosive. L'histoire a toujours réuni ces deux groupes de personnes dans un élan qui s'est voulu révolutionnaire. Les déshérités ont réellement besoin de lutter pour la justice et l'égalité. Ils apportent dans ces mouvements un peu de raison et des raisons de combattre. Les frustrés qui ne sont pas de véritables déshérités, écrivaillons, journalistes, enseignants, techniciens, communient dans une jalousie commune et maladivement cherchent à réparer ce qu'ils considèrent comme une injustice de la vie. Ils vont diriger le combat des déshérités et transformer le combat des déshérités en une lutte pour de nouvelles dominations. Ils vont vouloir écraser les imposteurs qui ont pris la place qui leur est due en raison du mérite qu'ils s'attribuent.

Cette alliance des frustrés et des déshérités prépare des conflits futurs qui n'opposeront pas seulement des cultures et des civilisations mais à l'intérieur même des sociétés, en Occident comme en Orient, des conceptions du monde opposées et inconciliables.

Charles Rojzman,

Le Huffington Post, 26 septembre 2014

Charles Rojzman est intervenant à TEDxVaugirardRoad. TEDxVaugirardRoad est un événement sous licence TED résolument centré sur l'humain. Retrouvez son actualité sur TEDxVaugirardRoad.com